Michel Onfray brise les tabous : Leçon de réalisme, clash en direct et vérités crues sur l’état de la France

L’atmosphère était chargée d’électricité, une tension palpable dès les premières minutes qui ne s’est jamais dissipée. Invité à commenter une actualité internationale et nationale particulièrement lourde, le philosophe Michel Onfray n’est pas venu pour faire de la figuration ou pour réciter des banalités consensuelles. Ce qui devait être une interview classique s’est rapidement transformé en une joute verbale intense, une véritable leçon de rhétorique et de réalisme politique administrée en direct. Entre la victoire de l’extrême droite aux Pays-Bas et le drame insoutenable de Crépol, Onfray a bousculé le confort feutré du studio pour porter la voix d’une France en colère.
Le séisme néerlandais : Symptôme d’une Europe sourde
L’entretien s’ouvre sur la victoire surprenante de Geert Wilders aux Pays-Bas, un événement qui a secoué les chancelleries européennes. Là où la journaliste tente d’orienter le débat vers la peur de l’extrême droite et le rejet de l’Europe, Onfray recadre immédiatement le propos avec une précision chirurgicale. Pour lui, être contre l’Europe libérale de Maastricht ne signifie pas être contre l’Europe en tant que civilisation. Il dénonce cette manie des élites de “fasciser” toute opposition au modèle actuel.
“Ce n’est pas parce qu’on est contre le libéralisme qu’on est contre l’Europe”, martèle-t-il, rappelant que l’Union européenne actuelle s’est construite en dépossédant les nations de leur souveraineté. Il pointe du doigt une vérité qui dérange : si les peuples votent pour des figures qualifiées de populistes ou d’extrémistes, c’est avant tout par désespoir face à une technocratie qui les a appauvris. L’argument est frappant : on ne peut pas priver les gens de leur pouvoir d’achat et de leur identité pendant trente ans et s’étonner ensuite qu’ils renversent la table.
Macron, Le Pen et l’hypocrisie diplomatique
La discussion glisse ensuite sur la politique intérieure française, et c’est là que le philosophe se montre le plus incisif envers le chef de l’État. Il déconstruit la légitimité d’Emmanuel Macron, rappelant qu’il a été élu non pas par adhésion, mais par rejet de Marine Le Pen, avec une abstention massive. Pour Onfray, il y a une hypocrisie fondamentale à traiter le Rassemblement National de “danger fasciste” tout en respectant les usages diplomatiques avec des dirigeants internationaux tout aussi controversés.
Le moment est fort lorsque la journaliste tente de le coincer sur la nature du RN. Onfray ne tombe pas dans le panneau. Il distingue fermement le père, Jean-Marie Le Pen, dont il a lu les mémoires et qu’il qualifie sans détour d’antisémite et de pétiniste, de la fille, Marine Le Pen. Il accuse les médias de “déplacer le trou” pour faire tomber leurs invités, cherchant la petite phrase polémique plutôt que l’analyse de fond. Sa défense n’est pas un soutien politique au RN, mais un appel à l’honnêteté intellectuelle : on ne peut pas continuer à utiliser les anathèmes des années 80 pour analyser la situation politique de 2024.
Crépol : Le cri du cœur face à l’ensauvagement
C’est sans doute la partie la plus poignante de l’intervention. L’évocation de la mort de Thomas à Crépol et des violences qui secouent la société française change le ton de l’échange. Face aux mots du gouvernement parlant de “décivilisation”, Onfray va plus loin. Il décrit une société où l’autorité s’est effondrée, où “il n’y a plus de père, plus de prof, plus de morale”. Pour lui, c’est le retour pur et simple à la loi de la jungle.
Il s’indigne de l’impuissance de la justice. L’image est terrible : des individus condamnés avec interdiction de port d’arme qui se promènent pourtant avec des couteaux de 25 centimètres, prêts à tuer. “Qui vérifiera ?”, demande-t-il, soulignant l’absurdité d’un système judiciaire qui fonctionne sur le papier mais qui a démissionné dans la réalité. Il dénonce la peur des autorités d’être accusées de contrôle au faciès, laissant ainsi le champ libre à une délinquance ultra-violente qui n’a plus aucune crainte de la sanction.

Immigration et fracture sociale : Les vérités qui fâchent
Michel Onfray ne recule pas devant le sujet le plus explosif : le lien entre immigration, pauvreté et délinquance. Il refuse la langue de bois, établissant une distinction claire entre les différentes immigrations. Il ose aborder la spécificité du contentieux historique avec le Maghreb, alimenté selon lui par une rancœur post-coloniale entretenue par certains gouvernements, comme celui de l’Algérie.
Mais son analyse n’est pas essentialiste ; elle est aussi sociale. Il rappelle que l’intégration est impossible sans moyens, sans maîtrise de la langue et sans travail. Il décrit un engrenage fatal où l’absence d’assimilation mène inévitablement à la marginalité et au crime. “Quand vous refusez de vous intégrer… vous ne pouvez pas vivre si vous n’arrachez pas un sac à une vieille dame”, lance-t-il, une phrase choc pour illustrer l’échec total du modèle d’intégration à la française.
Le duel avec la journaliste : Une critique des médias
Tout au long de l’entretien, Onfray n’a cessé de critiquer la méthode même de l’interview. Il reproche à la journaliste, et à travers elle à une grande partie du système médiatique, de chercher à piéger plutôt qu’à comprendre. “Vous mélangez les torchons et les serviettes”, lui lance-t-il, refusant de se laisser enfermer dans des cases morales préconçues.
Ce refus de se soumettre à l’interrogatoire moralisateur est perçu par beaucoup comme une bouffée d’air frais. Onfray se positionne en philosophe, celui qui cherche les causes (la misère, le libéralisme effréné, l’abandon de l’État) plutôt que de distribuer les bons et les mauvais points.
Conclusion : Un avertissement sans frais
Cette intervention de Michel Onfray est bien plus qu’un simple clash télévisuel. C’est un symptôme de la fracture béante qui traverse la société française. D’un côté, une élite médiatique et politique qui s’accroche à ses grilles de lecture traditionnelles ; de l’autre, une réalité brutale faite d’insécurité, de déclassement et de colère qui ne demande qu’à exploser. En refusant de se taire, Onfray met des mots sur les maux d’une France qui se sent abandonnée, prévenant implicitement que si le système ne change pas de logiciel, les prochaines échéances électorales, en France comme ailleurs en Europe, risquent d’être le théâtre de renversements encore plus spectaculaires.