Le Secret de la Tombe Double : L’Épouse du Rituel d’Aja Mmiri

I. Le Rituel Immuable du Dimanche

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Le cimetière d’Enugu, à la périphérie de la ville nigériane animée, était pour moi un sanctuaire de paix illusoire. Chaque dimanche, je m’y rendais avec le même rituel : des fleurs fraîches, un moment de silence, et la contemplation de la pierre tombale en marbre de mon époux, Chike Okafor. La sobriété de l’épitaphe était une ancre dans ma courte et brusque histoire conjugale :

CHIKE OKAFOR Époux bien-aimé 1990 – 2022 Repose en paix

La mort de Chike avait été subite, une fin inattendue à un mariage qui n’avait duré que quatre mois. Je n’avais jamais vraiment fait mon deuil, car mon cœur n’avait pas eu le temps de s’attacher. Je venais par devoir, par respect pour la mémoire de l’homme que j’avais cru connaître.

Mais ce dimanche-là, une intuition étrange m’a retenue. Le soleil de l’après-midi, bas sur l’horizon, frappait la surface polie de la pierre d’un angle inédit. C’est alors que je l’ai vue : sous le nom gravé de Chike, une irrégularité dans le marbre. De fines lignes, méticuleusement remplies de terre et lissées, trahissaient une présence cachée.

II. La Révélation Sous la Terre

Mon sang s’est glacé. Mon cœur a bondi, le son assourdissant dans le silence du cimetière. Je me suis agenouillée, l’herbe humide et fraîche sous mes genoux, et j’ai sorti ma clé de voiture. Mes doigts tremblaient légèrement, mais la détermination était là. Avec la pointe métallique, j’ai commencé à gratter délicatement les rainures, laissant la terre s’échapper.

Lentement, lettre après lettre, un autre nom est apparu, un nom qui portait le même sceau familial, gravé juste en dessous de celui de mon mari :

IFEOMA OKAFOR Épouse bien-aimée 1992 – 2022.

Ifeoma. Le nom résonnait comme un glas. J’ai relu les dates, cherchant une erreur, un réconfort. Mais non. La même année de décès : 2022. L’année même où nous nous étions mariés. L’année même où mon histoire avec Chike avait commencé et s’était terminée. Ce n’était pas une coïncidence ; c’était un secret scellé dans le marbre.

En m’éloignant de la tombe, la lumière déclinante n’offrait plus de réconfort. La pierre n’était plus un mémorial, mais la preuve d’une double existence et d’une mort simultanée. Je savais que pour ma propre survie psychologique, je devais déterrer la vérité qui avait été si soigneusement recouverte.

III. L’Interrogatoire de la Gardienne du Secret

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Je suis allée voir la seule personne qui détenait toutes les clefs : la tante aînée de Chike. Cette femme, avec son autorité incontestée, avait été l’architecte de notre union. C’était elle qui avait insisté pour une cérémonie si précipitée et discrète, quatre mois seulement avant que Chike ne meure.

J’ai trouvé la Tante dans son salon, l’air digne et imperturbable. Sans préambule, je lui ai tendu mon téléphone, l’image de la double épitaphe illuminant son visage.

« Tante », j’ai dit, ma voix ferme malgré les tremblements intérieurs. « Qui est Ifeoma ? »

Son visage s’est d’abord décomposé dans un tic nerveux qui a immédiatement disparu. Elle a retrouvé son masque de matrone sévère. « Laisse les morts tranquilles, Nne. C’est le chemin de la sagesse. »

« Je suis sa veuve. J’ai le droit de savoir. Je me suis mariée à un homme qui partageait sa tombe avec une autre femme. »

Elle a soupiré, un son lourd et fatigué. « Ifeoma était sa première femme. Ils se sont mariés jeunes. Elle est morte… subitement. Juste avant que tu n’entres dans sa vie. Nous avions besoin que Chike se remarie rapidement pour… pour chasser le chagrin. »

Sa justification était fragile, faite de silences lourds. Le mot « subitement » m’a poignardée.

« Comment est-elle morte ? »

Tante a détourné le regard, ses yeux fixés sur un point invisible derrière mon épaule. « De maladie. Une maladie courte et rapide. »

Je savais qu’elle mentait. Le manque de chagrin, la hâte du remariage, la tombe cachée : tout sentait la dissimulation. Je suis partie, mais son mensonge n’a fait qu’alimenter ma quête.

IV. La Double Contradiction des Archives

Le lendemain, mon seul espoir résidait dans l’administration. À la mairie, après des heures passées à attendre et le prix d’un généreux pourboire, j’ai eu accès aux registres de mariage.

J’ai trouvé la trace d’Ifeoma Nwachukwu :

  1. Chike Okafor et Ifeoma Nwachukwu, mariés en 2018. (Logique pour une première épouse).

Mais en dessous, mon cœur a raté un battement. Un second enregistrement pour le même couple, Chike et Ifeoma : 2. Certificat de mariage daté de 2021.

Un an seulement avant leur mort. Et bien avant mon arrivée.

Pourquoi se marier deux fois avec la même femme, surtout si la première union n’avait pas été annulée ? Cette deuxième date, si proche de la mort d’Ifeoma, était la première preuve concrète que quelque chose n’allait pas. Ce n’était pas une simple succession d’épouses ; c’était une logistique macabre.

Le puzzle m’a menée vers le seul autre membre de la famille d’Ifeoma que j’ai pu retrouver : son jeune frère, Emeka, mécanicien dans un garage poussiéreux à Aba.

V. Le Rituel de l’Aja Mmiri et l’Épouse-Transaction

Quand je suis entrée dans le garage, la photo de la tombe à la main, Emeka était concentré sur un moteur. Il était jeune, les yeux fatigués. En voyant l’image, il s’est effondré sur un pneu, sanglotant bruyamment.

« Elle n’est pas morte de maladie », a-t-il craché entre deux sanglots. « Chike l’a tuée. »

Le mot est resté en suspension dans l’air vicié de l’huile moteur. Emeka m’a expliqué que Chike était obsédé par la richesse rapide et s’était engagé dans l’aja mmiri, ou le rituel de l’argent de l’eau. Ce type de pacte occulte, souvent lié à des forces aquatiques, promet une fortune rapide en échange d’un sacrifice humain, régulièrement renouvelé ou ciblé.

La condition était abominable : « Il lui avait été dit que sa fortune doublerait s’il sacrifiait sa première femme et se remariait dans l’année. »

Les pièces du puzzle se sont emboîtées avec une douleur physique. Le double mariage de 2021 était probablement un renouvellement de vœux ou une manœuvre rituelle. La mort d’Ifeoma en 2022. Et mon mariage précipité, quatre mois plus tard.

« Notre mariage… » ai-je murmuré, les larmes ne venant même pas, le choc étant trop grand.

« Faisait partie du sacrifice », a dit Emeka avec une amertume dévorante. « Tu étais la seconde femme dont il avait besoin pour accomplir la partie finale du rituel. Une transaction. »

Je n’étais pas une épouse bien-aimée. J’étais un ingrédient. Une étape dans un plan diabolique pour l’enrichissement personnel.

Chike, cependant, avait été puni par sa propre cupidité. Il avait tenté de modifier les termes du rituel pour vivre et jouir pleinement de sa fortune. Mais les esprits de l’argent, insatisfaits par cette tentative de tricherie, l’avaient emporté lui aussi.

VI. La Libération Surnaturelle

Je suis retournée chez moi, mon mariage tout entier s’étant écroulé en une réalité horrible. C’est dans le sommeil que la vérité a trouvé son repos.

Cette nuit-là, j’ai rêvé d’une femme en robe blanche, l’eau ruisselant de ses cheveux sombres, debout au pied de mon lit. C’était Ifeoma. Elle murmurait, ses lèvres bougeant sans bruit : « Merci de m’avoir libérée. »

À mon réveil, la preuve de sa visite se trouvait sur le sol : une empreinte de pas humide. Et sur ma coiffeuse, à l’endroit exact où jadis reposait mon alliance, un petit galet lisse, mouillé. Ifeoma était libre parce que la vérité avait été révélée.

Mon alliance était partie, mais la vérité restait. L’histoire d’amour que j’avais cru vivre n’était qu’un pacte, scellé dans l’ombre et le sang. Le secret de la tombe double m’avait sauvé. Mon tour n’était pas encore venu.

Avant de construire une vie avec quelqu’un, creusez un peu. Vous pourriez découvrir la personne qu’il a enterrée pour vous faire une place. Prenez garde à la tombe sur laquelle vous marchez.

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