Jordan Bardella répond à Eric Dupond-Moretti sur le tacle à Marine Le Pen !

C’est une séquence qui restera gravée comme un cas d’école de la communication politique moderne, illustrant le fossé abyssal qui se creuse désormais entre une partie de l’exécutif et la réalité ressentie par des millions de Français. Invité sur le plateau survolté de Touche Pas à Mon Poste (TPMP) face à Cyril Hanouna, Jordan Bardella, président du Rassemblement National, s’est livré à un exercice de démolition méthodique de la stratégie gouvernementale.
L’objet du courroux ? Les attaques virulentes, presque obsessionnelles, d’Eric Dupond-Moretti, le Garde des Sceaux, qui, quelques jours plus tôt, qualifiait le RN d’héritier de “Pétain” et de complice de “Poutine”. Mais au lieu de plier sous l’invective morale, Jordan Bardella a retourné l’arme contre son envoyeur, transformant une tentative d’humiliation en un réquisitoire implacable sur l’état de la justice en France
La Stratégie de l’Insulte : Un Aveu de Faiblesse ?
Dès l’entame de l’émission, le ton est posé. Cyril Hanouna, fidèle à son style direct, interroge Bardella sur ce “week-end de bashing” où le jeune leader a “pris cher”. La réponse de l’intéressé est d’une sérénité déconcertante, presque ironique : “Plus ils nous attaquent, plus on monte.”
Cette phrase résume à elle seule l’impasse dans laquelle se trouve la Macronie. En ressortant les vieux épouvantails des années 80 – la reductio ad Hitlerum, ou ici ad Pétainum – Eric Dupond-Moretti semble jouer une partition rayée que les électeurs n’écoutent plus. Bardella, né en 1995, balaie ces références d’un revers de main générationnel. “Je ne me sens pas de lien avec Pétain. Pour moi, la France en 1940, elle était avec le Général de Gaulle à Londres”, assène-t-il.
En refusant de s’excuser pour un passé qu’il n’a pas vécu, Bardella met en lumière le décalage du Ministre de la Justice. Ce dernier, enfermé dans une posture morale, semble oublier qu’il s’adresse à une France qui se soucie davantage du prix des pâtes et de la sécurité dans le métro que des exégèses historiques sur le régime de Vichy. Pour Bardella, ces insultes ne sont pas seulement une attaque contre un parti, mais un mépris craché au visage de millions d’électeurs qui “ne se sentent pas d’extrême droite, mais simplement patriotes”.
Le Bilan Fantôme : L’Agression Toutes les 44 Secondes
C’est le cœur du réacteur de la contre-attaque de Bardella, et c’est là que le bât blesse pour le gouvernement. Plutôt que de débattre sur le fond, le Ministre de la Justice choisit l’invective. Pourquoi ? “Parce qu’il ne veut pas parler de son bilan”, tranche le président du RN.
Les chiffres avancés par Bardella sur le plateau de C8 font l’effet d’une douche froide. Il évoque une statistique terrifiante : “Une agression gratuite toutes les 44 secondes en France.” Ce chiffre, martelé avec calme, vient percuter la rhétorique gouvernementale du “sentiment d’insécurité”. Pour Bardella, l’insécurité n’est pas un sentiment, c’est une réalité comptable, physique, quotidienne.
Il accuse Eric Dupond-Moretti d’être un “champion de 1000 Bornes” (en référence à ses déboires judiciaires personnels ou à son inaction) plutôt qu’un rempart contre la violence. L’argument est redoutable : pendant que le Ministre cherche des fantômes fascistes dans les placards du RN, des récidivistes sont remis en liberté, le harcèlement scolaire brise des vies, et les honnêtes gens baissent les yeux dans la rue. En déplaçant le débat du terrain moral vers le terrain du réel, Bardella piège son adversaire : chaque insulte du Ministre devient la preuve de sa déconnexion face aux souffrances du peuple.

Le Défi du Débat : La Chaise Vide
L’un des moments forts de l’interview réside dans la révélation d’un rendez-vous manqué. Jordan Bardella affirme qu’un débat était prévu sur BFM TV face à Eric Dupond-Moretti, et que ce dernier l’aurait annulé.
“Venez me combattre sur mes idées !”, lance-t-il face caméra. Cette posture de défi renforce l’image d’un RN qui, loin de se cacher, cherche la confrontation démocratique, face à un pouvoir qui la fuirait. Bardella tisse habilement la narration d’un David contre Goliath, où Goliath (le Ministre) a peur de descendre dans l’arène parce qu’il sait que ses armes (son bilan) sont émoussées.
L’absence de débat de fond permet au RN de dérouler ses arguments sans contradiction majeure sur le plateau de TPMP, transformant l’émission en tribune pour une “autre justice”, celle de la perpétuité réelle et de la fin du laxisme, des concepts plébiscités par une large part de l’opinion publique.
Gare du Nord et “Grand Remplacement” : Le Choc du Réel
Poussé par les chroniqueurs sur la question de l’identité et du fameux “Grand Remplacement”, Bardella opère un glissement sémantique habile. Il refuse de s’enfermer dans des théories intellectuelles pour revenir, encore et toujours, au vécu.
Il prend l’exemple de la Gare du Nord et de la Seine-Saint-Denis. “Je vous mets au défi de me dire que quand vous êtes à la Gare du Nord, vous vous sentez en sécurité”, lance-t-il à un chroniqueur sceptique. En évoquant le sentiment de “ne plus reconnaître le pays dans lequel on a grandi”, il touche une corde sensible, émotionnelle, qui dépasse largement les clivages partisans.
Là où le gouvernement et une partie de la gauche voient du racisme ou du fantasme, Bardella décrit une dépossession culturelle et sécuritaire. Il accuse implicitement les élites (ceux qui voyagent “en jet” ou vivent dans les beaux quartiers) de nier cette réalité parce qu’ils ne la subissent pas. C’est la fracture classique entre la “France périphérique” et la “France d’en haut”, et Bardella s’installe confortablement comme le porte-parole de la première.
Conclusion : L’Effet Boomerang
Au final, cette séquence sur TPMP démontre l’échec cuisant de la stratégie de diabolisation. En 2024 (et au-delà), traiter le RN de “nazi” ou de “pétainiste” ne fonctionne plus ; au contraire, cela immunise le parti et radicalise ses électeurs contre le “système”.
Eric Dupond-Moretti, en voulant sonner l’hallali, a offert à Jordan Bardella une plateforme idéale pour apparaître modéré, factuel et proche des préoccupations des Français. Le président du RN ressort de l’émission avec l’image non pas d’un extrémiste dangereux, mais d’un opposant politique rationnel face à un ministre aux abois.
La leçon est cruelle pour la majorité : tant que le gouvernement répondra à l’insécurité par des leçons de morale et à la colère sociale par du mépris, il continuera de dérouler le tapis rouge à ses adversaires. Comme le dit Bardella avec un demi-sourire : “C’est bon signe, ça veut dire qu’on peut arriver au pouvoir.” Et au vu de la performance, difficile de lui donner tort.