Mariée à l’âge de 90 ans, Nana Mouskouri a finalement avoué le dernier homme de sa vie.

Paris, France – Elle est l’une des voix les plus reconnaissables au monde, une silhouette emblématique avec ses lunettes à monture noire et ses longs cheveux lisses. Nana Mouskouri, qui a fêté ses 90 ans, incarne pour beaucoup la réussite absolue : plus de 200 millions de disques vendus, une carrière dans une douzaine de langues, et une aura qui traverse les générations. Mais derrière cette façade de sérénité et d’élégance se cache une femme qui a porté toute sa vie le poids de tragédies silencieuses, de sacrifices déchirants et d’une quête éperdue d’amour et de stabilité.
Une Enfance sous les Bombes et la Faim
Pour comprendre la mélancolie qui teinte souvent la voix cristalline de Nana, il faut remonter à ses origines. Née en Crète en 1934, son enfance n’a rien d’un conte de fées. Elle grandit dans l’ombre terrifiante de la Seconde Guerre mondiale et de l’occupation nazie. La petite Ioanna (son vrai nom) connaît la peur viscérale, les nuits cachées dans les caves pour échapper aux bombardements, et surtout, la faim.
Elle racontera plus tard qu’avec sa sœur, elles chantaient pour oublier leur ventre vide. Cette insécurité originelle, couplée à l’absence temporaire d’un père envoyé aux travaux forcés, a forgé en elle une résilience de fer, mais aussi une peur panique de la perte. La musique n’était pas un loisir, c’était une bouée de sauvetage, un refuge contre l’horreur du monde.
Le Rejet et la Maladie : Les Épreuves de la Jeunesse
Le chemin vers la gloire fut semé d’embûches qui auraient pu briser bien des rêves. Adolescente, elle est frappée par une maladie du larynx. Une petite tumeur sur ses cordes vocales menace de la réduire au silence avant même qu’elle ne puisse faire entendre sa voix au monde. Refusant l’opération qui risquait de détruire son don, elle guérit par la patience et la détermination, mais garde la conscience aiguë que tout peut s’arrêter du jour au lendemain.
Plus tard, c’est l’institution qui tente de la briser. Le prestigieux Conservatoire d’Athènes la rejette, jugeant sa voix “trop faible” pour l’opéra et inadaptée. Ce verdict humiliant, qui aurait pu être une fin, devient un commencement. Blessée mais pas abattue, Nana se tourne vers le jazz et la musique populaire, trouvant là sa véritable voie, celle qui la mènera à Paris, à Quincy Jones, et au sommet des charts mondiaux.
L’Amour, le Sacrifice et la Culpabilité

La vie sentimentale de Nana Mouskouri est un miroir de ses luttes intérieures. Son premier mariage avec le musicien Georges Petsilas, débuté en 1961, semblait idéal. Ensemble, ils ont conquis le monde et fondé une famille. Mais la gloire est une maîtresse exigeante. Les tournées incessantes, l’éloignement et la pression du succès ont fini par user leur amour. Leur divorce en 1975 reste pour Nana son “plus grand échec”.
La chanteuse confie avec une honnêteté brutale la culpabilité qui l’a rongée pendant des années : celle d’une mère absente, obligée de laisser ses enfants, Nicolas et Hélène, pour courir les scènes du monde entier. “On ne peut pas tout avoir”, dit l’adage, mais le prix à payer est parfois la solitude et le regret de ne pas avoir vu grandir ceux qu’on aime le plus.
André Chapelle : La Lumière au Crépuscule
Cependant, la vie réservait à Nana un dernier acte lumineux. Après des années de solitude qu’elle décrit comme les plus difficiles de sa vie, l’amour a refait surface sous les traits d’un visage familier. André Chapelle, son producteur de longue date, l’homme de l’ombre qui avait façonné ses plus grands succès, est devenu l’homme de sa vie.
Leur mariage en 2003, alors qu’elle a 69 ans, est une revanche sur le destin. Avec André, elle trouve enfin l’apaisement, une épaule sur laquelle se reposer, et un partenaire qui comprend non seulement l’artiste, mais aussi la femme blessée. Il est son “dernier amour”, celui de la maturité et de la paix retrouvée.
Aujourd’hui, à l’aube de sa dixième décennie, Nana Mouskouri regarde son passé sans fard. Elle assume ses cicatrices, son exil perpétuel qui l’a fait se sentir étrangère dans son propre pays, et ses sacrifices. Mais elle célèbre aussi la vie, cette “liberté” qu’elle a chantée avec tant de ferveur, et l’amour qui, finalement, a triomphé des épreuves. Une leçon d’humanité bouleversante offerte par une étoile qui n’a jamais cessé de briller.