L’Histoire Sombre des Jumeaux Qui ne Parlaient Que Lorsqu’ils Étaient Ensemble (1780, Québec)

Ils ne parlaient que lorsqu’ils étaient ensemble et ce qu’il disait glaçait le sang de tous ceux qui les entendaient. Avant de commencer cette histoire troublante, dites-nous dans les commentaires d’où écoutez-vous cette histoire en ce moment ? Êtes-vous du Québec, de France ou d’ailleurs dans le monde ? Et si ce récit vous touche, n’oubliez pas de vous abonner à notre chaîne.
Car parfois les histoires les plus terrifiantes sont celles qui sont vraies. Restez avec nous jusqu’à la fin, car ce que vous allez découvrir sur les jumeaux le blanc pourrait changer votre perception de ce qui est possible ou impossible. L’hiver de 1780 s’abattit sur Québec avec une férocité inhabituelle. Les rues pavés de la Basse-ville disparaissaient sous d’épaisses couches de neige et le fleuve Saint-Laurent gelait si profondément qu’on pouvait l’entendre craquer la nuit comme si la terre elle-même se lamentait.
Dans une modeste maison de la rue Sousfort, Marie-Louise Leblanc serrait les dents, agrippant les draps humides de sueur tandis que les contractions déchiraient son corps. La sagefemme, Madame Gagnon, une femme aux mains caleuses et au regard perçant, qui avait mis au monde la moitié des enfants de la ville, murmurait des prières en essuyant le front brûlant de la jeune mère.
À ses côtés, deux voisines tenaient des bougies tremblantes, projetant des ombres dansçantes sur les murs de bois sombre. “Poussez, ma belle, poussé”, encourageait madame Gagnon, mais sa voix trahissait une inquiétude qu’elle tentait de masquer. L’accouchement durait depuis près de 18 heures. Jean-Baptiste Leblanc, le mari faisait les 100 pas dans la pièce adjacente.
Ses bottes usées raisonnant sur le plancher de bois. Charpentier de métier, cet homme robuste aux larges épaules avait construit cette maison de ses propres mains, mais en cet instant, il se sentait complètement impuissant face au gémissement de sa femme. Enfin, alors que l’aube commençait à poindre, teintant le ciel de rose pâle, un premier cri perça le silence.
Madame Gagnon souleva un petit garçon couvert de sang et de vernix, ses poumons se remplissant d’air pour la première fois. Tu es un garçon”, annonça-t-elle. Mais avant même qu’elle ait pu couper le cordon, Marie-Louise poussa un nouveau cri de douleur. “Attendez, il y en a un autre”, s’exclama la sage femme, les yeux écarquillés.
Personne n’avait prévu de jumeaux. Dans le Québec du 18e siècle, de telles naissances étaient rares et souvent considéré comme un présage, bon ou mauvais selon les circonstances. Quinze minutes plus tard, un second garçon émergea plus petit que son frère, la peau presque translucide dans la faible lumière du matin.
Madame Gagnon enveloppa les deux nouveaux nez dans des linges propres et les présenta à leur mère épuisée. Marie-Louise, le visage pâle et les cheveux collés par la transpiration, tendit des bras tremblants vers ses fils. “Étienne et Gabriel !” murmura-t-elle d’une voix rôque, ayant déjà choisi ses noms des mois auparavant. sans savoir qu’elle en aurait besoin de deux. Jean-Baptiste entra dans la chambre, ses yeux rougis, s’illuminant à la vue de ses fils.

Il s’agenouilla près du lit, touchant doucement les petites mains refermées de chaque bébé. Des jumeaux. “Dieu nous a béni deux fois”, dit-il, la voix chargée d’émotion. Mais madame Gagnon ne partageait pas son enthousiasme. En 40 ans de pratique, elle avait développé une intuition qui lui avait rarement fait défaut.
et quelque chose dans le silence absolu qui régnait maintenant dans la pièce la dérangeait profondément. Les bébés ne pleuraient plus. Il ne bougeit presque pas. Ils se contentèrent de se regarder, leurs petits yeux sombres fixés l’un sur l’autre avec une intensité troublante pour des nouveaux nés. “Ils sont si calmes, remarqua l’une des voisines. Un sourire incertain aux lèvres.” “Trop calme”, marmona madame Gagnon, mais personne ne l’entendit. Les jours suivants furent étranges.
Étienne et Gabriel, bien que nés à quelques minutes d’intervalle, semblaient déjà posséder un lien qui dépassait l’entendement. Lorsqu’on les séparait pour les nourrir ou les changer, ils devenaient agités, leur petit corps se raidissant, leur visage se crispant en une expression que Marie-Louise ne pouvait décrire que comme de la détresse pure.
Mais dès qu’on les remettait côte à côte dans le même berceau, un calme surnaturel les envahissait. “C’est normal pour des jumeaux, assurait Jean-Baptiste, bien qu’il n’ait jamais connu de jumeaux auparavant, ils ont partagé le ventre de leur mère. C’est naturel qu’il veuille rester ensemble.
Marie-Louise voulait le croire, mais dans les longues nuits d’hiver, alors qu’elle allait ses fils à la lueur vacillante d’une chandelle, elle observait la façon dont leur regard se cherchait constamment, comme s’ils communiquaient en silence. Parfois, elle avait l’impression qu’il la regardait non pas comme deux bébés affamés regarderaient leur mère, mais comme deux êtres anciens observant un monde qu’il ne reconnaissait plus.
Le curé de la paroisse Notre-Dame des Victoires, le père Mathieu des Champs, vint les baptiser trois semaines après leur naissance. C’était un homme âgé, le dos voûé par des décennies de service, mais son esprit restait vif et son regard pénétrant. Il portait sa soutane noire. immaculé et tenait fermement sa Bible reliée de cuir usé.
La cérémonie se déroula dans l’église froide et humide, éclairé par des dizaines de bougies qui projetaient des lueurs dorées sur les statues des saints. Marie-Louise tenait Étienne tandis que Jean-Baptiste portait Gabriel. Le père des champs versa l’eau bénite sur le front d’Étienne en premier, prononçant les paroles sacrées en latin.
Égois nominé Patrice et Philie et Spiritus Sancti. Au moment où l’eau toucha la peau du bébé, Gabriel, dans les bras de son père à 2 m de distance, se rédit brusquement et poussa un cri perçant. Le père des champs fronça les sourcils mais continua la cérémonie. Lorsqu’il versa l’eau sur Gabriel, ce fut Étienne qui cria comme si c’était lui qu’on avait touché.

“Cieux”, murmura le prêtre, ses doigts tremblant, s’attardant un instant sur le front de chaque enfant. Il sentait quelque chose, une connexion, une présence qu’il ne pouvait nommer mais qui le mettait profondément mal à l’aise. Après la cérémonie, alors que la famille se préparait à partir, le père des champs prit Marie-Louise à part.
Madame Leblanc, dit-il d’une voix basse et grave, vos fils, ils partagent quelque chose d’inhabituel. Je vous conseille de prier pour eux chaque jour et de les surveiller attentivement. Que voulez-vous dire, mon père ? demanda Marie- Louise, son cœur se serrant d’angoisse.
Le prêtre hésita, ses yeux gris fixant les deux bébés endormis dans leur châle de laine. Je ne suis pas certain, mais dans mes longues années de ministère, j’ai appris à reconnaître quand quelque chose sort de l’ordinaire. Gardez-les près de Dieu, ma fille, très près. Ces paroles entertent Marie-Louise pendant des semaines.
Elle plaça une croix au-dessus du berceau des jumeaux et récita le chapelet chaque soir avant de dormir. Mais rien ne changeait. Étienne et Gabriel grandissaient certes, mais leur comportement restaient profondément troublant. À si mois, alors que la plupart des bébés commençaient à babiller et à rire, les jumeaux le blanc restaient silencieux. complètement silencieux. Ils ne pleuraient que rarement et uniquement lorsqu’ils étaient séparés.
Le reste du temps, ils se fixaient mutuellement, leurs petites mains se touchant constamment comme s’ils avaient besoin de ce contact physique pour exister. Les voisines qui venaient rendre visite à Marie-Louise repartaient avec une sensation étrange, un malaise qu’elle ne pouvait expliquer. “Vos garçons sont bien sages”, disait-elle poliment, mais leurs yeux trahissaient leur inquiétude.
Certaines faisaient le signe de croix en quittant la maison, murmurant des prières de protection. Jean-Baptiste, homme pragmatique et terre à terre, refusaient d’admettre que quelque chose n’allait pas. Ils sont simplement calmes. C’est une bénédiction, insistait-il chaque fois que sa femme exprimait ses craintes.
Vous imaginez si nous avions deux enfants qui hurlaient jour et nuit, mais même lui ne pouvait ignorer certains incidents. Un soir d’automne, alors qu’il rentrait de son atelier, il trouva Marie-Louise assise à la table de la cuisine. Le visage enfouit dans ses mains, les épaules secouées de sanglots silencieux.
Les jumeaux âgés de mois maintenant étaient assis dans leur parc en bois, se tenant les mains et se balançant doucement d’avant en arrière, leurs lèvres bougeant en silence comme s’ils conversaaient dans une langue que nul ne pouvait entendre. “Qui a-t-il, ma douce ?” demanda Jean-Baptiste en posant une main sur l’épaule de sa femme.
Marie-Louise leva vers lui un visage ravagé par les larmes. Il parle, Jean-Baptiste, ils parlent entre eux, mais je ne les entends pas. Je vois leurs lèvres bouger, je vois leurs expressions changer, mais aucun son ne sort de leur bouche. Qu’est-ce qui ne va pas avec nos fils ? Jean-Baptiste regarda les jumeaux et pour la première fois, il sentit un frisson glacé lui parcourir les chines.
Ses fils ne le regardaient pas. Il ne regardait jamais personne d’autre qu’eux- même. C’était comme s’ils vivaient dans un monde à part, un monde où seuls eux deux existaient. Nous devrions peut-être consulter un médecin consédat-t-il finalement. Sa voix trahissante enfin le doute qui le rongeait.
Mais dans le Québec de 1780, les médecins étaient rares et leurs connaissances limitées. Et bientôt, la famille Leblanc découvrirait que ce qui affligeait Étienne et Gabriel dépassait largement tout ce que la médecine de l’époque pouvait comprendre ou expliquer. L’hiver approchait de nouveau et avec lui des événements qui changeraient à jamais la vie de cette famille et marqueraient l’histoire de Québec d’une cicatrice indélébile.
Le printemps de 1782 apporta un dégel tardif à Québec. La neige qui avait recouvert la ville pendant des mois fondait lentement, transformant les rues en rivières de bou épaisses. Les habitants émergeaient de leur maison comme des ourses sortant d’hon et affamé de soleil. Mais dans la maison des Leblancs, l’atmosphère restait aussi glaciale que l’hiver qui s’achevait.
Étienne et Gabriel avaient maintenant deux ans. Selon les standards de l’époque, ils auraient dû babiller constamment, poser des questions incessantes, explorer leur environnement avec la curiosité débordante typique de leur âge. Mais les jumeaux le blanc ne faisaient rien de tout cela.
Ils restaient assis côte à côte pendant des heures, leurs petites mains entrelacées, leur regard fixés l’un sur l’autre avec une intensité qui mettait mal à l’aise quiconque les observait. Marie-Louise avait cessé d’inviter les voisines. Les regards de pitié et les chuchotements devenaient insupportables. “Pauvres enfants”, entendait-elle murmurer.
“Pauvre Marie-Louise. Mais personne ne proposait d’aide réelles. Comment aider quelque chose qu’on ne comprenait pas ? Le docteur François Valière, un médecin formé en France et récemment établi à Québec, fut finalement convaincu de venir examiner les jumeaux. C’était un homme dans la quarantaine aux cheveux grisonnants soigneusement peignés portant un habit sombre et des lunettes cerclées d’or.
Il apportait avec lui une sacoche de cuir remplie d’instruments étranges et intimidants. Jean-Baptiste l’accueillit avec un mélange de soulagement et d’appréhension. Merci d’être venu, docteur. Ma femme et moi sommes inquiets. Montrez-moi les enfants ! Répondit le docteur Valière d’un ton professionnel sans perdre de temps en civilité.
Marie-ouise les conduisit à la chambre où les jumeaux jouaient, si on pouvait appeler cela jouer. Étienne et Gabriel étaient assis sur un tapis de laine, entouré de jouets en bois que Jean-Baptiste avait fabriqué avec amour, des chevaux sculptés, des blocs pour construire, une petite charrette. Mais les enfants ne touchèent à rien. Ils se contentaient de se regarder, leur petites bouche bougeant en silence.
Le docteur Valière s’approcha lentement comme s’il craignait de les effrayer. Il s’agenouilla à leur hauteur, sortant de sa sacoche un petit miroir et une plume. “Bonjour mes petits”, dit-il d’une voix douce. “Je m’appelle docteur Valière. Je suis ici pour m’assurer que vous allez bien.” Aucune réaction. Les jumeaux ne lui accordèrent pas un seul regard.
Le médecin fronça les sourcils et tenta de capter leur attention en agitant la plume devant leur visage. Rien. Il alluma une bougie et la déplaça lentement de gauche à droite. Leurs yeux ne suivirent pas la flamme. Il frappa ses mains l’une contre l’autre dans un claquement sec, aucun sursaut. “Sent-il sourd ?” demanda-t-il en se tournant vers les parents. “Non”, répondit Marie-Louise, la voix brisée.
“Quand on les sépare, ils réagissent. Ils pleurent, ils cherchent l’autre, mais ensemble, c’est comme s’ils étaient dans leur propre monde. Le docteur Valière prit Étienne dans ses bras, ignorant les protestations de Marie-Louise. Immédiatement, Gabriel se rédit, ses petits points se serrant, ses yeux s’écarquillant de terreur.
Étienne, dans les bras du médecin, devint complètement rigide comme une poupée de chiffon. “Fascinant”, murmura le docteur, reposant rapidement Étienne près de son frère. Dès que les deux garçons se touchèrent de nouveau, ils se détendirent instantanément, reprenant leur observation mutuelle silencieuse. Le médecin passa l’heure suivante à examiner les jumeaux sous tous les angles possibles.
Il écouta leur cœur avec un stéthoscope primitif, examina leurs yeux avec une loupe, testa leurs réflexes avec un petit marteau en bois. Physiquement, les enfants semblaient en parfaite santé, peut-être un peu petit pour leur âge et certainement trop pâle, mais rien d’alarmant d’un point de vue médical.
Finalement, le docteur Valière rejoignit les parents dans la cuisine, son visage grave. Il accepta la tasse de thé que lui offrait Marie-Louise et s’assit lourdement sur une chaise en bois. Monsieur et madame Leblanc, commença-t-il lentement, choisissant ces mots avec soin. Je dois être honnête avec vous. Dans toute ma carrière, en France et ici au Canada, je n’ai jamais rien vu de semblable.
Vos fils ne présentent aucune maladie physique que je puisse diagnostiquer. Leur corps fonctionne normalement, mais leur comportement, il y a qu’est-ce qui ne va pas avec eux ? Implora Marie-Louise, des larmes roulant sur ses joues. Dites-nous, je vous en prie. Le docteur soupira profondément. Je ne peux pas vous donner de réponse définitives.
Il semble qu’ils aient développé une forme de dépendance mutuelle, une connexion psychologique si profonde qu’ils ne peuvent fonctionner indépendamment l’un de l’autre. C’est comme si il hésita conscient que ce qu’il s’apprêtait à dire sonnerait étrange. C’est comme s’il partageait une seule conscience divisée entre deux corps.
Un silence pesant s’installa dans la cuisine. Jean-Baptiste serra les points sur la table, faisant craquer le bois ancien. “Que pouvons-nous faire ?” demanda-t-il d’une voix rque. “Je recommande de les séparer progressivement”, répondit le docteur Valière avec une assurance qu’il ne ressentait pas vraiment.
commencer par de courtes périodes, quelques minutes par jour, puis augmenter graduellement la durée, peut-être que leur dépendance peut-être rompu, mais cette stratégie se révéla rapidement désastreuse. Chaque tentative de séparation plongeait les jumeaux dans un état de détresse si profond qu’il était insupportable à observer.
Ils hurlaient pas comme des enfants ordinaires qui pleurent, mais avec des cris perçants, inhumains, qui semblaient venir des profondeurs de leurs âmes. Ils refusaient de manger, de boire, de dormir. Leur petit corps tremblaient violemment et dans les cas les plus extrêmes, ils développaient de la fièvre sans cause médicale apparente. Après trois jours de tentatives infructueuses, Marie-Louise céda.
Je ne peux pas, sanglota elle en remettant les jumeaux ensemble. Je ne peux pas les torturer ainsi. Jean-Baptiste, le visage marqué par l’épuisement et le désespoir, acquissa en silence. Ce fut trois semaines plus tard, lors d’une soirée de mai inhabituellement chaude, que l’impossible se produisit.
Marie-Louise préparait le souper, une soupe aux légumes avec du pain noir, pendant que Jean-Baptiste réparait une chaise cassée dans le coin de la cuisine. Les jumeaux étaient à leur place habituelle près de la fenêtre, baignés dans la lumière dorée du soleil couchant qui illuminait leur visage pâle. Soudain, une voix claire et distincte brisa le silence.
Le feu viendra. Marie-Louise lâcha sa cuillère en bois qui tomba avec un bruit sourd dans la marmite. Jean-Baptiste se redressa si brusquement qu’il renversa la chaise. Tous deux se tournèrent vers les jumeaux, le cœur battant à tout rompre. Les deux garçons les regardaient pour la première fois de leur vie.
Ils regardaient vraiment leurs parents, leurs yeux sombres, emplis d’une sagesse troublante qui ne devrait pas exister chez des enfants de 2 ans. “Le feu viendra”, répétèrent-ils à l’unisson. leur voix se fondant en une seule mélodie étrange et harmonieuse. Et tout brûlera. Seigneur Dieu ! Murmura Marie-Louise se signant frénétiquement. Il parle Jean-Baptiste, il parle.
Mais la joie qu’elle aurait dû ressentir était étouffée par une terreur viscérale. Les premiers mots de ses fils n’étaient pas maman ou papa. C’était une prophétie sombre, prononcée avec une certitude glaciale. Jean-Baptiste s’approcha lentement des jumeaux, s’accroupissant devant eux. Étienne, Gabriel, de quoi parlez-vous ? Quel feu ! Les jumeaux inclinèrent à leur tête simultanément comme deux oiseaux observant un insecte curieux.
Puis Étienne par la seule pour la première fois, la maison Rousseau. Et Gabriel compléta. Demain soir, les parents échangèrent un regard horrifié. Les Rousseaux étaient leurs voisins, une famille de cinq personnes vivant trois maisons plus loin. Que pouvait savoir leur fils de 2 ans à leur sujet ? “Comment savez-vous cela ?” demanda Marie-Louise d’une voix tremblante, s’agenouillant près de son mari.
Mais les jumeaux ne répondirent pas. Ils retournèrent à leur contemplation mutuelle silencieuse comme si la conversation n’avait jamais eu lieu. Cette nuit-là, ni Jean-Baptiste ni Marie-Louise ne purent dormir. Ils restèrent éveillés, chuchotant dans l’obscurité, débattant de ce qu’il devaient faire.
Devaient-ils prévenir les Rousseaux ? Mais que dirait-il que leurs enfants muaient avaient soudainement parlé pour annoncer un incendie ? On les prendrait pour des fous. Le lendemain passa dans une anxiété insupportable. Marie-Louise trouva des prétextes pour passer devant la maison Rousseau plusieurs fois, scrutant les fenêtres, cherchant des signes de danger. Tout semblait normal. Des enfants jouaient dans la cour.
Madame Rousseau étendait du linge. Monsieur Rousseau rentrait son bois pour l’hiver prochain. La nuit tomba. Jean-Baptiste et Marie-Louise se postèrent à leur fenêtres, observant la rue sombre. Les heures s’écoulerent. 10h, 11h, minuit. C’était juste commença Jean-Baptiste, mais il ne termina jamais sa phrase.
Une lueur orange apparut soudainement à la fenêtre du grenier des Rousseaux. En quelques secondes, elle se transforma en flamme vora qui léchait le toit de bois sec. Des cris retentirent dans la nuit, des portes s’ouvrirent, des voisins en chemise de nuit se précipitèrent avec des sauts d’eau. Marie-Louise porta ses mains à sa bouche, étouffant un cri d’horreur.
Jean-Baptiste était déjà à la porte, rejoignant les efforts désespérés pour éteindre l’incendie. Mais le feu se propageait trop rapidement, alimenté par le bois sec et un vent printannier malencontreux. La famille Rousseau fut sauvée. Ils s’échappèrent tous par une fenêtre du rez-chaussée, mais leur maison fut complètement détruite. Au lever du soleil, il ne restait que des ruines fumantes et l’odeur acre de cendre qui imprégnait toute la rue.
Dans la maison, Le Blanc, pendant que toute la ville s’agitait, Étienne et Gabriel dormaient paisiblement, leurs petites mains entrelacées, des sourires presque imperceptibles sur leurs lèvres pâles. Marie-Louise les regardait assise sur une chaise à côté de leur lit et pour la première fois elle se demanda si ses fils étaient vraiment ses fils ou si quelque chose d’autre les habitait.
Quelque chose qu’elle ne pouvait ni comprendre ni contrôler. Les semaines qui suivirent l’incendie furent marquées par une tension croissante dans le quartier. Les rousseaux, relogés temporairement chez des parents, racontaient à qui voulait l’entendre que le feu avait démarré mystérieusement dans le grenier, là où aucune bougie n’était allumée, aucune cheminée n’était installée.
C’était comme si les flammes étaient apparues du néant, affirmait Monsieur Rousseau, un homme pragmatique qui ne croyait pas aux superstitions, mais ne trouvait aucune explication rationnelle. Marie-Louise et Jean-Baptiste n’osèrent jamais révéler ce que leur fils avait prédit, qui les croirait et quelles en seraient les conséquences.
Dans le Québec profondément catholique du 18e siècle, parler de prophéties, surtout venant d’enfants de 2 ans, risquaiit d’attirer l’attention des autorités religieuses. Une attention qu’aucune famille sensée ne souhaitait, mais ils ne purent garder le secret éternellement. Un matin de juin, alors que les lilas embaumaient l’air de leur parfum sucrés, le père des champs vint frapper à leur porte.
Le vieil prêtre, maintenant âgé de soixante-cinze ans se déplaçait lentement, appuyé sur une canne en bois noueux. Ses yeux gris cependant brillaient d’une lucidité perçante qui n’avait rien perdu de son acuité. “Madame le blanc”, dit-il d’une voix douce mais ferme. “Puis-je entrer ? J’aimerais parler de vos fils.” Le cœur de Marie-Louise se serra. Elle savait que ce moment viendrait.
Dans une petite communauté comme celle-ci, les secrets étaient aussi éphémères que la rosée du matin. Elle ouvrit la porte plus largement, invitant le prêtre à entrer. Le père des champs s’installa péniblement sur une chaise près de la table de cuisine.
Marie-Louise lui servit du thé chaud, ses mains tremblant légèrement tandis qu’elle versait le liquide fumant dans une tasse de porcelaine ébréchée. “Où sont-ils ?” demanda le prêtre, ses yeux scrutant la pièce. dans leur chambre. Mon père, il ils dorment encore. Vous savez pourquoi je suis ici ? Ce n’était pas une question. Marie-Louise acquissa lentement, s’asseyant en face de lui, les mains joindes sur ses genoux comme une pénitente. Les rumeurs circulent, continua le père des champs.
On dit que vos fils ont parlé pour la première fois et qu’ils ont annoncé l’incendie chez les Rousseaux avant qu’ils ne se produisent. Euh, comment savez-vous ? Votre mari en a parlé à quelqu’un qui en a parlé à quelqu’un d’autre. C’est ainsi que vont les choses.
Le prêtre bute une gorgée de thé, ses yeux ne quittant jamais le visage de Marie-Louise. Est-ce vrai ? Marie-Louise sentit les larmes monter. Elle avait porté ce fardeau seul pendant si longtemps. Jean-Baptiste était fort, mais même lui semblait dépassé par ce qui arrivait à leur fils. Elle avait besoin de se confier, de partager cette terreur qui la rongeait de l’intérieur.
“Oui, mon père”, murmura-t-elle. “C’est vrai, ils ont parlé et ce qu’ils ont dit, c’est exactement ce qui s’est passé.” Le père des champs hocha lentement la tête comme s’il s’attendait à cette réponse. Il posa sa tasse et sortit de sous sa soutane un petit livre relié de cuir sombre usé par le temps et l’usage. Il le plaça sur la table entre eux.
Savez-vous ce que c’est ? Marie-Louise secoua la tête. C’est mon journal personnel. Je le tiens depuis que je suis arrivé à Québec il y a 52 ans. Ces doigt arthritiques caressèrent la couverture avec une tendresse presque paternelle. J’y consigne tout ce qui me semble important ou inhabituel dans ma paroisse, les naissances, les mariages, les décès, mais aussi les choses que je ne comprends pas, les événements qui défient l’explication ordinaire.
Il ouvrit le journal à une page marquée d’un ruban rouge. L’écriture était fine et serrée, noirc par l’ancre et l’âge. Le 15 janvier 1780, j’ai écrit ceci. Aujourd’hui, j’ai baptisé les jumeaux le blanc, Étienne et Gabriel. Pendant la cérémonie, j’ai ressenti une présence troublante, comme si ces enfants portaient en eux quelque chose qui dépasse notre compréhension.
Lorsque j’ai versé l’eau bénite sur l’un, l’autre a réagi comme s’il était touché. J’ai prié pour ces âmes innocentes, car je crains qu’un lourd destin sur elle. Le prêtre leva ses yeux vers Marie-Louise, qui était devenue aussi pâle que la neige. Depuis ce jour, j’ai observé vos fils de loin. J’ai posé des questions discrètes.
J’ai écouté les murmures et j’ai prié Madame Leblanc. J’ai beaucoup prié. Il tourna plusieurs pages du journal. Voulez-vous savoir ce que j’ai découvert dans les archives de l’église ? Marie-Louise ne pouvait pas parler. Elle hoa simplement la tête la gorge serrée. En 1652, en Bretagne, en France, un cas similaire a été documenté.
Des jumeaux qui ne parlaient qu’entre eux dans une langue que personne ne comprenait. Ils prédisaient des événements, des tempêtes, des maladies, des accidents. Les villageois les craignaient. Le père des champs referma doucement le journal. À l’âge de sept ans, les deux enfants sont morts subitement le même jour, à la même heure, sans cause apparente.
Euh non ! Le cri échappa à Marie-Louise avant qu’elle ne puisse le retenir. Non, mes fils ne vont pas mourir. Je ne dis pas qu’ils mourront, répondit le prêtre avec douceur. Je dis que ce qui arrive à vos enfants n’est pas unique. Cela s’est déjà produit et nous devons comprendre pourquoi.
À ce moment, un son étrange emplit la maison une mélodie douce et harmonieuse, deux voix enfantines chantant à l’unisson. Marie-Louise se leva précipitamment et se dirigea vers la chambre des jumeaux. Le père des champs la suivant aussi vite que son âge le lui permettait. Étienne et Gabriel étaient assis dans leur lit face- à face, les mains jointes.
Leurs lèvres bougeaient en parfaite synchronisation, produisant des sons qui n’appartenaient à aucune langue connue. Ce n’était pas du français, ni du latin, ni aucun dialecte amérindien que le prêtre avait pu entendre durant ces décennies au Canada. “Qu’est-ce qu’ils disent ?” murmura Marie-ouise, les larmes coulant librement sur ses joues. Le père des champs s’approcha lentement du lit, son visage grave et concentré.
Il écouta attentivement pendant plusieurs minutes, ses lèvres remuant silencieusement comme s’il essayait de déchiffrer un texte ancien. “Je ne suis pas certain”, admit-il finalement, mais certains sont ils ressemblent vaguement au grecs anciens, d’autres à de l’araméen, des langues mortes depuis des siècles.
“Comment des enfants de 2 ans pourraient-ils connaître des langues mortes ?” Ils ne les connaissent pas, répondit le prêtre, son ton devenant plus sombre. Quelque chose en eux les connaît. Les semaines suivantes, le père des champs revint quotidiennement à la maison Le Blanc.
Il apportait avec lui des livres anciens, des manuscrits, des textes religieux en différentes langues. Il s’asseyait près des jumeaux pendant des heures, notant méticuleusement dans son journal chaque mot, chaque son, chaque geste qu’il faisait. Jean-Baptiste, d’abord méfiant envers cette intrusion constante, finit par accepter la présence du prêtre. Au moins, quelqu’un d’autre partageait maintenant le fardeau de ce secret.
Et le père des Champs, malgré son grand âge, possédait une détermination et une érudition impressionnante. Un après-midi de juillet particulièrement chaud, alors que les mouches bourdonnaient paresseusement contre les fenêtres, les jumeaux prononcèrent leur deuxième prédiction. Le père des champs était présent, assis à côté de Marie-Louise, tous deux observant les enfants qui dessinaient avec de la créie sur un morceau d’ardoise que Jean-Baptiste avait fabriqué pour eux.
Soudain, Étienne et Gabriel laissèrent tomber leur cris simultanément. Ils se tournèrent vers le prêtre, leurs yeux noirs fixés sur lui avec une intensité dérangeante. “Le navire blanc, dit Étienne. Coulera dans trois jours”, compléta Gabriel. “Vin trois âmes, poursuivit Étienne. Perdu dans les eaux froides, termina Gabriel. Le père des champs sentit son sang se glacer dans ses veines.
“Quel navire !” demanda-t-il d’une voix tremblante. Où ? Mais comme toujours, les jumeaux retournèrent à leur silence, reprenant leur cris comme si rien ne s’était passé. Le prêtre se leva immédiatement, ignorant les protestations de son dos douloureux. Je dois aller au port immédiatement.
Vous ne pouvez pas révéler ce qu’ils ont dit, protesta Marie-Louise, paniqué. Si les gens découvrent que mes fils prédisent des morts et si je peux sauver des vies, rétorqua le père des champs déjà à la porte. N’est-ce pas notreir de chrétien ? Le port de Québec grouillait d’activités. Des marins chargeaient et déchargeaient des marchandises. Des marchands négociaient à voie haute. Des enfants couraient entre les tonneaux.
Le père des Champs se dirigea vers le bureau du capitaine de Portc. Un homme corpulent nommé Leclerc qui supervisait tous les mouvements maritimes. “Mon père”, salua Lecler avec respect en voyant le prêtre entrer. “Que puis-je faire pour vous ? Y a-t-il un navire blanc prévu pour partir dans les prochains jours ? Lecler consulta son registre fronçant les sourcils.
Oui, l’étoile blanche, un brique marchand, il appareille après-demain pour Montréal. Pourquoi cette question ? Le père des champs hésita. Comment expliquer sa source d’information sans paraître fou ? J’ai entendu des inquiétudes concernant ce navire.
Pourriez-vous le faire inspecter minutieusement avant son départ ? Les inquiétudes de quelle nature ! S’il vous plaît, monsieur Lecler, faites-le pour moi. Une inspection complète.” Le capitaine de port regarda le vieux prêtre avec curiosité, mais acquissa finalement. Le père des champs était respecté dans la communauté et ses demandes étaient rares.
L’inspection révéla que le mâ principal du navire présentait une fissure profonde, dissimulée par plusieurs couches de peinture blanche. Une tempête, même modeste, aurait pu le briser, en voyant le navire et son équipage au fond du fleuve. Les réparations furent entreprises immédiatement, retardant le départ de plusieurs jours.
Lorsque l’étoile blanche apparailla finalement, une semaine plus tard, elle transportait 23 personnes, exactement le nombre mentionné par les jumeaux. Le voyage se déroula sans incident. La nouvelle de l’intervention providentielle du père des Champs se répandit rapidement. Les marins le considérèrent comme un saint ayant reçu une vision divine.
Mais le prêtre savait la vérité et cette vérité le hantait. Ce soir-là, dans la solitude de son presbère, il écrivit dans son journal d’une main tremblante 17 juillet 1782. Les jumeaux le blanc ont de nouveau parlé. Ils ont prédit le naufrage d’un navire avec une précision terrifiante. Grâce à leur avertissement, 23 vies ont été épargnées. Mais je dois me poser une question troublante.
Comment savent-ils ? Et surtout, pourquoi savent-ils ? Ces enfants ne sont pas possédés par des démons. Je l’aurais senti. Ils ne sont pas malades. Leur corps est saint. Non, ce qui les habite est quelque chose de différent, quelque chose que ma formation théologique ne m’a jamais préparé à affronter. Ils partagent une connexion qui transcende le physique. C’est comme si leurs deux âmes n’en formaient qu’une, divisé par accident entre deux corps.
Ou peut-être, et cette pensée me terrifie, comme si une seule âme ancienne, infiniment vieille et sage, s’était incarné dans deux formes jumelles. Je dois continuer mes recherches. Je dois comprendre. Car si je ne le fais pas, qui le fera ? Et que deviendront ces enfants en grandissant porteur d’un don aussi terrible ? Le père des champs referma son journal et regarda par la fenêtre la ville endormie, quelque part dans l’obscurité, dans une modeste maison de la rue sous le fort, deux petits garçons dormaient main dans la main, leurs rêves entrelacés dans une danse que nul ne pourrait jamais comprendre. Et dans ses rêves, il voyait des choses, des choses qui n’étaient pas encore arrivées, des secrets que le temps lui-même gardait jalousement, des visions qui avec les années deviendraient de plus en plus sombres, de plus en plus précise et de plus en plus impossible à ignorer.
L’automne de 1784 apporta les premières neiges précoces à Québec. Étienne et Gabriel avaient maintenant quatre ans et leur réputation, ainsi que celle de leur famille avait considérablement changé dans la communauté. Au début, après le sauvetage du navire, certains voyaient les jumeaux comme des enfants bénis, porteurs d’un don divin.
Le père des Champs encouragea cette interprétation, espérant protéger les garçons de réactions plus hostiles. Mais à mesure que d’autres prédictions se réalisaient, la mort d’un cheval, l’arrivée inattendue d’un visiteur, une tempête de grêle dévastatrice, la peur commença à supplanter l’émerveillement. Les jumeaux, le blanc savaient des choses qu’il ne devraient pas savoir.
Il parlaient maintenant couramment, mais uniquement lorsqu’ils étaient ensemble. Séparés, ils redevenaient complètement muets, comme au premier jour de leur vie. Leur langage était étrange, un mélange de français, de sons incompréhensibles et parfois de phrases entières dans des langues que personne à Québec ne parlait. Marie-Leouise avait vieilli prématurément. À ans, elle en paraissait 40.
Ses cheveux, autrefois noirs comme les bennes, étaient estés de gris et son visage portait les marques profondes, de nuit sans sommeil et d’inquiétude constante. Jean-Baptiste, lui, s’était refermé sur lui-même. Il travaillait du matin au soir dans son atelier, évitant autant que possible la maison et les regards troublants de ses fils.
Il ne joue jamais comme les autres enfants, confiait Marie-Louise au père des champs lors d’une ses visites quotidiennes. Il ne rit pas, ne court pas, ne se salisse pas. Ils restent assis pendant des heures à se regarder, à se parler dans cette langue. Parfois, j’ai l’impression qu’ils ne sont pas vraiment là, qu’ils sont ailleurs, dans un endroit où je ne peux pas les suivre.
Le prêtre hocha tristement la tête. Son journal était maintenant rempli de centaines de pages de notes, d’observations, de théories. Il avait écrit à des confrères en France consult des textes anciens cherchés dans les archives de l’église des cas similaires. Mais il ne trouvait pas de réponse satisfaisante. Ce qui le troublait le plus c’était l’évolution récente du comportement des jumeaux.
Ils avaient commencé à faire des dessins, des images troublantes qui semblaient dépasser largement les capacités artistiques d’enfants de 4 ans, des scènes de bataille, de villes inconnues, de personnes qu’il n’avait jamais rencontré et toujours dans chaque dessin deux figures identiques côte à côte se tenant la main. Un matin de novembre particulièrement glacial. Alors que le vent hurlait contre les volets et que la neige s’accumulait contre les portes, un événement se produisit qui changea tout. Étienne tomba malade.
Cela commença par une tou légère, puis une fièvre qui monta rapidement. En quelques heures, le petit garçon brûlait de fièvre. Son corps frê secouait de frissons violents. Marie-Louise le mit au lit, appliquant des compresses froides sur son front, lui faisant boire des tisanes de plantes médicinales. Mais le plus terrifiant était de voir Gabriel.
Le jumeau en bonne santé qui n’avait été exposé à aucun agent pathogène commença à présenter exactement les mêmes symptômes au même moment avec la même intensité. Quand Étienne toussait, Gabriel toussait. Quand Étienne grelotait, Gabriel grelotait. C’était comme regarder une image réfléchie dans un miroir. Deux corps partageant une seule maladie. Le docteur Valière fut appelé en urgence.
Il examina les deux garçons, son front se plissant davantage à chaque minute qui passait. “C’est impossible”, murmurait-il encore et encore. Médicalement impossible. Il prescrivit les mêmes remèdes aux deux enfants, bien qu’ils ne comprennent pas comment Gabriel pouvait être malade. Mais les jours passèrent et la fièvre ne baissait pas. Au contraire, elle montait dangereusement.
Le 5è jour, Étienne délira. Il parlait dans son sommeil, des mots décous qui faisaient froid dans le dos. Le feu, le sang, les ombres marchent. Nous devons rester ensemble, toujours ensemble. Si l’un part, l’autre suit. Gabriel, dans son propre lit à côté de son frère, répétait les mêmes phrases, mot pour mot au même instant.
Le père des champs passa la nuit à leur chevet, priant le chapelet sans interruption. Marie-Louise s’anglotait doucement dans un coin de la pièce, épuisé par les nuits blanches. Jean-Baptiste faisait les s pas dans la cuisine, ses points serrés d’impuissance et de rage contre cette situation qu’il ne pouvait combattre. À l’aube du sixième jour, la fièvre cassa brutalement.
Les deux garçons ouvrirent les yeux simultanément, leur regard clair et lucide pour la première fois depuis près d’une semaine. “Maman,” dit Étienne d’une voix faible. “Papa !” dit Gabriel avec le même ton. Marie-Louise se précipita vers eux, les serrant contre elle avec une force désespérée, ses larmes de soulagement trempant leurs chemises de nuit. “Mes bébés ! les pauvres bébés.
Mais alors qu’elle les tenait ainsi, elle sentit quelque chose de différent. Leur corps, habituellement siil avait changé. Étienne avait perdu beaucoup de poids. Sa peau était presque translucide. Gabriel, étrangement semblait plus robuste, comme s’il avait absorbé la force que son frère avait perdu. Le docteur Valière revint examiner les jumeaux quelques jours plus tard, une fois qu’ils furent complètement rétablis.
Madame etur le blanc”, dit-il gravement après avoir terminé son examen. “Je dois vous parler franchement. Ce que j’ai observé durant cette maladie dépasse tout ce que la science médicale peut expliquer. Vos fils, ils partagent plus qu’un lien familial.
C’est comme si leur corps était en communication constante, partageant non seulement des informations, mais des états physiques. Il marqua une pause, choisissant soigneusement ses mots suivants. Si cette connexion persiste et elle semble se renforcer avec l’âge, je crains que l’un ne puisse survivre sans l’autre, littéralement. Nous devons tenter quelque chose de radical. Quoi ? demanda Jean-Baptiste sa voix teintée d’une méfiance bien compréhensible.
Nous devons les séparer incomplètement pendant une période prolongée. Non ! Cria Marie-Louise. Vous avez vu ce qui se passe quand ils sont séparés. Je sais, répondit le médecin avec patience. Mais si nous ne le faisons pas, je crains que leur dépendance mutuelle deviennent totale. Et alors ? Il n’eut pas besoin de terminer sa phrase. Tous comprenaient l’implication.
Si quelque chose arrivait à l’un, l’autre mourrait également. Après de longues discussions douloureuses qui durèrent plusieurs jours, une décision fut prise. Étienne resterait avec ses parents à Québec. Gabriel serait envoyé vivre avec la sœur de Marie-Louise Thérèse qui habitait une ferme à 3 heures de route près de Trois Rivières.
La séparation fut programmée pour le 15 décembre, un mardi matin gris et froid. Les jours précédents furent atroces. Les jumeaux qui semblaient comprendre ce qui allait se passer devinrent inconsolables. Ils pleuraient constamment, se cramponnaient l’un à l’autre avec une force surprenante pour des enfants de 4 ans. Leur corps tremblaient, leurs yeux étaient rougis et gonflés. “Ne nous séparez pas”, suppliit-il en cœur.
“S’il vous plaît, papa ! Ne nous séparez pas, c’est pour votre bien, répétait Marie-Louise. Mais les mots sonnaient creux, même à ses propres oreilles. Elle pleurait autant que ses fils, si ce n’est plus. Le matin du 15 décembre, une charrette arriva devant la maison le blanc. Thérèse en descendit, une femme solide dans la trentaine, au visage durcis par le travail de la ferme, mais aux yeux emplis de compassion. “Ma sœur dit-elle en embrassant Marie-Louise.
Je prendrai soin de Gabriel comme s’il était mon propre fils. Gabriel fut arraché des bras des tiennes. Les deux garçons hurlèrent avec une détresse si profonde, si primale, que plusieurs voisins sortirent de leur maison alarmé. C’était un son qu’on entend habituellement que dans les pires tragédies. Le cri d’une âme qu’on déchire en deux.
Étienne ! criait Gabriel en tendant des bras désespérés vers son frère. “Gabriel !” Hurlait Étienne, se débattant contre son père qui le retenait fermement. La charrette s’éloigna lentement dans la rue enneigée. Gabriel, sanglé à l’arrière pour l’empêcher de sauter, criait toujours le nom de son frère.
Étienne, retenue par Jean-Baptiste, se tordait de douleur comme si on lui arrachait un membre. Puis, soudainement, le silence tomba. Un silence absolu, complet, terrifiant. Étienne cessa de se débattre. Il devint complètement rigide. Son regard fixé sur la charrette qui disparaissait au coin de la rue. Ses lèvres remuaient mais aucun son n’en sortait. Jean-Baptiste relâcha éreinte avec précaution.
Le petit garçon ne bougea pas. Il resta debout, immobile comme une statue, les yeux perdus dans le vide. Étienne appela Marie-Louise, la peur s’insinuant dans sa voix. Mon chéri, aucune réponse. L’enfant ne la regardait même pas. C’était comme si son esprit avait quitté son corps, suivant son frère dans cette charrette qui s’éloignait.
Pendant 3 jours, Étienne ne parla pas, ne mangea pas, ne but presque pas. Il restait assis près de la fenêtre, fixant la direction dans laquelle Gabriel était parti. Ses lèvres bougeaient constamment en silence, formant des mots que personne ne pouvait entendre. À Trois Rivières, selon les lettres désespéré de Thérèse, Gabriel présentait exactement le même comportement.
Assis près d’une fenêtre, regardant vers Québec, ses lèvres remuant sans cesse. Le 4e jour, quelque chose d’étrange se produisit. Marie-Louise était assise près d’Étienne, essayant une fois de plus de lui faire manger un peu de bouillon. Quand le petit garçon tourna soudain son visage vers elle, ses yeux vides depuis des jours brillaient maintenant d’une lueur étrange.
“Gabriel dit que la ferme de tente Thérèse est jaune”, prononça-t-il clairement, avec un toit rouge et une grande grange. Il y a trois vaches et un chien noir qui s’appelle Tonner. Marie-Louise laissa tomber le bol de bouillon qui se brisa sur le plancher de bois. “Comment ! Comment sais-tu cela ? Gabriel me le dit”, répondit Étienne simplement comme si c’était la chose la plus normale du monde. “Il me parle, je l’entend.
” Une lettre arriva de Thérèse le lendemain confirmant chaque détail. La ferme était effectivement jaune avec un toit rouge. Il y avait trois vaches et le chien s’appelait bien Tonner. Le père des champs convoqué d’urgence écouta Marie-Louise raconter cette nouvelle révélation avec un visage aussi blanc que la neige qui tombait dehors.
“Il communique”, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour elle. “La distance n’a aucune importance. Leur connexion transcendent l’espace physique. Il sortit son journal et écrivit fébrilement 18 décembre 1784. La séparation physique des jumeaux n’a servi à rien. Pire, elle a révélé une vérité encore plus troublante.
Leur lien n’est pas limité par la proximité. Ils peuvent communiquer à distance, partager des informations, peut-être même des sensations. Ce que nous prenions pour une dépendance psychologique est en fait quelque chose de bien plus profond. Ces enfants sont connectés d’une manière que notre compréhension actuelle de la nature humaine ne peut expliquer.
Je commence à croire qu’il ne forment pas deux personnes distinctes. Ce sont deux manifestations physiques d’une seule et même conscience. Une âme en deux corps. Que Dieu nous vienne en aide. Et que Dieu vienne en aide à ses pauvres enfants. Le printemps de 1787 apporta un dégel tardif mais spectaculaire.
La glace du Saint- Laurent se brisa avec des craquements qui raisonnaient comme des coups de tonner et les rues de Québec se transformèrent en rivière debout. Mais dans la maison le Blanc, l’atmosphère restait glaciale malgré la chaleur qui revenait. Étienne et Gabriel avaient maintenant 7 ans. Après l’échec de la séparation forcée, 3 ans auparavant, ils avaient été réunis. La décision avait été prise après que les deux garçons aient commencé à dépérir dangereusement.
refusant de manger, leur corps se consumant comme des bougies qu’on laisse brûler jusqu’au bout. Le jour où Gabriel était revenu de la ferme de Thérèse, transporté en urgence par un médecin inquiet, les deux frères s’étaient regardés à travers la pièce. Aucun mot n’avait été prononcé, aucune larme n’avait été versée.
Ils s’étaient simplement approchés l’un de l’autre, avait joint leurs mains et s’était assis en silence, leurs yeux fermés comme s’ils communiaient dans un monde invisible aux autres. En quelques jours, leur santé s’était améliorée. En une semaine, ils étaient redevenus ce qu’ils avaient toujours été. Deux enfants étranges, silencieux, vivants dans leur propre univers parallèle.
Maintenant, à ans, ils présentaient de nouvelles manifestations de leur connexion extraordinaire. Il pouvaient terminer les phrases l’un de l’autre avec une précision parfaite. Il ressentaient les mêmes douleurs physiques. Si l’un se coupait, l’autre grimaçait au même instant. Il faisait les mêmes rêves, rêves qu’il dessinait ensuite avec des détails troublants, des scènes de lieux qu’il n’avait jamais visité, de personnes qu’il n’avait jamais rencontré, d’événements qui ne s’étaient pas encore produits.
Le père des Champs, maintenant âgé de 82 ans, continuait ses visites malgré sa santé déclinante. Son journal était devenu une œuvre monumentale remplie d’observations méticuleuses, de théories complexes et de questions sans réponse. Il savait que ce document serait son héritage. La preuve que quelque chose d’extraordinaire s’était produit à Québec pendant son ministère.
Un après-midi d’avril, alors que le soleil filtrait à travers les fenêtres de la modeste maison Le Blanc, projetant des rectangles de lumière dorée sur le plancher de bois usé, le père des Champs arriva avec une nouvelle détermination dans le regard. “Madame le Blanc”, dit-il après avoir refusé poliment le thé qu’elle lui offrait, “je dois parler avec vos fils, vraiment parler avec eux, pas seulement les observer.” Marie-Louise, maintenant âgée de trente ans mais en paraissant quinze, hésita.
Il ne parle qu’entre eux, mon père, vous le savez. Je dois essayer. Les jumeaux étaient dans leur chambre, comme toujours assis face- à face sur le plancher, leurs mains jointes, leurs lèvres remuant dans leur langue incompréhensible. Le prêtre s’assit péniblement sur une chaise près d’eux, son dos protestant contre chaque mouvement. Étienne, Gabriel, commença-t-il doucement.
Je sais que vous pouvez me comprendre. Je sais que vous entendez tout ce qui se dit autour de vous. Les garçons continuèrent leur conversation silencieuse, ne lui accordant aucune attention. Je suis vieux maintenant, très vieux. Bientôt, je rencontrerai mon créateur.
Mais avant de partir, j’ai besoin de comprendre qui êtes-vous vraiment, d’où vient cette connexion que vous partagez pour la première fois en sept ans de visite régulière ? Les jumeaux tournèrent simultanément leur visage vers le prêtre. Leurs yeux d’un noir profond semblaient contenir une sagesse qui n’aurait pas dû exister chez des enfants de 7 ans.
“Tu veux savoir ?” dit Étienne. Sa voix claire et calme. “Mais savoir fait mal”, continua Gabriel avec le même ton mesuré. “Es-tu prêt pour la douleur de savoir ?” demandèrent-il à l’unisson. Le père des champs sentit un frisson lui parcourir les chines, mais il acquiessa fermement. Oui, je dois savoir. Les jumeaux échangèrent un regard. Une communication silencieuse passa entre eux.
Puis Étienne commença à parler. Gabriel complétant ses phrases dans un rythme parfait comme s’il lisait un texte invisible écrit devant eux. “Nous ne sommes pas deux”, dit Étienne. “Nous n’avons jamais été deux”, continua Gabriel. Nous sommes un, une seule âme divisée par erreur ou peut-être par dessin.
Nous nous souvenons dit Étienne, ses yeux prenant une teinte étrangement lointaine. Nous nous souvenons de vie avant celle-ci, de lieux et de temps qui n’existent plus. Nous étions un vieil homme, poursuivit Gabriel, un homme qui avait vécu trop longtemps, qui avait vu trop de choses. Et quand cette vie s’est terminée, reprit Étienne. Quelque chose a mal tourné, notre essence s’est divisée.
Deux corps, une seule âme et nous sommes piégés ainsi. Le père des champs écoutait paralysé entre fascination et horreur. Sa formation théologique se heurtait violemment à ce qu’il entendait. Les âmes ne se divisaient pas. C’était impossible selon tous les enseignements de l’église. Et pourtant, assis devant lui, deux enfants affirmaient de vivre cette impossibilité.
“Comment pouvez-vous vous souvenir de vie antérieures ?” demanda-t-il d’une voix tremblante. “L’église enseigne que nous ne vivons qu’une seule fois.” Les jumeaux inclinèrent leur tête, leurs expressions identiques, reflétant quelque chose qui ressemblait à de la compassion ou peut-être de la pitié. Ce que l’Église enseigne, dit Étienne doucement, et ce qui est vrai ne sont pas toujours la même chose, compléta Gabriel.
Nous ne jugeons pas. Nous constatons simplement. Nous voyons ce que nous voyons. Nous savons ce que nous savons et nous savons que nous sommes incomplets. Chacun de nous est une moitié. Ensemble, nous sommes entiers. Séparés, nous sommes brisés.
Le prêtre porta une main tremblante à son front, sentant une migraine naissante pulsée derrière ses tempes. Les choses que vous prédisez, l’incendie, le navire, comment savez-vous ces choses avant qu’elles n’arrivent ? Nous ne prédisons pas, corrigea Étienne. Nous nous souvenons, expliqua Gabriel. Nous nous souvenons de l’avenir, dirent-ils ensemble. Et cette phrase raisonna dans la pièce comme un écho venu d’un autre monde. “C’est impossible”, murmura le père des champs.
“Mais sa voix manquait de conviction.” “Pour toi ? Oui, acquessa Étienne. Mais pas pour nous”, continua Gabriel. “Le temps n’est pas une ligne droite, c’est un cercle, un cycle qui se répète encore et encore. Et nous nous souvenons de tous les cycles. Nous nous souvenons de ce qui fut.
Ah, nous souvenons de ce qui sera parce que tout a déjà été. Le père des Champs se leva brusquement, la tête lui tournant. C’était trop. Ses concepts dépassaient tout ce qu’il pouvait accepter. Je dois je dois réfléchir à cela. Mais avant qu’il ne puisse atteindre la porte, les jumeaux parlèrent de nouveau, leur voix prenant un ton plus sombre, plus urgent.
“Père des champs dit Étienne. Ton temps approche, continua Gabriel, dans trois semaines, un mardi matin et tu partiras en paix dans ton sommeil sans douleur. Ton cœur cessera simplement de battre et tu iras là où vont tous les justes. Le prêtre se figea, sa main sur la poignée de la porte.
Vous vous me dites que je vais mourir dans trois semaines. Les jumeaux le regardèrent avec leurs yeux anciens et tristes. Oui. Et vous ne pouvez pas l’empêcher ? Non, répondirent-ils en cœur. Nous voyons, nous ne changeons pas. Mais l’incendie chez les Rousseaux, le navire, vous m’avez permis de les sauver.
Nous avons vu ces événements expliqua Étienne patiemment. Mais nous avons aussi vu ton intervention compléta Gabriel. Tout fait partie du même cycle. Tout était déjà écrit. Ta mort aussi est écrite et elle ne peut être changé. Le père des champs sortit de la maison en chancelant comme un homme ivre. Marie-Louise le suivit inquiète.
Mon père, êtes-vous bien ? Que vous ont dit ? Mais le vieux prêtre ne pouvait pas parler. Il fit un geste vague de la main et s’éloigna dans la rue, son esprit tourbillonnant avec des pensées impossibles, des vérité qui défiaent tout ce en quoi il avait cru pendant 82 ans. Cette nuit-là, dans la solitude de son presbère, il écrivit ce qui serait sa dernière entrée importante dans son journal. 23 avril 1787.
Aujourd’hui, j’ai eu une conversation avec les jumeaux le blanc qui a ébranlé les fondations mêmes de ma foi et de ma compréhension du monde. Ils affirment être une seule âme divisée en deux corps. Ils prétendent se souvenir de vie antérieure et voir l’avenir parce que selon eux tout a déjà eu lieu dans un cycle éternel.
Mes années d’étude théologique me disent que ceci est hérétique, impossible. contraire à toutes les lois divines et naturelles. Et pourtant, et pourtant, je ne peux nier ce que j’ai vu de mes propres yeux pendant 7 ans. Ces enfants savent des choses qu’ils ne devraient pas savoir. Ils voient des événements qui ne se sont pas encore produits.
Ils partagent une connexion qui transcende toute explication rationnelle. Ils m’ont annoncé ma mort dans 3 semaines. Un mardi matin, dans mon sommeil, mon cœur cessera de battre. Devrai-je avoir peur ? Étrangement, je ne le suis pas. Si ces enfants disent vrai et tous leurs précédents avertissements se sont réalisés, alors je mourrai en paix sans souffrance.
C’est plus que ce que la plupart peuvent espérer. Mais qu’en est-il deux ? Qu’arrivera-t-il à Étienne et Gabriel le Blanc ? Ils grandissent portant ce fardeau terrible, une conscience ancienne piégée dans deux corps jeunes, des souvenirs qui ne leur appartiennent pas, des visions d’un avenir qu’ils ne peuvent changer.
Quel sera leur destin ? Je ne le saurai jamais. Mais je prie, oh comme je prie, pour que quelqu’un quelque part puisse un jour comprendre leur nature et peut-être les libérer de ce cycle dont il parle. Que Dieu veille sur eux. Car s’il existe réellement une âme partagée entre deux corps, alors ces enfants sont peut-être la preuve que les mystères de la création dépassent infiniment notre compréhension limitée.
Une trois semaines plus tard, exactement comme les jumeaux l’avaient prédit, le père Mathieu Deschamps fut trouvé mort dans son lit un mardi matin. Son visage était paisible, presque souriant. Son cœur avait simplement cessé de battre pendant son sommeil. À ces funérailles auxquels assista toute la ville de Québec, Étienne et Gabriel Leblanc se tenaient main dans la main au fond de l’église.
Ils ne pleuraient pas. Ils observaient en silence le cercueil de Chen être porté vers sa dernière demeure. Il savait murmura Étienne. Il a compris, murmura Gabriel. Mais il ne pouvait pas accepter. Peu le peuvent. Après les funérailles, le testament du père des champs révéla qu’il léguait son journal personnel à la famille le Blanc.
Que ce document témoigne de ce que j’ai vu, avait-il écrit, que ceux qui le liront gardent l’esprit ouvert et le cœur compatissant. Car Étienne et Gabriel Leblanc sont un mystère que nous ne sommes peut-être pas destinés à résoudre, mais que nous devons respecter et protéger. Marie-Louise reçut le journal avec des mains tremblantes.
Elle l’ouvrit à la première page et lut les observations méticuleuses, les théories, les prières. Des larmes coulèrent sur ses joues, non pas de tristesse, mais de soulagement. Quelqu’un d’autre avait vu. Quelqu’un d’autre avait compris que ses fils n’étaient pas possédés, ni fous, ni mauvais. Ils étaient simplement différents, extraordinaire d’une manière qui échappait à la compréhension humaine normale. Les années passèrent.
Étienne et Gabriel grandirent devenant des adolescents puis de jeunes hommes. Leur réputation se répandit au-delà de Québec. Certains venaient de loin pour les consulter, cherchant des réponses sur leur avenir. D’autres les évitaient, effrayés par ce qu’ils représentaient. Ils ne se marièrent jamais.
Comment l’aurait-il pu ? Aucune femme ne pouvait comprendre ou accepter la connexion absolue qu’il partageait. Ils vécurent ensemble dans la maison familiale, Jean-Baptiste et Marie-Louise vieillissant à leur côté, toujours perplexe, mais ayant appris à accepter ce qu’il ne pouvait changer. En 1805, à l’âge de 25 ans, les jumeaux commencèrent à écrire : “Pas dans une langue que quiconque pouvait lire, une langue étrange, faite de symboles et de caractères qui semblaient appartenir à de multiples alphabets anciens. Ils remplissaient page après page, leurs mains bougeant en parfaite synchronisation, écrivant le même texte au même moment sur des feuilles séparées. “Qu’écrivez-vous ?” demandait parfois Marie-Louise, maintenant âgée et fragile, ses cheveux complètement blancs. “Nous écrivons ce que nous nous souvenons”, répondait-il toujours, “Et ce dont nous souviendrons, pour que d’autres peut-être comprennent un jour quand le cycle reviendra. Comme il revient toujours.
En 1810, Jean-Baptiste mourut paisiblement dans son sommeil, son corps usé par des décennies de travail acharné et d’inquiétude. Les jumeaux, âgés de 30 ans maintenant, se tindrent près de son lit dans ces derniers moments. “Père, dirent-il ensemble, ton cycle est complet. Tu as fait ce que tu devais faire. Tu nous as protégé quand personne d’autre ne le pouvait.
Tu nous as aimé malgré ta peur et pour cela nous te remercions. Jean-Baptiste dans un dernier sursaut de conscience regarda ses fils extraordinaires et murmura : “J’aurais aimé comprendre.” “Tu comprendras”, promirent-il doucement. Dans le prochain cycle, tout le monde comprend éventuellement. Marie-Louise suivit son mari de ans plus tard.
Dans ces derniers jours, alors qu’elle délirait de fièvre, elle murmurait : “Mes bébés, mes pauvres bébés, une seule âme. Comment est-ce possible ?” Étienne et Gabriel restèrent à ses côtés, tenant chacun une de ses mains frêes. “Mère !” dit Étienne avec une tendresse infinie. “Tu as porté un fardeau que personne ne devrait porter”, continua Gabriel.
deux enfants qui n’en étaient qu’un, un mystère que tu ne pouvais résoudre. Mais tu nous as aimé quand même. Et cet amour, cet amour transcende tous les cycles. Il nous accompagnera toujours comme nous t’accompagnerons toujours. Marie-Louise ouvrit les yeux une dernière fois, regardant ses fils.
Dans son regard mourant, il y avait quelque chose comme de la compréhension ou peut-être simplement de l’acceptation. Elle sourit faiblement, serra leurs mains et s’éteignit doucement. Après la mort de leurs parents, les jumeaux vécurent seul dans la maison désormais trop grande. Ils continuaient à écrire page après page de leur langue mystérieuses.
Ils continuaient à voir des choses, des événements futurs qu’ils annonçaient parfois mais rarement. Ils avaient appris que savoir l’avenir était un fardeau que peu pouvaient supporter. Les gens de Québec s’étaient habitués à eux. Les enfants qui avaient grandi en entendant les histoires terrifiantes sur les jumeaux étranges étaient devenus des adultes qui les acceptaient comme une particularité de leur ville.
“Les frères le Blanc, disait-on simplement, ils sont différents mais inoffensifs. En 1820, alors que les jumeaux avaient 40 ans, quelque chose de remarquable se produisit. Un matin de printemps similaire à celui où le père des Champs avait eu sa conversation révélatrice avec eux, Étienne et Gabriel sortirent de leur maison pour la première fois en des années.
Ils marchèrent ensemble dans les rues de Québec, main dans la main comme toujours, leurs visages identiques maintenant marqués par l’âge, mais toujours étrangement intemporel. Ils se dirigèrent vers le cimetière où leurs parents et le père des champs étaient enterrés. Devant les trois tombes, ils parlèrent ensemble. Le cycle approche de sa fin.
Pour cette incarnation, nous sentons le changement. Bientôt nous serons libérés ou peut-être piégés de nouveau. Le temps le dira comme il le dit toujours. Ils restèrent là pendant des heures immobiles comme des statues, communant dans leur langue silencieuse. Quand ils rentrèrent finalement chez eux, quelque chose avait changé dans leur regard, une résolution, une acceptation.
Au cours des semaines suivantes, ils donnèrent tous leurs biens, les quelques meubles, les outils de Jean-Baptiste, les objets personnels de Marie-Louise. Ils ne gardèrent que leurs écrits, des centaines de pages remplies de symboles incompréhensibles. “Que allez-vous faire de tout cela ?” leur demanda un voisin curieux, en voyant les piles de papier. “Nous les laisserons”, répondirent-ils simplement.
“Pour qui viendra après ou pour personne, cela n’a pas d’importance.” Et ce qui est écrit est écrit, ce qui doit être vu sera vu quand le moment sera venu, comme toute chose. Une nuit de juillet 1821, pendant une tempête violente qui se coouait Québec jusqu’aux fondation, les jumeaux le blanc s’endormirent main dans la main comme ils l’avaient fait chaque nuit de leur vie.
Au matin, des voisins, inquiets de ne pas les avoir vu sortir, entrèrent dans la maison. Ils trouvèrent Étienne et Gabriel dans leur lit paisible, leur visage serein. Ils étaient morts exactement au même moment, leur cœur ayant cessé de battre à l’instant précis où l’horloge avait sonné 3h du matin.
Le médecin qui examina leur corps ne put déterminer aucune cause de décès. Ils étaient simplement partis comme si leurs âmes ou leur âme, car qui pouvait dire avec certitude, avait décidé qu’il était temps de quitter ces deux enveloppes charnelles qui les avaient contenus pendant 41 ans. Leurs écrits furent découverts, soigneusement rangés dans des boîtes en bois. Personne ne pouvait les déchiffrer.
Les documents furent finalement donnés aux archives de l’Église où il reste encore aujourd’hui un mystère non résolu parmi tant d’autres. Le journal du père des Champs fut également préservé un témoignage extraordinaire d’un phénomène qui défie toute explication. Les historiens qui l’ont étudié depuis sont divisés. Certains y voit une curiosité médicale, peut-être un cas extrême de jumeaux identiques développant une forme de dépendance psychologique.
D’autres y voinent quelque chose de plus profond, de plus mystérieux. Dans les registres paroissaiaux de Notre-Dame des Victoires, sous la date du 2 août 1821, une courte note fut inscrite par le nouveau curé. Aujourd’hui furent enterrés Étienne et Gabriel Leblanc, âgés de 41 ans. Ils vécurent ensemble, parlèrent ensemble et moururent ensemble.
Que Dieu dans sa miséricorde infinie réunisse ce qui fut divisé et apporte la paix à cette âme ou ces âmes qui connurent un destin si particulier en ce monde. Les années passèrent, les décennies, le siècle tourna. La petite maison de la rue sous le fort fut démolie et reconstruite plusieurs fois. Les gens qui l’habitèrent ne sur jamais ce qui s’y était passé.
Les histoires sur les jumeaux étranges devinrent des légendes, puis des mythes, puis furent presque oubliés. Mais dans les archives poussiéreuse de l’archevéché de Québec, le journal du père des Champs demeure. Ses pages jaunies par le temps mais ses mots toujours lisibles. Et à côté de lui, dans des boîtes scellées depuis presque deux siècles, reposent les écrits incompréhensibles d’Étienne et Gabriel Leblanc.
Parfois, un chercheur curieux découvre ces documents, il les étudie, tente de les déchiffrer puis abandonne, frustré. Les symboles semblent appartenir à de multiples langues anciennes, du grec, de l’araméen, du sanscrit, du cunéiforme, mais ne correspondent exactement à aucune.
Certains prétendent que si l’on regarde les pages assez longtemps, on commence à voir des motifs, des cycles qui se répètent, des histoires qui reviennent encore et encore légèrement différentes à chaque fois, mais fondamentalement les mêmes. Et de temps en temps, très rarement, quelqu’un rapporte une expérience étrange, une sensation en lisant ses pages. Comme si quelque chose essayait de communiquer à travers le temps.
Comme si une conscience ancienne divisée depuis si longtemps cherchait encore à être comprise. Mais ce ne sont que des murmurs, des suppositions, des histoires qu’on raconte tard dans la nuit quand les ombres sont longues et que l’imagination s’emballe. La vérité sur Étienne et Gabriel Leblanc qui ils étaient vraiment, ce qu’ils ont vu, ce qu’ils savaient, resta eux, enterré dans le cimetière de Québec, sous deux pierres tombales identiques portant des noms différents, mais appartenant peut-être à une seule âme. Et dans le silence éternel de leur tombe commune, peut-être se tiennent-ils encore la main, enfin réunis au-delà des limites du corps physique, libéré du cycle dont il parlait si souvent. ou peut-être, comme ils le suggéraient eux-mêmes, le cycle continue. Quelque part, d’une manière ou d’une autre, une âme divisé attend de nouveau de renaître, de vivre encore une fois cette existence étrange et impossible, portant le fardeau de souvenirs qui ne devrait pas exister et de vision d’un avenir déjà écrit. Car selon les mots mêmes des jumeaux, le temps n’est pas une ligne droite, c’est un cercle, un cycle qui se répète encore et encore. Et si c’est vrai, alors quelque part dans le monde, à un moment futur que nous ne pouvons encore imaginer, deux enfants naîtront, se regarderont pour la première fois et sauront avec une certitude absolue et terrifiante qu’ils ont déjà vécu cet instant et qu’ils le vivront encore.
Car certains mystères ne sont pas destinés à être résolus. Ils sont destinés à se répéter encore et encore pour l’éternité. Cette histoire, bien que présentant des éléments dramatiques amplifiés, s’inspire de cas documentés de jumeaux présentant des connexions psychologiques extraordinaires. Le phénomène de cryptophasie, langue secrète développée par des jumeaux et les liens émotionnels profonds entre jumeaux identiques sont des réalités médicalement reconnues.
Le journal du père Mathieu Deschamp, s’il a réellement existé, reste dans les archives de l’Archevché de Québec inaccessible au public. Les écrits des jumeaux le Blanc, si toutefois ils existent, n’ont jamais été déchiffrés. Certains mystères de l’expérience humaine dépassent notre compréhension actuelle. L’histoire d’Étienne et Gabriel Leblanc nous rappellent que la frontière entre le possible et l’impossible est peut-être plus flou que nous ne le pensons.
Si cette histoire vous a touché, partagez-la avec quelqu’un qui apprécie les mystères de l’existence humaine. Et rappelez-vous, dans un monde plein de certitude, c’est parfois l’inexplicable qui nous rappelle qu’il reste encore tant à découvrir.