Les Disparus de Saint-Vincent : 27 Ans de Silence avant l’Aveux Terrible du Gardien qui a “Vendu” 11 Orphelins

L’hiver 1967 à Lyon était de ceux qui vous glacent jusqu’aux os, mais le froid qui s’est abattu sur l’Orphelinat Saint-Vincent ce matin du 15 février n’avait rien de météorologique. Dans cette imposante bâtisse de pierre du quartier de Fourvière, censée être un refuge pour les âmes abandonnées, l’impensable s’était produit.
À 6 heures du matin, les religieuses découvrent des lits vides. Pas un, ni deux, mais onze. Six filles et cinq garçons, âgés de 6 à 12 ans, s’étaient volatilisés dans la nuit. Leurs vêtements étaient pliés, leurs chaussures alignées. Aucune vitre brisée, aucune serrure forcée. Comme si les murs de pierre les avaient absorbés.
Pendant près de trois décennies, cette disparition a été classée comme une “fugue collective organisée”, une explication qui ne tenait pas debout mais qui avait le mérite de clore le dossier. Comment onze enfants, dont la petite Sophie qui bégayait de timidité ou les jumeaux Favre inséparables, auraient-ils pu coordonner une telle évasion sans un bruit, en plein hiver, sans argent ni manteaux ?
Le Poids d’une Conscience
La réponse, terrible et définitive, est arrivée 27 ans plus tard, non pas dans un tribunal, mais dans la chambre stérile de l’hôpital Édouard Herriot. Janvier 1994. George Valler, l’ancien gardien de nuit de l’orphelinat, se meurt d’un cancer. Cet homme discret, que tous avaient plaint à l’époque car il était “le seul témoin n’ayant rien vu”, demande à parler au Dr Mercier. Il ne veut pas partir avec ce poids.
“Docteur, les enfants de 1967… ils n’ont jamais fui. Ils ont été vendus.”
Dans un récit entrecoupé de sanglots, le vieil homme brise le silence. Il n’était pas le témoin impuissant de cette nuit-là. Il en était l’architecte, la cheville ouvrière d’un crime sordide orchestré par un certain “Albert Durand”, un homme élégant qui avait su exploiter sa solitude et sa pauvreté.
Des Enfants sur Catalogue
Ce que Valler révèle dépasse l’entendement. Il n’y a pas eu d’effraction car c’est lui, George, qui a ouvert la porte. Il n’y a pas eu de cris car c’est lui qui a versé un puissant somnifère dans le lait du goûter. Les enfants ne dormaient pas paisiblement ; ils étaient inconscients, drogués pour être manipulés comme des poupées de chiffon.
Le plus glaçant reste le mode opératoire. Ce n’était pas un enlèvement au hasard. Les 11 enfants avaient été sélectionnés. Durant des mois, Valler avait fourni des fiches détaillées à l’organisation criminelle : âge, couleur des yeux, caractère. Un véritable catalogue pour de riches acheteurs en Amérique du Sud et en Afrique du Nord. Sophie Lambert ? Vendue à un client en Argentine. Les jumeaux ? “Commandés” pour l’Algérie.
La nuit du drame, une camionnette bleue s’est garée dans la ruelle arrière. Des hommes en blouse blanche ont chargé les petits corps endormis sur des civières, avec une efficacité industrielle. En vingt minutes, c’était fini. Valler a refait les lits pour simuler un départ calme, puis a attendu 3 heures du matin pour jouer la comédie de la découverte paniquée.
La Preuve Cachée dans le Mur
Les enquêteurs, dépêchés au chevet du mourant, ont d’abord cru au délire d’un esprit malade. Mais Valler leur a donné la clé : une cachette dans son ancienne chambre à l’orphelinat. Là, derrière une plinthe, ils ont trouvé l’héritage du diable. Des lettres, des photos, et surtout, une liste manuscrite.
C’était une comptabilité de l’horreur. En face de chaque prénom d’enfant, un prix, une destination, un “client”. Émilie, Maroc. Marc, Argentine. Ces documents ont confirmé l’existence d’un vaste réseau international de trafic d’enfants qui opérait sous couvert d’une fausse organisation humanitaire.
Valler avait cru, au début, offrir une vie meilleure à ces orphelins. C’est ce que Durand lui avait promis : des villas avec piscine, des parents aimants. La réalité ? Des réseaux d’exploitation, de travail forcé, voire pire. Quand il a compris, il était trop tard. Piégé par le chantage, il s’est tu, devenant le gardien d’un mausolée vide, hanté chaque nuit par les visages de ceux qu’il avait trahis.

Une Justice Amère
George Valler est mort quelques jours après sa confession, emportant avec lui son pardon impossible. Grâce à ses révélations, un complice, Marcel Bonnefoy, a été retrouvé et condamné. Mais pour les enfants ? Rien. Ou si peu. Des pistes qui s’évaporent au Maroc, des identités perdues en Argentine. Aucun des 11 disparus de Saint-Vincent n’a jamais été retrouvé officiellement. Ils ont été effacés, leurs passés réécrits par leurs acquéreurs.
Aujourd’hui, l’orphelinat a disparu, transformé en appartements de luxe. Mais une plaque reste, gravée des onze prénoms. Elle rappelle aux passants que le mal peut parfois porter le visage rassurant d’un gardien dévoué, et que la vérité, aussi terrifiante soit-elle, finit toujours par se frayer un chemin vers la lumière. Une leçon d’histoire criminelle qui nous oblige à ne jamais baisser la garde sur la protection de nos enfants.