Le drame secret de Daniel Prévost : La nuit tragique où sa femme a été retrouvée sans vie dans une baignoire

Dans l’imaginaire collectif français, Daniel Prévost est ce visage élastique, ce regard malicieux, et cette voix inimitable qui a donné vie à des personnages cultes, du contrôleur fiscal hystérique du Dîner de Cons aux commerçants véreux de la comédie populaire. Il est l’incarnation du rire, de la dérision, et d’une certaine folie douce. Pourtant, derrière ce masque de clown triste que les grands acteurs savent si bien porter, se cache une tragédie personnelle d’une violence inouïe. Une blessure qui ne se referme pas, un silence qui résonne encore. C’est l’histoire de la mort de Yette, sa femme, son âme sœur, retrouvée morte dans une baignoire un jour gris de mars 2007.
Le décor d’un drame inattendu
Nous sommes en mars 2007. Daniel Prévost est à Lille. Il n’est pas là pour faire rire, pour une fois. Il tourne Monsieur Joseph pour TF1, un téléfilm dramatique où il incarne un personnage complexe, loin de ses rôles habituels. Comme un presage funeste, l’atmosphère est sérieuse, le travail est intense. Pour l’accompagner sur ce tournage, comme elle le faisait souvent, sa femme Jette Bertelsen, surnommée tendrement “Yette”, est à ses côtés.
Yette n’est pas simplement “la femme de”. Elle est son ancrage. Danoise d’origine, elle a rencontré Daniel dans les années 60. Entre eux, ce fut le coup de foudre, l’évidence absolue qui traverse les décennies sans s’effriter. Ensemble, ils ont construit une vie, une famille, élevé trois fils (Sören, Erling et Christophe) et traversé les aléas du métier d’artiste. Elle était sa boussole dans le tumulte du show-business.
Ce jour-là, rien ne laissait présager le drame. Ils logeaient à l’hôtel, une parenthèse de calme entre deux prises. Mais le destin, avec sa cruauté arbitraire, a frappé sans prévenir. C’est dans la salle de bain de leur chambre d’hôtel que le corps de Yette a été découvert. Elle gisait dans la baignoire. Morte.
Le choc et l’incompréhension
La nouvelle a l’effet d’une déflagration. Pour Daniel Prévost, le temps s’arrête. La violence de la scène, la soudaineté de la perte, tout concourt à créer un traumatisme profond. On ne se prépare pas à voir la personne que l’on aime le plus au monde inanimée, dans un cadre aussi banal et intime qu’une salle de bain d’hôtel.
Les causes du décès seront établies plus tard, mais sur l’instant, c’est l’effroi qui domine. Comment peut-on dîner avec sa femme la veille et se retrouver veuf le lendemain matin ? C’est cette question obsédante, cette incompréhension totale face à la fragilité de l’existence, qui va hanter l’acteur.
Le tournage de Monsieur Joseph s’interrompt, bien sûr. L’équipe est sous le choc. Le milieu du cinéma, souvent taxé de superficialité, se fige devant la douleur d’un de ses membres les plus aimés. Daniel Prévost, l’homme qui a toujours un bon mot, se mure dans le silence. Il n’y a pas de mot pour décrire l’anéantissement.
“On ne refait pas sa vie, on la continue”
Après le drame, vient le temps du deuil. Mais Daniel Prévost refuse ce terme clinique. Pour lui, on ne fait pas son deuil comme on rayerait une tâche sur une liste. Il a écrit un livre poignant quelques années plus tard, intitulé Tu ne sauras jamais combien je t’aime, publié aux éditions du Cherche Midi. Dans cet ouvrage, qui est autant une lettre d’amour qu’un cri de douleur, il revient sur cette perte.
Il y explique avec une lucidité désarmante qu’il n’a jamais cherché à “refaire sa vie”. Cette expression, si courante, lui semble absurde, voire insultante envers la mémoire de Yette. “On ne refait pas sa vie, on la continue”, a-t-il souvent répété lors des rares interviews où il a accepté d’aborder le sujet. Refaire sa vie impliquerait d’effacer le passé, de remplacer l’irremplaçable. Daniel Prévost a choisi une autre voie : celle de vivre avec l’absence.
Il raconte comment Yette est toujours présente, dans chaque recoin de leur maison, dans les traits de leurs enfants, dans ses pensées quotidiennes. Elle n’est plus là physiquement, mais elle habite son esprit. Cette fidélité par-delà la mort est bouleversante. Elle montre un homme d’une grande sensibilité, loin de l’image parfois cynique de ses personnages.
La solitude du comédien
Il y a une ironie tragique dans le métier de comédien. Le public attend de vous que vous le divertissiez, peu importe l’état de votre cœur. Après la mort de Yette, Daniel Prévost a dû retourner travailler. Il a dû remettre le masque. C’est peut-être là que réside le véritable courage des artistes : monter sur scène, entendre les rires, alors que l’on a envie de hurler de douleur en coulisses.
Ce drame a d’ailleurs changé son jeu. Si le public l’aime toujours autant pour ses grimaces et ses colères feintes, la critique a noté une nouvelle profondeur dans ses rôles plus récents. Comme si la douleur avait creusé en lui de nouvelles galeries émotionnelles, lui permettant d’accéder à une justesse et une humanité encore plus grandes. Son rôle dans Monsieur Joseph, le film qu’il tournait au moment du drame, reste imprégné de cette atmosphère lourde. Ceux qui regardent le téléfilm aujourd’hui ne peuvent s’empêcher d’y voir l’ombre de la tragédie qui se jouait hors champ.
L’héritage de l’amour
Aujourd’hui, des années après ce terrible mois de mars 2007, Daniel Prévost est toujours là. Il tourne, il écrit, il vit. Il est entouré de ses fils, Sören Prévost, lui aussi comédien, Erling et Christophe. La famille a fait bloc autour du patriarche. Ils portent ensemble la mémoire de cette femme solaire, venue du froid pour réchauffer le cœur d’un acteur français.
L’histoire de la mort de la femme de Daniel Prévost dans cette baignoire lilloise n’est pas seulement un fait divers sordide. C’est le rappel brutal que la mort est une voleuse qui ne prévient pas. Elle nous rappelle que derrière les personnalités publiques, il y a des hommes et des femmes vulnérables, soumis aux mêmes lois cruelles du destin que n’importe qui.
Mais c’est aussi, et surtout, une magnifique histoire d’amour. Celle d’un homme qui, malgré l’horreur de la découverte et la douleur de la perte, a décidé de ne jamais laisser s’éteindre la flamme du souvenir. En refusant d’oublier, en parlant d’elle, en écrivant sur elle, Daniel Prévost a offert à Yette la plus belle des immortalités.
Quand vous reverrez Daniel Prévost à l’écran, riez de bon cœur, car c’est ce qu’il souhaite. Mais ayez peut-être, au fond de vous, une pensée émue pour cet homme qui a survécu au pire, et qui avance, pas après pas, avec le souvenir de son amour disparu comme seul compagnon de route invisible.