Ce que nous pensions savoir s’était transformé en cauchemar. Fabian, un garçon joyeux et affectueux, a disparu sans laisser de traces le 10 octobre. Malade ce jour-là, il n’était pas allé à l’école. Pendant quatre jours, la ville l’a cherché, partagée entre espoir et crainte. Puis vint la macabre découverte : le corps de Fabian a été retrouvé, dissimulé, portant des traces évidentes de tentative de crémation. Les soupçons se sont rapidement portés sur Gina H., l’ex-compagne du père, Matthias R. C’est elle qui avait découvert le corps, et ses relations avec la famille étaient apparemment tendues. Elle a été arrêtée. L’affaire semblait simple : un crime de jalousie ou de vengeance.

Mais voilà que, des semaines plus tard, ce château de cartes s’écroule. Les enquêteurs ont mis au jour des éléments qui contredisent la version des faits de Dorina L. C’est le pire cauchemar de tout enquêteur : la possibilité que cette mère endeuillée, qui s’est effondrée en public, ait joué un rôle tragique.
L’enchevêtrement des contradictions : ce qui sème le doute chez les enquêteurs
Pour des raisons d’enquête, la police reste muette, mais des sources proches du dossier révèlent les types d’incohérences qui font actuellement l’objet d’un examen. Il s’agit des éléments fondamentaux de toute enquête : l’heure, le lieu et le comportement.
La première contradiction, et la plus classique, concerne la chronologie des événements. Dorina L. est la dernière personne à avoir vu Fabian vivant. Ses déclarations concernant l’heure à laquelle il aurait quitté la maison – soi-disant seul et sans son téléphone portable – doivent être vérifiables sans la moindre incohérence. Mais que se passerait-il si les données médico-légales révélaient une tout autre version ? Et si les données de son téléphone portable, les profils de déplacement ou les témoignages prouvaient que son récit est impossible ? Si l’heure du décès déterminée par le médecin légiste ne correspond pas à l’heure à laquelle Fabian aurait quitté la maison, une incohérence fatale apparaît, que Dorina L. doit expliquer.
La seconde contradiction concerne ses déplacements. Où se trouvait Dorina L. pendant les heures critiques ? A-t-elle quitté son domicile ? A-t-elle rencontré quelqu’un ? De nos jours, nous laissons tous des traces numériques : connexions téléphoniques aux antennes-relais, paiements par carte bancaire, enregistrements de caméras de surveillance. Si Dorina L. prétendait être chez elle, mais que ses données indiquent le contraire, il ne s’agit pas d’une simple inexactitude. Cela laisse supposer un mensonge.
La troisième contradiction, et peut-être la plus troublante, réside dans son comportement. Les enquêteurs expérimentés et les psychologues criminels sont formés pour distinguer un chagrin authentique d’une mise en scène. Certes, le deuil est une expérience individuelle. Certaines personnes se figent, d’autres s’effondrent, d’autres encore fonctionnent de manière purement mécanique. La cousine de Dorina L., Claudia Kauer, a décrit un effondrement total de sa mère lorsqu’elle a appris la découverte du corps. « Elle était complètement anéantie », a-t-elle déclaré.
Mais les enquêteurs restent attentifs aux moindres indices. Y a-t-il eu un délai suspect avant qu’elle ne signale la disparition de Fabian ? Avait-elle besoin de temps pour inventer une histoire ou brouiller les pistes ? Comment s’est-elle comportée pendant les quatre jours de recherches ? S’est-elle impliquée activement ou s’est-elle délibérément tenue à l’écart, allant jusqu’à éviter certaines zones de recherche ? Le fait qu’elle ait communiqué exclusivement par l’intermédiaire de son avocat est également ambigu. D’un côté, il s’agit d’une protection compréhensible contre les médias pendant cette période traumatisante ; de l’autre, c’est la stratégie idéale pour éviter de se dévoiler par des déclarations spontanées et incontrôlées.
Le scénario le plus sombre de tous : la connaissance et la complicité de l’auteur des faits
Le soupçon le plus sérieux qui plane actuellement est celui de la complicité du coupable. Dorina L. a-t-elle révélé des détails sur l’emplacement ou l’état du corps qu’elle ne pouvait connaître, à moins d’avoir été présente sur les lieux ? A-t-elle même fourni des indices avant la découverte officielle du corps de Fabian ? De tels moments constituent souvent un tournant dans les affaires criminelles, l’instant où les soupçons contre une personne s’intensifient.

Ce nouveau développement soulève inévitablement une autre question, encore plus sombre : quel rôle joue Gina H., la femme toujours en détention ? Les enquêteurs doivent désormais envisager des scénarios presque inimaginables.
Premier scénario : Dorina L. est la seule coupable et a habilement orchestré le complot visant à faire de Gina H. un bouc émissaire. Elle était au courant du conflit entre son ex-compagne et Gina H. et l’a exploité comme diversion. Elle a semé des indices, manipulé la situation pour que Gina H. soit obligée de découvrir le corps , et a peut-être même fabriqué des preuves compromettantes contre elle. Dans ce scénario, Gina H. serait innocente et la seconde victime d’un complot cruel.
Le second scénario, presque plus troublant encore : une alliance monstrueuse. Dorina L. et Gina H. auraient-elles pu agir de concert ? Et si ces deux femmes partageaient un mobile commun dirigé contre le père, Matthias R. ? Une haine partagée, un plan de vengeance si extrême qu’il a sacrifié la vie d’un enfant innocent. Peut-être Dorina L. a-t-elle elle-même amené son fils à Gina H., et toutes deux étaient-elles impliquées dans le crime et sa dissimulation. Si les enquêteurs découvrent des échanges entre les deux femmes le jour du crime, cette théorie deviendrait soudainement plausible.
Pourquoi ? L’insoutenable question du mobile.
Si les soupçons se confirment, une question que personne n’ose poser se pose : pourquoi une mère tuerait-elle son propre enfant ? La psychologie criminelle désigne ce phénomène par le terme de « filicide ». Les motivations sont variées et souvent incompréhensibles pour les personnes extérieures.
Était-ce un fardeau soudain et insurmontable ? Dorina L. était-elle une mère célibataire à bout de forces, peut-être en raison de problèmes financiers ou psychologiques ? Parfois, un meurtre survient sous le coup de la colère, suite à une situation de surcharge extrême. Ou souffrait-elle d’une maladie mentale non diagnostiquée, une psychose, qui a altéré sa perception de la réalité ?
Un autre motif fréquent est une nouvelle relation. Fabian ne correspondait-il pas à un nouveau projet de vie ? Était-il un obstacle pour un nouveau partenaire qui, peut-être, ne souhaitait pas d’enfants ?
Le mobile le plus abominable serait la vengeance contre le père. Dans les séparations conflictuelles, l’enfant devient parfois l’arme ultime : le tuer pour punir l’autre parent de la pire des manières et le priver de ce qu’il a de plus précieux. C’est une forme de cruauté extrême, mais qui a été documentée.
La présomption d’innocence s’applique – même face à l’horreur.
Au milieu de toutes ces spéculations et de ces terribles possibilités, une chose doit être claire : la présomption d’innocence s’applique. L’existence d’incohérences ne rend pas automatiquement Dorina L. coupable. Il existe également des arguments qui plaident en faveur de son innocence.
Son chagrin, d’une sincérité apparente selon sa cousine, en est un indice convaincant. Simuler un tel effondrement pendant une période prolongée devant tant de personnes exige un sang-froid exceptionnel.
Les contradictions dans les déclarations peuvent aussi être dues à des erreurs humaines. Une mère qui vient de perdre son enfant est sous le choc. Dans de telles situations extrêmes, la mémoire est défaillante. Les détails s’estompent et la notion du temps se brouille. Ce qui semble être un mensonge peut être le reflet de la confusion désespérée d’une personne traumatisée.
Les enquêteurs ne sont pas infaillibles non plus. Ils peuvent suivre de fausses pistes, surinterpréter des preuves et s’obstiner sur une théorie. Ce serait une double tragédie si une mère innocente, ayant perdu son enfant, était désormais accusée à tort de meurtre.
Le rôle du père, Matthias R., demeure frappant ; il s’est complètement retiré de la vie publique et garde le silence. Son rôle fait sans aucun doute l’objet d’une enquête approfondie.
L’affaire Fabian est loin d’être terminée. D’une tragédie, elle s’est muée en une énigme psychologique complexe, nous obligeant à affronter les abysses de la dépravation humaine. Les enquêteurs sont confrontés à une tâche des plus ardues : démêler le vrai du faux. Nous avons le devoir, envers Fabian, de faire éclater la vérité au grand jour, aussi pénible et douloureuse soit-elle.