(1859, Corrèze) La Maison Terrifiante des Villard — L’Histoire Que Personne n’Ose Raconter

(1859, Corrèze) La Maison Terrifiante des Villard — L’Histoire Que Personne n’Ose Raconter

Avant de commencer, dites-moi d’où vous m’écoutez et comment est le temps dans votre ville. Il existe des demeures que le temps oublie et d’autres que les hommes préfèrent oublier. La maison des villards appartenait à cette deuxième catégorie.

Une construction de pierres grises qui s’élevait au cœur de la corèise comme un secret enfoui respirant contre le flamboisé de la région. Pendant près de trois siècles, elle avait abrité des générations, des naissances, des alliances, des héritages murmurés dans les salons fermés.

Puis vint l’année, cette année où les fenêtres commencèrent à s’ouvrir seules, où les pas raisonnaient dans le silence, où la famille villard, autrefois respectée, presque révérée, disparut lentement de la mémoire commune comme effacée par une main invisible. Personne dans le village de Montgivou ne parlait plus de la maison après l’été de cette année-là.

Les habitants détournèrent les yeux lorsqu’on passait devant ces grilles de fer rouillées. Les enfants n’osaient même pas s’en approcher et les registres officiels. Il restait curieusement silencieux sur les derniers mois de la famille comme si quelque chose ou quelqu’un avait jugé que certaines vérités ne devaient jamais voir la lumière. Ce qui suit est ce qu’on mure encore à voix basse quand le vent se lève au-dessus de la corèse.

C’est l’histoire de ce qui s’est vraiment passé dans cette maison, ou du moins ce qu’il en reste. Le mois d’avril 1859 avait revêtu la corèse de cette teinte grise verte particulière aux régions montagneuses du centre de la France.

La brume restait accrochée aux forêts de chaînes et de Châigniers bien après le lever du soleil, créant une atmosphère d’entre deux mondes où le réel et l’imaginaire semblaient se disputer chaque coin d’ombre. La maison des villards, massive et austère se dressait sur un domaine de trente hectares. Ces murs, construits à l’époque de Louis XIV avont vu défiler les siècles sans s’en émouvoir.

Elles comportaient trois étages, une tour nord tournée vers les bois et des fenêtres qui ne s’ouvraient jamais ou ne devaient jamais s’ouvrir. C’était l’une des rares règles tacites de la demeure transmise de maètre à maître, de gouvernante à gouvernante.

Ces fenêtres du troisème étage, celles de la tour nord, resteraient à jamais close. Personne ne savait pourquoi. Personne n’osait le demander. Le marquis Henry Claude de Villard était mort 3 ans plus tôt, laissant la responsabilité de la maison à son fils aîné Thomas Edouard. Thomas Edouard avait 42 ans, une barbe grise soigneusement taillée, la réputation d’un homme juste, sinon austère. Il gérait ses terres avec une main ferme mais équitable.

Il assistait à la messe chaque dimanche. Il payait ses domestiques à l’heure dites. Il était en somme le type même du propriétaire terrien respectable que toute région cultivée peut s’enorgueillir de posséder. Sa femme Marguerite Élise était d’une beauté discrète, le genre de beauté qui vieillit bien, qui s’approfondit plutôt qu’elle ne s’effasse. Elle avait 53 ans mais en paraissait 40.

On disait qu’elle lisait beaucoup, qu’elle commandait des livres de Paris, que certaines nuits on voyaaient la chandelle brûler dans sa chambre jusqu’aux petites heures. Elle parlait peu, souriait rarement, mais lorsqu’elle vous regardait, on avait l’impression étrange d’être vraiment vu, vraiment compris. Leurs trois enfants vivaient encore à la maison.

L’aîné Lucien avait ans et travaillait pour l’administration préfectorale à Tul. Il venait peu à la maison préférant la vie urbaine, les cafés, les discussions politiques. Il représentait l’avenir, le progrès, l’évasion de cet univers figé. La cadette Arm avait 27 ans et n’était pas mariée. Un fait remarquable et légèrement scandaleux pour l’époque.

Elle vivait à la maison, peignait à l’aquarelle, correspondait avec des amis à Paris et possédait cette sorte d’indépendance féministe qui inquiétait vaguement le village. Enfin, il y avait Étienne, le Benjamin, qui n’avait que dix ans et qui portait en lui cette mélancolie propre à la jeunesse aristocratique, belle, tourmentée, incertaine de ce qu’il serait un jour. Le personnel était composé de sept domestiques permanents.

Lucienne, la gouvernante âgée d’une soixantaine d’années qui servait la famille depuis 40 ans. George, le valet de chambre de Monsieur. Margaot Lisette, les servantes. Benoît le jardinier et gardien des domaines, Francine la cuisinière et Léopold l’hommes à tout faire à qui l’on confiait les tâches les plus ingrates et les plus éloignées de la maison.

C’est Léopold qui remarqua le premier que quelque chose changeait. Il avait l’habitude de vérifier les serrures chaque soir, une tâche que personne ne lui demandait explicitement, mais que tous acceptaient comme faisant partie de sa charge. C’était un homme d’environ 50 ans avec des mains caleuses et un visage que le travail extérieur avait anné.

Ils ne savaient ni lire ni écrire, mais possédait cette intelligence pratique des hommes qui ont passé leur vie à observer la nature et les bâtiments. Ce fut par une nuit du 12 avril, alors que la lune était presque nouvelle et que les étoiles tremblaient à peine au-dessus de la corèise, que Léopold trouva la fenêtre du troisème étage grande ouverte.

Il monta l’escalier étroit qui menait à la tour nord, tenant sa lanterne devant lui. L’air froid descendait du troisème étage, humide et chargé d’une odeur qu’il ne pouvait pas identifier, quelque chose entre la poussière ancienne et une fleur fanée. La fenêtre, celle-là même que personne ne devait toucher, était ouverte sur la nuit.

Les volets intérieurs, autrefois scellés, gisaient sur le sol, l’un d’eux légèrement fendu. Léopold referma la fenêtre avec des gestes lents, presque revérant. Son cœur battait sans raison. Il ne mentionna ce incident à personne. Deux jours plus tard, elle était de nouveau ouverte. Cette fois, il alla trouvé Lucienne dans la cuisine.

La gouvernante levait à peine du péin où elle préparait la pâte du pain. Elle écouta le récit de Léopold, son visage devenant progressivement plus pâle jusqu’à ressembler à la pâte qu’elle malaxait. “C’est la deuxième fois ?” demanda-t-elle. “Oui, madame.” Lucienne s’essuya les mains sur son tablier bleu.

“Fermez-la, fermez-la chaque soir et ne parlez de cela à personne. Vous comprenez ?” Léopol comprenait et il obéit. Mais les fenêtres continuèrent de s’ouvrir. À la fin du mois d’avril, Armans remarqua que sa mère était de plus en plus souvent dans la bibliothèque, que ses repas restaient intacts, que ses yeux prenaient cette teinte vitrée propre à ceux qui ne dorment pas.

Un matin, alors que les deux femmes prenaient le café ensemble dans le petit salon du rez-de-chaussée, Armands osa demander : “Maman, allez-vous bien ?” Marguerite Élise regarda par la fenêtre vers les bois qui s’étendaient au-delà du domaine. Oui, cher. J’ai simplement beaucoup de pensées qui occupent mon esprit en ce moment.

Des pensées agréables, un sourire sans joie effleura les lèvres de Marguerite Élise. Non, pas particulièrement. Elle posa sa tasse de café avec précaution, comme si elle risquait de se briser. Armands, dites-moi, avez-vous jamais ressenti une présence ? Quelque chose qui était là dans la pièce avec vous, mais que vous ne pouviez pas voir ? Maman ! Vous m’ffrayez, dit Arms, bien qu’elle prit un ton léger. Je ne cherche pas à vous effrayer, c’est une simple question.

Non, je n’ai jamais ressenti cela. Marguerite hocha la tête comme si cette réponse confirmait quelque chose. Elle regagna la bibliothèque et ne reparut que le soir pour le dîner où elle mangea presque rien. En mai, les événements commencèrent à s’accélérer.

Lucien revint de Tull pour le weekend, ce qui était inhabituel car il ne se montrait qu’une fois par mois et trouva la maison dans un état de tension sourde, une atmosphère d’attente que personne ne pouvait nommer. À table, le repas se fit en silence, entrecoupé seulement des teintement des couverts contre la porcelaine.

Thomas Édouard jetait des regards inquiets à sa femme. Étienne, pâle avalait sa nourriture sans y goûter. Armans observait tout le monde avec cette lucidité froide qui caractérisait sa jeunesse. Il y a quelque chose ? Demanda finalement Lucien. Non, dit Thomas Edouard trop rapidement. Pourquoi demandes-tu ? Parce qu’on dirait qu’on assiste à un enterrement. C’est juste la fatigue, intervint Marguerite Élise.

Le printemps était puisant, mais ce n’était pas la fatigue. Dans le village, on commençait à murmurer. Francine, la cuisinière, avait une sœur qui travaillait comme blanchisseuse pour les villards. Cette sœur rapportait que les draps étaient souillés d’une substance noirâtre, que les chemises se déchiraient comme si on les avait arraché, que madame se levait la nuit et harait dans les couloirs.

Ces ragots circulèrent d’abord parmi les domestiques, puis entre les commerçantes au marché. Puis jusque dans les salons où on les colportait en baissant la voix, l’abé marchand qui desservait la paroisse depuis 40 ans remarqua que Thomas Edouard était devenu un visiteur régulier à l’église, priant longuement après la messe, son visage creusé par une inquiétude qui ressemblait à de la culpabilité.

Une fois, l’abé l’aborda : “Mon fils, vous semblez porté par un grand poids.” Thomas Edouard sursauta comme si on l’avait tiré d’un rêve. Père, pouvez-vous me dire, croyez-vous que Dieu puisse punir une maison, pas une personne, mais une maison elle-même ? L’abé prudent répondit : “Dieu punir les hommes par les circonstances, par les épreuves, mais je ne sais pas s’ils punirent les bâtiments.

Pourquoi me posez-vous cette question ?” “Pas de raison particulière, dit Thomas Édouard, les yeux fuyants. Une pensée qui m’a traversé l’esprit.” Mais il ne revint pas à la messe le dimanche suivant. Join arriva avec une chaleur anormale, comme si la région elle-même était fiévreuse.

Les bois qui entouraient la maison prenaient une teinte d’un verre quasi sombre, oppressant. Les brumes matinales tardaient à se dissiper, accrochées aux pierres comme une malédiction. C’est au cœur du mois que les bruits commencèrent véritablement. Margaot, l’une des servantes, entendit pour la première fois des pas dans le corridor du deuxième étage vers 3h du matin.

Elle les entendit d’abord distinctement. La cadence régulière de quelqu’un qui marche. Elle retint son souffle écoutant. Les pas passèrent devant sa porte lent et délibérée. Elle se leva, son cœur frappant contre ses côtes comme un oiseau en cage et ouvrit sa porte avec précaution. Le corridor était vide. Une chandelle brûlait à l’une des extrémités, jetant des ombres qui dansaient le long des murs.

Les pas s’évanouirent quelque part vers l’aile est, là où se trouvaient les chambres privées de la famille. Elle attendit quelques minutes puis se recoucha. Les yeux grands ouverts jusqu’à l’aube, liset entendit les mêmes pas trois nuits plus tard. Et Léopold, dormant dans sa chambre adjacente aux écurri, entendit quelque chose de pire.

Non des pas, mais ce qui semblaient être des mains qui grattaient le long des murs extérieurs en bas près du sous-sol. Un grattement lent et régulier, comme si quelque chose d’inhumain tentait de se frayer un chemin à travers la pierre. Lucienne, interrogée discrètement par Marguerite Élise, confirma qu’elle aussi avait entendu. “C’est peut-être les rats, suggéraat-elle, sachant que c’était un mensonge.

” “Non, dit Marguerite Élise, ce n’est pas des rats.” Pendant ce temps, Armand s’enferma dans la bibliothèque et commença à fouiller les archives familiales. Elle découvrit des lettres jaunes datées de plus de 100 ans, écrites par des mains qui avaient longtemps poussière. Elle trouva des références cryptiques à l’affaire de 173, à la chambre qui ne doit pas être ouverte, à une certaine mademoiselle Isabelle Rose qui était morte à la maison sans jamais le quitter, dont le nom avait été rayé de l’arbre généalogique familial. Elle trouva aussi glissée entre les pages d’un recueil de poésie une carte dessinée à la main montrant l’étage supérieur de la maison. Elle était à notée de notes fragmentaires. Ici, elle observe la fenêtre du nord, ne pas la fermer. Si elle crie, on ne doit rien faire. Arm sentit le froid s’installer en elle, un froid qui venait de l’intérieur de ses eaux. Elle ne montra cette carte à personne et Tienen lui changea complètement de comportement.

Autrefois jovial, enclin aux plaisanteries avec les domestiques, il devint silencieux, presque absent. On le voyait marcher seul dans les bois au crépuscules, revenant après les heures du dîner son costume couvert de terre. Une fois, Lisette le trouva en train de murmurer quelque chose dans la chapelle privée de la maison, ses lèvres bougeant sans émettre aucun son audible, ses yeux fermés comme en trans.

“Monsieur Étienne, allez-vous bien ?” demanda-t-elle alarmée. Il ouvrit les yeux lentement comme un homme sortant d’un profond sommeil. “Oui, pardonnez-moi.” Je priais simplement. “Pourquoi priez-vous ? demanda Lisette ne sachant pas pourquoi elle posait cette question. Étienne sourit mais c’était un sourire vide, mécanique.

Pour que tout cela finisse, à la mi-juillet, Thomas Édouard déclara que la famille se retirerait temporairement à leur propriété secondaire dans le limousin histoire de laisser reposer la maison pendant les mois d’été. C’était un mensonge transparent. Personne dans la région n’avait d’autres propriétés secondaires tant qu’elles auraient besoin de réparation ou de nettoyage.

Une résidence était soit habité, soit pas. Mais on accepta cette explication car elle était utile. Elle permettait à chacun de prétendre que rien d’extraordinaire n’était survenu. Avant de partir, Marguerite Éise passa plusieurs heures dans la bibliothèque enfermée à clé. Armand, qui l’écouta de l’autre côté de la porte, entendit sa mère se déplacer parmi les livres.

écrivant quelque chose puis brûlant apparemment certains documents dans la cheminée. Lorsque la porte s’ouvrit enfin, Marguerite Éise était pâle comme une spectre, mais ses yeux brillaient d’une certaine résolution. “Arance, je voudrais que vous m’aidiez à quelque chose”, dit-elle.

“Bien sûr, maman, je voudrais que nous scellions la chambre du troisème étage, la tour nord. Je veux que les murs soient repeints, que les fenêtres soient bloquées de l’intérieur et que personne n’y entre jamais. Mais pourquoi Marguerite Élise posa une main sur la joue de sa fille ? Parce qu’il y a certaines douleurs qui sont plus faciles à oublier si on ferme les yeux et certaines portes qui ne devraient jamais être ouvertes. Elle n’en dit pas plus.

Pendant les trois jours précédant leur départ, des ouvriers vinrent de Tules envoyés discrètement par Thomas Edouard. Il murent les trois fenêtres du troisième étage, construisant des briques au-delà du verre, créant un mur dans un mur, une absence totale dans l’absence. Ils repnirent tout l’étage en blanc pur, couleur d’oubli.

Le silence pendant qu’il travaillait était profond, occupé, comme si même les murs se concentraient pour se taire. Lorsque les ouvriers eurent terminés et furent repartis, Lucienne monta vérifier le travail. Elle monta seule sans témoin. Quand elle redescendit une heure plus tard, ses cheveux gris semblaient avoir perdu toute couleur et elle ne parla jamais de ce qu’elle avait vu. La famille partit le 20 juillet 1859.

Les voitures les emportèrent vers le limousin, traversant les bois de Corè jusqu’aux terres plus douces du sud. On les vit partir du village et beaucoup remerciaient silencieusement cette absence. Mais il y a un détail qu’aucune archive n’enregistrait, qu’aucun témoin n’aurait osé rapporter officiellement.

c’est que sur le siège de la dernière voiture à côté de Lucienne, il semblait y avoir une présence, une forme indistincte, perceptible, sans être visible, comme l’ombre du nombre. Léopold, qui regardait partir la voiture du portail, jura plus tard qu’il avait senti quelque chose de froid passer, un souffle qui n’avait rien de naturel, mais peut-être était ce simplement le vent du soir.

La maison, une fois vide de ses habitants, sembla respirer d’un soupir de soulagement. Les domestiques qui restaient, Lucienne, Léopold et les deux servantes, continuèrent à accomplir leur tâche quotidienne mais sans but véritable. Ils époustaient les meubles d’une maison que personne n’habitait, cuisinaièrent des repas pour une table vide, allumaient les chandelles le soir bien que personne ne les verrait. C’était comme servir des fantômes.

Lucienne écrivit une lettre à Lucien, l’aîné, informant que tout était en ordre. Elle mentit. Elle mentit magnifiquement avec tous les détails que peut maîtriser une gouvernante chevronnée. Elle rapporta que la maison était tranquille, que les réparations s’étaient bien déroulées, que tout attendait patiemment le retour de la famille. Mais les lettres de Lucien montraient une inquiétude croissante.

Il demandait des rapports détaillés. Il insistait pour que Lucienne lui écrive chaque semaine et puis vers la fin août, il cessa d’écrire. Ce fut Arm qui brisa le silence. Elle revint seule à la maison un jour de la fin août contre les souhaits de sa famille.

Elle arriva sans préavis, descendant d’une voiture lowée à Tul avec seulement une malle pour ses affaires. Lucienne la reçut à la porte, les yeux élargis par la surprise. Mademoiselle Armands, que faites-vous ici ? J’ai dû revenir, dit Armand simplement. Y a-t-il un problème ? Lucienne hésita. Non, mademoiselle. Bienvenue à la maison. Mais il y avait un problème. Armance le su immédiatement en montant l’escalier.

L’air était différent. Les murs avaient changé de couleur, pas visiblement, mais on pouvait le sentir comme si la pierre elle-même s’était vieilli sous le poids de quelque chose. Et les pas, elle entendit les pas ce premier soir, aussi réguliers et spectro qu’avant, peut-être même plus proche.

Elle passa la nuit dans sa chambre, lumière allumée, s’endormir. Le matin venu, elle demanda à voir l’étage supérieur. Lucienne refusa poliment mais fermement. L’ordre de monsieur est que cet étage reste fermé, mais nous pouvons au moins le vérifier, insista Arms, vous et moi. Lucienne, après une longue pause, accepta. Elles montèrent ensemble, les deux femmes, portant une lampe à huile.

En haut, dans la chambre qui avait été scellée, elles trouvèrent que le plâtre des murs montrait des fissures, non pas des fissures naturelles de déciation, mais des fissures profondes, comme si quelque chose de l’intérieur avait essayé de briser le mur du dehors.

Les murs blancs éclatants étaient maintenant parsemés de taches brunâtres qui ressemblaient à de l’humidité ou à du sang séché. La peinture blanche, cette peinture neuve appliquée quelques semaines plus tôt, semblait déjà décrépite comme si les années s’étaient condensées en quelques semaines. Armand s’approcha. Il était froid, étrangement froid, comme si cette pièce ne voyait jamais la lumière du soleil, même quand le soleil brûlait de son côté.

“Qu’est-ce que c’était ?” demanda Armand sa voix basse. “Qu’est-ce que c’était vraiment ?” Lucienne, les lèvres tremblantes, répondit : “C’était une jeune fille. Elle s’appelait Isabelle Rose. C’était la fille du cousin de monsieur, venue vivre ici voici très longtemps quand votre grand-père était encore vivant. Elle était jolie, très jolie.

Et et quoi ? Et elle était malheureuse. Elle se sentait prisonnière. Elle parlait souvent de parties de la maison où elle ne pouvait pas aller, de secrets de la famille qu’on lui interdisait de connaître. Et puis un jour, elle a essayé de s’échapper. Elle a grimpé jusqu’à la tour nord, a essayé de sortir par la fenêtre.

Lucienne s’arrêta incapable de continuer. Elle a sauté, demanda Armands. Non, mademoiselle, pire. On l’a trouvé le matin, morte dans le lit de sa chambre. Les portes étaient fermées de l’intérieur, les fenêtres aussi. Elle était simplement morte. Et quand on l’a enterré, tous les documents ont disparu. Son nom a été rayé des registres.

Et cette chambre, cette chambre est restée hantée. Finit Arms. Oui, mademoiselle. Armans regarda autour d’elle, cherchant quelque chose, une preuve, une explication, quelque chose qui ferait sens. Mais il n’y avait rien à trouver, seulement l’absence, le silence et cette sensation de présence qui semblait suinter des murs eux-mêmes.

“On doit la laisser partir”, murmura Arms. “Elle veut seulement être reconnue, être libérée.” “Comment libère-on un fantôme, mademoiselle Armans ne répondit pas, elle ne savait pas. La famille revint à la fin de septembre quand les feuilles commençaient à tourner aux roues.

Et alors, Armans entendit les voitures gravir l’allée le jour de leur arrivée, entendit les voix dans le hall d’entrée et elle su immédiatement que quelque chose avait changé chez eux. Ils étaient plus silencieux, plus fantomatiques qu’avant de partir. Marguerite Éise avait maigri, sa beauté devenant presque transparente.

Thomas Edouard avait développé un tic au coin de l’œil, un tremblement involontaire qui suggérait une tension nerveuse intense. Étienne ne quittait jamais sa chambre avant midi et quand il le faisait, ses yeux ne parvenaient pas à se focaliser sur autre chose que les murs.

Seul Lucien semblait préserver une apparence de normalité, bien que Armand remarqua qu’il ne dormait plus à la maison. Il prenait une voiture vers Tule après le dîner et ne revenait que le matin. Il fuyait. Une semaine après leur retour, Armand s’entendit des cris étouffés en provenance de la chambre de sa mère. Tard le soir. Elle se leva, descendit le corridor et trouva la porte entre baillée. Elle regarda par le fent.

Son père tenait sa mère par les épaules, la secouant légèrement répétant : “Réveille-toi, réveille-toi, ce n’est qu’un rêve.” Tandis que Marguerite Éise, le visage mouillé de larme, continuait à crier quelque chose qui ressemblait à “Elle m’appelle, elle m’appelle. Elle veut que je sache.” Armand referma la porte et regagna sa chambre, son cœur martelle.

Le lendemain, elle trouva Étienne dans le jardin, regardant fixement le sous-bois en direction de la tour nord. Elle s’assit à côté de lui sur le banc en pierre. Étienne, parlez-moi dit-elle. De quoi ? Demanda-t-il comme si c’était une question inutile. De tout, de ce qui se passe ici, de ce que tout le monde refuse de dire. Étienne garda le silence pendant un long moment, ses yeux suivant les mouvements des feuilles tombant des arbres. “Tu veux la vérité ?” demanda-t-il finalement.

“La vérité est que cette maison n’a jamais eu l’intention d’être un endroit de vie. Elle a toujours été un tombeau. Et nous ne sommes que ces créateurs involontaires. Nous vivons ces mensonges, reproduisons ces silences et chaque génération ajoute une nouvelle couche de secret jusqu’à ce que la seule chose qui reste soit le secret lui-même.

Elle parle à maman dit Arms. Oui, Isabelle Rose. Oui. Et à toi aussi. Étienne sourit mais c’était un sourire brisé chaque nuit. Elle me dit qu’elle ne peut pas partir, qu’elle est liée à ce lieu, qu’elle attend l’une de nous pour lui donner ce qu’elle n’a jamais eu envie.

Quoi ? Une vérité, un nom, une reconnaissance que son existence a importé. Il se leva et s’éloigna vers les bois, ses mains enfoncées dans ses poches. Les mois qui suivirent furent marqués par une lente inexorable dégénérescence. On voyait à peine Thomas Edouard qui passait ses journées enfermées dans le bureau à signer des documents, probablement des arrangements pour se détacher progressivement de la maison pour la vendre ou la laisser à quelqu’un d’autre.

Marguerite Élise errait entre la bibliothèque et sa chambre, parlant à voix basse avec quelqu’un que personne d’autre ne pouvait entendre. Armands trouvait des notes écrites de la main de sa mère, des fragments confus, des noms, des dates, des phrases comme “Pardonnez-moi, je ne savais pas et comment aurais-je pu savoir” glisser entre les pages des livres, brûlé dans la cheminée, dispersé au vent du domaine.

Lucien cessa complètement de venir. Une lettre arriva en novembre adressée à Thomas Édouard. Et, bien que personne n’eût vu son contenu, le changement qu’elle provoqua fut dramatique. Thomas Édouard devint encore plus retiré. presque catatonique. Il mangeait à peine.

À une occasion, Lucienne le trouva assis dans le salon à trois heures du matin, parfaitement immobile, regardant un mur vide comme si une scène entière y était projetée. Étienne, le jeune Étienne, qui avait autrefois montré des promesses d’une vie normale, bascula complètement. Il commença à descendre chaque nuit, attiré par quelque chose que lui seul pouvait percevoir.

On l’entendit monter les escaliers qui menaient à la tour nord, puis le silence. Un silence qui durait des heures. Quand il revenait, sa chemise était mouillée de sueur froide et ses yeux avaient cette teinte grise propre aux hommes qui ont vu quelque chose qu’aucune personne vivante ne devrait voir.

Qu’y a-t-il là-haut ? Demanda Arm une nuit, l’attrapant au moment où il descendait. Rien, répondit Étienne. Et tout, la réponse à toutes les questions que nous ne posons jamais. Elle te montre quelque chose. Elle me montre comment elle est morte chaque nuit d’une manière différente. Comme si elle essayait d’expliquer quelque chose que les mots ne peuvent pas contenir.

Comme si elle voulait que je comprenne que cela aurait pu être évité. Pourquoi ? Parce que quelqu’un aurait dû remarquer. Quelqu’un aurait dû voir qu’une jeune fille disparaissait lentement. Quelqu’un aurait dû oser dire la vérité plutôt que d’écrire des mensonges dans des registres officiels. Armand sentit le poids de cette accusation silencieuse.

Elle savait maintenant, en regardant son frère, qu’elle voyait un jeune homme en train de se noyer en eau profonde. Il y avait quelque chose dans ses yeux qui n’était pas entièrement humain, quelque chose qui avait commencé à être capturé par la présence dans la tour. Elle agit. Le décembre, Armans convoqua l’abé marchand à la maison.

Elle le rencontra à la porte avant même qu’il ne franchisse le seuil et lui parla directement, sans détour, sans ménagement. Père, cette maison est tentée pas par un simple esprit, par quelque chose de beaucoup plus complexe. Une présence qui a été créée et nourrie par le silence de trois générations. Et si nous ne faisons rien, elle prendra mon frère avec elle. L’ab, un homme âgé ayant passé 40 ans dans ce village, n’était pas facilement surpris, mais même lui sembla secouer.

Il entra dans la maison et Armand le mena à la bibliothèque où elle lui montra les documents qu’elle avait rassemblé, les lettres anciennes, les notes cryptiqu, la carte dessinée à la main et surtout le journal d’Isabelle Rose que Marguerite Éise avait finalement dans un moment de lucidité forcée remis à Armand en disant il est temps que quelqu’un sache.

Le journal racontait l’histoire d’une jeune fille arrivée à la maison en 1732, envoyée par des parents qui ne savaient pas qu’on la marierait. à un cousin beaucoup plus âgé dans un arrangement de pure convenance. Elle y avait trouvé une maison pleine de secrets, des pièces dont elle était interdite, des conversations qui s’arrêtaient quand elle entrait.

Elle avait écrit qu’elle se sentait piégée, qu’elle sentait quelque chose de mal dans les murs, que chaque nuit, elle entendait des bruits dans les couloirs, des voix qu’il appelaient par son nom. Et puis le dernier enregistrement datant de septembre était écrit avec une main tremblante : “Je ne peux plus supporter ce poids. Je dois partir de cette maison ou mourir, l’une ou l’autre.

” 3 jours après cette entrée, Isabelle Rose était morte, trouvée dans son lit. Fenêtres fermées, portes fermées, aucune blessure, aucune explication. L’abbé posa le journal avec délicatesse. “Dieu du ciel”, murmura-t-il. “Elle ne s’est pas tué”, dit Arms, mais on l’a laissé se laisser mourir et c’est le poids de ce silence qui la retient ici. “Que proposez-vous ?” demanda la Bé.

“Nous devons l’admettre, dit Arms. Nous devons reconnaître publiquement ce qui s’est passé. Nous devons donner à Isabelle Rose le nom et le respect qu’on lui a refusé.” Cette nuit-là, l’abé marchand monta à l’étage supérieur seul avec son brévière et son eau bénite. Il n’avait jamais participé à un vrai exorcisme.

Ces phénomènes surnaturels qu’on lui avait enseigné à l’église datait de l’époque des saints, pas du 19e siècle. Mais il savait que le mal n’avait pas d’époque et que le silence pouvait être aussi corrosif que n’importe quel démon. Ce qu’il entendit lors de cette nuit solitaire, il ne l’expliqua jamais à personne. Il en sortit profondément changé.

les cheveux un peu plus gris, les yeux un peu plus compréhensifs, mais il fit ce qu’on lui avait demandé. Le dimanche suivant, durant la messe devant tout le village assemblé, l’abé marchand fit quelque chose d’extraordinaire.

Il prêcha sur les péchés du silence, sur la manière dont les mensonges familiaux empoisonnent les générations. Et puis en des termes qui ne nommaient pas directement la maison, mais qui était suffisamment clair, il parla d’une jeune fille décédée voici longtemps qui méritait qu’on se souvienne d’elle avec respect et honnêteté plutôt que de la laisser pourrir dans l’oubli. Nous ne pouvons pas réparer le passé, dit l’Abé, mais nous pouvons cesser de le nier.

Et parfois cette vérité tardive est tout ce dont les morts ont besoin pour trouver la paix. À la fin de la messe, l’abbé célébra une messe de Ruyem pour tous ceux qui sont morts, isolés et sans reconnaissance, dont les noms ont été effacés mais dont les esprits persistent.

Marguerite Élise, assise au premier rang, pleura silencieusement tout du long. Les changements commençent immédiatement. Étienne retrouva une partie de lui-même. Les cernes sous ses yeux s’atténuèrent. Il recommença à manger, à parler, à ressembler à un jeune homme vivant plutôt qu’à un automate contrôlé. Il dit à Armand quelques jours après la messe : “Elle s’est apaisée.

Je peux le sentir, elle n’appelle plus.” “Que s’est-il passé ?” demanda Armands. Quelqu’un l’a nommé. Quelqu’un a reconnu qu’elle avait existé. C’était tout ce qu’elle attendait. Mais si Étienne guérissait, Thomas Édouard se détériorait comme si le mal ayant été nommé et reconnu, il l’accabaiit désormais directement sans plus la médiation du secret.

Il passait ses journées à signer des papiers, à faire des arrangements avec les notaires. Le 10 janvier 1860, il annonça à sa famille qu’il vendait la maison. “Nous déménageons à Paris”, dit-il sans regarder personne. “J’ai accepté une position auprès du gouvernement. Nous partirons le mois prochain.

Et la maison ? Demanda Marguerite Élise une note de soulagement dans sa voix. Je l’ai vendu à un groupe d’investisseurs de Tules. Ils la convertiront en maison de santé, j’imagine. Peu importe, ce n’est plus notre problème. Mais ce était leur problème. Même en vendant la maison, on ne pouvait pas s’en éloigner vraiment, pas complètement.

Les secrets qu’elle contenaient s’accrochaient à eux, s’enroulaient autour d’eux comme des racines invisibles. Lucien, se rendant compte de ce qui allait se passer, écrivit une lettre au gouverneur de la région. Une lettre soigneusement rédigée qui ne révélait rien explicitement, mais qui suggérait fortement que la maison des villards devrait être documentée, que certains de ces secrets devraient être archivés, que l’histoire ne devrait pas être complètement effacée. Cette lettre n’aboutit à rien officiellement.

Aucun enquêteur n’arriva, aucun registre n’a été rouvert. Mais elle laissa une trace, un seul enregistrement caché dans les archives préfectorales, notant vaguement que la maison Villard de Mongivou présentait certains mystères sans résolution dont on recommande la documentation future si circonstan appropriée se produisaient. Les nouveaux propriétaires ne gardèrent la maison qu’un peu moins de 2 ans.

Elle ne devint jamais une maison de santé. Les ouvriers refusèrent de travailler là. Les patients qu’on aurait voulu y placer développaient d’étranges maladies à peine y étaient-ils arrivés. La maison changea de main trois fois en une décennie, chaque propriétaire trouvant une excuse pour s’en débarrasser rapidement.

Et puis verset, elle fut simplement abandonnée. Aujourd’hui, la maison des villards n’existe plus que comme absence, comme légende murmurée par des vieillards qui se souviennent vaguement d’avoir entendu parler d’une grande demeure grise quelque part dans la corèse. Les murs ont été partiellement démolis il y a longtemps.

La forêt a repris ses droits enveloppant les ruines de ses racines patientes. Les fenêtres qui s’ouvraient seules ne s’ouvrent plus car il n’y a plus de fenêtres. Mais les habitants locaux, les vrais anciens qui habitèrent Montgivou à l’époque, rapportent ce que même dans les ruines, même après tant de temps, certaines nuit, on peut voir une lumière brûlée dans ce qui reste de la tour nord. Une lumière qui n’a aucune source, ni chandelle, ni lampe à huile, ni rien qui aurait pu le créer.

Elle brûle simplement, attendant quelque chose ou quelqu’un. Et parfois, quand le vent souffle fort de cette direction, on n’entendait pas. Des palents irréguliers comme ceux d’une femme qui marche dans un corridor qu’on ne peut plus voir dans une maison qui n’existe que dans les couches de la mémoire et de l’oubli.

Armand Villard, vécu jusqu’à l’âge de 70 ans, toujours célibataire, toujours lucide, toujours gardienne du secret qu’elle avait partagé avec l’abé Marchand et son frère. Elle écrivit dans son journal intime en 1895, quelques années avant sa mort. Je me demande souvent si ce que nous avons fait a vraiment apaisé Isabelle Rose ou si nous avons simplement créé l’illusion d’une paix pour pouvoir vivre avec nous-même. Mais peut-être que c’est suffisant.

Peut-être que pour les morts, l’illusion de reconnaissance est la seule forme de justice possible. Étienne devint père et il enseigne à ses enfants à ne jamais taire les vérités difficiles, à ne jamais laisser le silence se cristalliser en mensonge. Lucien continua sa carrière dans l’administration et il organisa discrètement que les archives concernant Isabelle Rose, ces archives qui auraient dû disparaître, soient préservé dans les registres préfectoraux au cas où quelqu’un aurait besoin de savoir un jour qu’une jeune fille avait vécu, souffert et méritait d’être reconnue.

Thomas Édouard ne parla jamais de la maison. Il mourut à Paris en 1873, rongé intérieurement par quelque chose qu’aucun médecin ne pouvait diagnostiquer. Marguerite Éise le précéda de seulement 3 mois, comme si elle n’avait attendu que pour voir son mari enfin libérer du fardeau.

Quant à la maison elle-même, à la présence qui restait enracinée, on ne peut que spéculer. Certains disent qu’elle a finalement trouvé la paix quand son secret fut reconnu publiquement. D’autres affirment qu’elle attend encore, patiente la venue d’une nouvelle génération qui pourrait avoir besoin de se confondre avec elle, d’ajouter leur mensonge au siens, de perpétuer le cycle du silence. La vérité, c’est que personne ne le saura vraiment.

Les maisons comme celle-ci, les maisons qui ont vu mourir les secrets et les cœurs brisés, gardent leur mystère, même quand on les détruit. Elle se transforme en histoire en légende en ces récits qu’on chuchote tard le soir pour prouver que quelque chose quelque part ne peut pas être tout à fait expliqué, tout à fait pardonné, tout à fait oublié.

Et c’est peut-être la seule immortalité dont Isabelle Rose a jamais eu besoin. Fin. Ce qui suit est ce qu’on murmure encore à voix basse quand le vent se lève au-dessus de la corèse. Peut-être que c’était la vérité. Peut-être que c’était le rêve d’une fille solitaire racontée à travers les âges.

Mais l’une ou l’autre, Isabelle Rose viendra toujours hanter la mémoire de ceux qui osent écouter.

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