Disparue à 19 ans : Un appel anonyme résout l’énigme Céline Fontaine quatre décennies plus tard

C’était un samedi matin gris de mars 1983 à Beaumont-sur-Loire. Dans la petite maison de la rue des Tilleuls, la chambre de Céline Fontaine, 19 ans, était vide. Son lit, parfaitement fait, ses manuels de littérature empilés sur le bureau, son parfum Anaïs Anaïs flottant encore dans l’air… tout était là, sauf elle. Ce matin-là, Elisabeth et Georges Fontaine ne savaient pas encore qu’ils venaient d’entrer dans un tunnel d’angoisse qui durerait quarante ans.
Le mystère de la chambre vide
Céline était une étudiante modèle, sans histoire. La veille, elle s’était rendue à une fête d’anniversaire chez un ami. Elle n’en est jamais revenue. Pendant des décennies, l’enquête a piétiné. Fugue ? Enlèvement ? Meurtre ? Les gendarmes ont tout envisagé, retourné chaque pierre, interrogé chaque témoin. Un sac à main retrouvé quelques semaines plus tard dans un champ labouré fut le seul indice tangible, maigre relique d’une vie interrompue.
Les années ont passé, impitoyables. Le dossier a pris la poussière, les enquêteurs sont partis à la retraite, et la mère de Céline, Elisabeth, est morte de chagrin en 2019, sans jamais savoir ce qui était arrivé à son enfant. Seul Georges, le père, devenu un vieillard de 90 ans, continuait de guetter la fenêtre, prisonnier d’une attente interminable.
L’appel d’outre-tombe
Le tournant de l’affaire survient le 23 octobre 2023, par un coup de téléphone qui glace le sang. À la gendarmerie, l’adjudant-chef Émilie Roussel décroche. Au bout du fil, une voix déformée électroniquement prononce l’impensable : “Je sais où elle se trouve. Je connais la vérité.”

L’interlocuteur anonyme ne demande pas de rançon, ne cherche pas la gloire. Il livre des détails que seuls les coupables pouvaient connaître. Il raconte une dispute qui a dégénéré dans un jardin, une chute mortelle contre la margelle d’un puits, la panique de deux jeunes gens, et une décision monstrueuse : cacher le corps plutôt que d’appeler les secours. L’appelant indique un lieu précis : la forêt des “Trois Chênes”, au pied d’un arbre centenaire.
La vérité déterrée
Sur les indications du corbeau, les gendarmes, assistés d’équipes cynophiles, se rendent sur place. Ce qu’ils découvrent sous cinquante centimètres de terre confirme l’horreur. Un squelette, des vêtements en lambeaux, et une paire de baskets Adidas blanches. Céline était là, tout ce temps. L’autopsie révélera une fracture du crâne compatible avec une chute accidentelle, corroborant le récit de l’anonyme.
L’enquête s’accélère alors de manière vertigineuse. Les indices laissés par le corbeau pointent vers deux personnes présentes à la fête en 1983 : Stéphane Mercier, aujourd’hui médecin respecté, et Valérie Duchamp, son ex-petite amie décédée d’un cancer quelques mois avant l’appel.

Le pacte du silence
Placé en garde à vue, Stéphane Mercier, le médecin aux cheveux blancs et à la vie apparemment irréprochable, s’effondre. Il avoue tout. Ce soir de 1983, Valérie, ivre de jalousie, avait agressé Céline dans le jardin. Céline a chuté. Elle est morte sur le coup. Terrifiés à l’idée de voir leur avenir brisé par un scandale, les deux amants ont pactisé avec le diable. Ils ont chargé le corps dans un coffre, roulé dans la nuit et enterré leur amie, scellant leur secret pour quarante ans.
C’est Valérie, rongée par la culpabilité sur son lit de mort, qui a exigé que la vérité soit dite. Stéphane, par “lâcheté” comme il l’admettra lui-même, a attendu qu’elle soit décédée pour passer cet appel anonyme, espérant peut-être s’acheter une conscience sans payer le prix fort.
La paix, enfin
Pour Georges Fontaine, la nouvelle est un coup de poignard et une libération. “Quarante ans pour apprendre qu’elle est morte pour rien, pour une dispute idiote,” murmurera-t-il, les larmes aux yeux. Mais il aura eu cette chance que son épouse n’a pas eue : celle de dire au revoir.
Céline a été inhumée dignement en novembre 2023, entourée d’une foule émue. Quelques semaines plus tard, Georges s’est éteint paisiblement, sa mission accomplie. Il pouvait enfin rejoindre sa femme et sa fille. Quant à Stéphane Mercier, condamné à la prison, il passera ses dernières années derrière les barreaux, rappelant à tous que le temps n’efface jamais le crime, et que la terre finit toujours par rendre ce qu’on lui a confié de force.