Père et fille disparus dans les Alpes — un mois plus tard, la fille est retrouvée avec sa veste

Le samedi 15 octobre 2016 à 6h37 du matin, Laurent Morau gara sa Peugeot 308 gris métallisé sur le parking du col de Rousset dans le massif du Vercors. Le thermomètre du tableau de bord indiquait 4° Celsius. À travers le pare-brise embué, on distinguait à peine les premiers contreforts calcaires de la montagne, noyés dans une brume épaisse qui sentait le pain mouillé et la terre froide.
Laurent, 48 ans, professeur d’histoire au lycée de Grenoble, coupa le moteur et se tourna vers sa fille. Camille Morau, 18 ans, étudiante en première année de médecine, dormait encore, la tête appuyée contre la vitre passager enveloppée dans une doudoune rouge vif qui contrastait avec la grisaille ambiante. Ses cheveux châtains étaient attachés en queue de cheval et ses chaussures de randonnée neuves reposaient à ses pieds encore dans leur boîte en carton.
Laurent observa son visage paisible pendant quelques secondes, puis lui toucha doucement l’épaule. Camille ouvrit les yeux lentement, désemparée. Selon ce que Laurent raconta plus tard à plusieurs collègues durant la semaine précédente, sa fille traversait une période difficile. Les examens universitaires la submergeaient et elle dormait mal depuis des semaines. Cette sortie en montagne avait été son idée à lui, une tentative de lui offrir une pause, un moment père-fille, comme ils en partageaient autrefois quand elle était petite.
Camille regarda autour d’elle, observa le brouillard dense puis demanda quelle heure il était. Laurent répondit qu’il était presque sept heures moins le quart, qu’ils avaient fait bonne route depuis Grenoble et qu’il était temps de commencer s’ils voulaient profiter de la journée. Camille hocha la tête sans enthousiasme, enfila ses chaussures et sortit de la voiture.
Le parking était désert. Aucun autre véhicule n’était stationné ce matin-là. Un détail qui serait plus tard confirmé par les caméras de surveillance routière situées à 15 kilomètres en contrebas sur la départementale D518. Les gendarmes établirent par la suite que seulement trois véhicules avaient emprunté cette route entre cinq heures et huit heures du matin ce jour-là : la Peugeot de Laurent Morau, un camion de livraison de pain appartenant à la boulangerie Arnaud de Die et une camionnette Renault Master Blanche immatriculée dans la Drôme.
Laurent ouvrit le coffre, en sortit deux sacs à dos Quechua bleu marine, les posa sur le capot encore tiède et vérifia méthodiquement leur contenu. Dans le premier sac, il avait placé deux bouteilles d’eau d’un litre et demi, six barres énergétiques, une trousse de premier secours, une couverture de survie, un sifflet d’urgence, une lampe frontale et une carte topographique du Vercors au 1/25 000. Dans le second, plus léger, destiné à Camille, se trouvaient des vêtements de rechange, des fruits secs, du chocolat et un pull en laine supplémentaire.
Camille attendait près de la voiture, les bras croisés contre le froid. Elle portait un pantalon de randonnée gris anthracite, un t-shirt thermique noir sous sa doudoune rouge et une casquette bordeaux sur laquelle était brodé le logo de la faculté de médecine de Grenoble. Laurent lui tendit son sac, referma le coffre et verrouilla la voiture avec la télécommande. Le bip sonore résonna étrangement dans le silence matinal amplifié par le brouillard.
Ils se dirigèrent vers le panneau d’information touristique situé à l’entrée du sentier. Le panneau en bois verni présentait plusieurs itinéraires balisés : Le sentier des crêtes, niveau difficile, durée estimée 7 heures ; Sentier des gorges, niveau moyen, 5 heures ; et le sentier du plateau, niveau facile, 3 heures aller-retour. Laurent pointa du doigt le sentier des gorges et expliqua à Camille qu’ils emprunteraient celui-là. Un parcours qu’il connaissait bien pour l’avoir fait une dizaine de fois au cours des vingt dernières années.
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À 7h11, Laurent et Camille s’engagèrent sur le sentier. Selon les données météorologiques de Météo-France archivées pour cette journée, la température à cette altitude oscillait entre trois et cinq degrés avec un taux d’humidité de 92 % et une visibilité réduite à moins de 50 mètres à cause du brouillard. Le sentier démarrait en pente douce, serpentant entre des hêtres centenaires aux troncs couverts de mousses verdâtres. Le sol était meuble, tapissé de feuilles mortes gorgées d’eau qui étouffaient le bruit de leurs pas.

Camille marchait derrière son père, le regard rivé sur ses chaussures sans prononcer un mot. Laurent tentait de briser le silence en commentant la beauté du paysage, en identifiant les espèces d’arbres qu’ils croisaient, en rappelant des anecdotes de leurs anciennes randonnées. Camille répondait par monosyllabes. Un “oui” par-ci, un “d’accord” par-là, l’esprit manifestement ailleurs.
Au bout de 40 minutes de marche, le sentier bifurqua vers la gauche et commença à grimper plus abruptement. Le brouillard se dissipait progressivement, laissant place à un ciel d’un bleu pâle strié de nuages effilochés. La vue s’ouvrait désormais sur une vallée encaissée, au fond de laquelle serpentait un ruisseau aux eaux claires et glacées. Laurent s’arrêta à un point de vue aménagé, marqué par un banc en bois et une table d’orientation en métal oxydé.
Il consulta sa montre : 8h02. Ils avaient parcouru environ deux kilomètres et demi depuis le parking. Il proposa une pause, sortit une bouteille d’eau et en offrit à Camille. Elle but quelques gorgées, s’assit sur le banc et regarda au loin. Laurent s’installa à côté d’elle. Pendant plusieurs minutes, ni l’un ni l’autre ne parla. Le silence n’était rompu que par le chant lointain d’un geai et le murmure du vent dans les branches.
Ce fut Camille qui rompit finalement ce silence. Selon les témoignages recueillis plus tard auprès de ses camarades de faculté et de ses proches, elle confia à son père ce matin-là qu’elle se sentait perdue, qu’elle n’était plus certaine de vouloir continuer ses études de médecine, qu’elle avait l’impression de décevoir tout le monde, en particulier lui. Laurent, bouleversé, lui répondit qu’elle ne décevait personne, qu’elle avait le droit de douter, de changer de voie si c’était ce qu’elle voulait vraiment. Il lui dit qu’il était fier d’elle, quoi qu’elle décide, que le plus important était qu’elle soit heureuse.
Camille fondit en larmes. Laurent la prit dans ses bras et la serra fort. Ils restèrent ainsi enlacés pendant un long moment, le père et la fille, suspendus entre ciel et terre, ignorant encore que ce moment de tendresse serait l’un des derniers qu’ils partageraient.
À 8h25, ils reprirent la marche. Le sentier s’enfonçait maintenant dans une forêt dense de sapins et d’épicéas. L’atmosphère changeait radicalement. La lumière déclinait, filtrée par l’épaisse canopée. L’air sentait la résine et l’humus. Le silence était presque oppressant, à peine troublé par le craquement des branches mortes sous leurs pas. Laurent consultait régulièrement sa carte pour s’assurer qu’ils suivaient bien le bon chemin. Le balisage jaune et blanc du GR était clairement visible, peint sur les troncs d’arbres à intervalles réguliers. Rien n’indiquait le moindre danger. Rien ne laissait présager ce qui allait suivre.
Vers 9h50, ils atteignirent une clairière d’environ 200 mètres de diamètre. Le soleil perçait enfin, réchauffant l’air ambiant. Laurent proposa de faire une vraie pause déjeuner, bien qu’il fût encore tôt. Il étala la couverture de survie sur un tapis d’aiguilles de pin, sortit les barres énergétiques, les fruits secs et le chocolat. Camille semblait aller mieux. Son visage s’était détendu. Elle souriait même en croquant dans une pomme qu’elle avait apportée.
Laurent en profita pour prendre une photo d’elle avec son téléphone portable, un iPhone 6 gris sidéral. Cette photo, retrouvée plus tard dans la mémoire de l’appareil par les enquêteurs, montrait Camille assise en tailleur, sa doudoune rouge ouverte, les joues légèrement rosies par l’effort et le froid, le regard tourné vers l’objectif, un demi-sourire aux lèvres. L’heure de la prise de vue enregistrée dans les métadonnées du fichier était précisément 9h54. Ce serait la dernière image de Camille Morau avant sa disparition.
Alors qu’ils terminaient leur collation, un bruit sourd retentit au loin, un coup sec, isolé qui résonna dans la vallée. Laurent se figea. Camille demanda ce que c’était. Laurent répondit que cela ressemblait à un coup de feu, probablement un chasseur. Camille fronça les sourcils. Elle savait que la chasse au gros gibier était strictement réglementée dans le Vercors et qu’en ce mois d’octobre, seule la chasse au sanglier et au chevreuil était autorisée dans des zones bien délimitées et à des horaires précis.
Laurent consulta rapidement la carte. Ils se trouvaient dans une zone classée Réserve Naturelle où toute activité cynégétique était interdite toute l’année. Un second coup de feu claqua, plus rapproché cette fois. Puis un troisième. Laurent et Camille échangèrent un regard inquiet. Quelque chose n’allait pas. Laurent rangea précipitamment les affaires dans les sacs, roula la couverture de survie et fit signe à Camille de le suivre.
Ils quittèrent la clairière et reprirent le sentier en accélérant le pas. Laurent voulait s’éloigner rapidement de la zone par précaution, mais à peine eurent-ils parcouru 100 mètres qu’un quatrième coup de feu éclata, cette fois-ci tout près sur leur gauche. Camille sursauta violemment. Laurent lui attrapa le bras et lui ordonna de rester calme, de continuer à marcher. Ils pressèrent encore l’allure, presque au pas de course maintenant.
Le sentier descendait en pente raide, slalomant entre les rochers couverts de lichen. Camille glissa sur une pierre humide, mais se rattrapa de justesse à une branche. Laurent se retourna pour vérifier qu’elle allait bien. C’est à ce moment précis qu’ils entendirent des voix d’hommes fortes, gutturales, venant de la forêt sur leur droite. Laurent stoppa net. Il tendit l’oreille. Les voix se rapprochaient. Deux hommes, peut-être trois, parlant fort, jurant, riant, puis un bruit de moteur grave et puissant, celui d’un véhicule tout-terrain progressant lentement hors des sentiers.
Laurent prit une décision rapide. Il saisit la main de Camille et l’entraîna hors du sentier vers la gauche en direction d’un amas rocheux qu’il avait repéré quelques mètres plus bas. Ils se faufilèrent entre les rochers et s’accroupirent, essayant de reprendre leur souffle en silence. Le cœur de Camille battait si fort qu’elle avait l’impression qu’on pouvait l’entendre à des kilomètres. Laurent porta un doigt à ses lèvres.
Ils attendirent, immobiles, terrés derrière les pierres. Le bruit du moteur se rapprochait inexorablement. Puis, à travers les branches, ils aperçurent une camionnette pick-up de couleur bordeaux, peut-être grenat, couverte de boue, roulant lentement entre les arbres. Deux hommes étaient assis à l’avant. Le véhicule s’arrêta à une trentaine de mètres de leur cachette.
Les portières s’ouvrirent, les deux hommes descendirent. L’un d’eux, grand, trapu, portant une veste militaire kaki et une casquette camouflage, tenait un fusil à lunette. L’autre, plus petit, en sweat gris et jean délavé, portait ce qui ressemblait à une arme de poing dans un étui de ceinture. Ils discutaient en pointant du doigt quelque chose au sol, invisible depuis la position de Laurent et Camille. Puis le plus grand leva son fusil, visa et tira. La détonation fut assourdissante. Camille se mordit le poing pour ne pas crier.
Laurent Morau posa sa main sur la bouche de Camille pour étouffer tout son qui pourrait s’échapper. Sa fille tremblait de tout son corps, les yeux écarquillés de terreur, le souffle court et saccadé. Depuis leur cachette derrière l’amas rocheux, ils observaient les deux hommes qui venaient d’abattre un animal. Le plus grand des deux, celui en veste militaire kaki, baissa son fusil et cria quelque chose à son compagnon.
Le second homme s’approcha de ce qui gisait au sol. Même de loin, Laurent pouvait distinguer la silhouette d’un cerf mâle, un grand mâle aux bois impressionnants, étendu sur le flanc dans une mare de sang qui s’élargissait rapidement sur les feuilles mortes. L’homme en sweat gris sortit un couteau de sa ceinture et s’agenouilla près de l’animal. Ce qui suivit était trop éloigné pour être clairement visible, mais les gestes étaient sans équivoque. Ils commençaient à dépecer leur prise illégalement, en pleine réserve naturelle. C’était un samedi matin d’octobre où la chasse au cerf était formellement interdite dans tout le massif du Vercors.
Laurent sentait son cœur cogner violemment contre ses côtes. Il était professeur d’histoire, pas un héros de film d’action. Il n’avait aucune formation en situation d’urgence, aucune expérience de ce genre de danger. Son instinct lui hurlait de rester caché, de ne surtout pas bouger, d’attendre que ces hommes terminent leur besogne et repartent. Mais Camille tremblait de plus en plus fort à ses côtés. Elle respirait trop vite, au bord de la crise de panique.
Laurent savait qu’il devait faire quelque chose. Il lui murmura à l’oreille d’une voix à peine audible qu’ils allaient attendre encore quelques minutes, que tout irait bien, qu’il fallait juste rester silencieux. Camille hocha la tête frénétiquement, les larmes commençant à couler sur ses joues.

Les minutes s’écoulèrent avec une lenteur insupportable. Les deux hommes travaillaient méthodiquement sur la carcasse du cerf. Le bruit du couteau raclant contre l’os parvenait par intermittence jusqu’à la cachette de Laurent et Camille, un son qui donnait la nausée. Puis, sans avertissement, le plus petit des deux hommes se releva, s’essuya les mains sur son jean et se dirigea droit vers les rochers où se terraient père et fille.
Laurent sentit tous ses muscles se tétaniser. L’homme marchait tranquillement comme s’il se promenait, mais son trajet le menait inexorablement vers eux. À dix mètres, à sept mètres, à cinq mètres. Laurent pouvait maintenant distinguer les traits de son visage : quarantaine d’années, barbe de trois jours, cicatrice sur la joue gauche, regard dur. L’homme s’arrêta à trois mètres, tourna le dos et commença à uriner contre un arbre.
Ce fut à ce moment précis que le téléphone portable de Laurent se mit à vibrer dans la poche de son pantalon. Une vibration puissante, insistante, qui résonna contre la paroi rocheuse comme un signal d’alarme. L’homme se retourna brusquement. Ses yeux se posèrent immédiatement sur Laurent et Camille, accroupis derrière les rochers, pétrifiés. Pendant une fraction de seconde, personne ne bougea. Puis l’homme cria. Un cri rauque, violent, qui alerta instantanément son compagnon resté près du cerf.
Laurent bondit sur ses pieds, attrapa la main de Camille et hurla un seul mot : “Cours !”. Ils dévalèrent la pente à travers la forêt sans suivre aucun sentier, sautant par-dessus les racines, se griffant aux ronces, glissant sur les pierres humides. Derrière eux, les cris des deux hommes se mêlaient au bruit de leurs pas lourds et rapides. Laurent tenait fermement la main de Camille, la tirant en avant chaque fois qu’elle trébuchait. Son sac à dos cognait violemment contre son dos à chaque foulée. Ses poumons le brûlaient.
Camille sanglotait en courant, répétant sans cesse qu’elle avait peur, qu’elle voulait rentrer à la maison. Laurent ne répondait pas, concentré sur une seule chose : mettre le plus de distance possible entre eux et les braconniers. Un coup de feu éclata. La balle siffla quelque part au-dessus de leur tête et s’écrasa dans un tronc d’arbre sur leur gauche, projetant des éclats d’écorce. Camille hurla. Laurent la tira encore plus fort.
Ils plongèrent dans un fossé naturel creusé par l’érosion, roulèrent sur plusieurs mètres et se retrouvèrent au bord d’un petit ruisseau aux eaux glacées. Laurent se releva péniblement, aida Camille à se remettre debout. Elle avait perdu sa casquette dans la chute et saignait du front. Une estafilade superficielle mais qui saignait abondamment. Laurent arracha son écharpe et la pressa contre la blessure. Il lui demanda si elle pouvait continuer. Camille, le visage couvert de terre et de sang, hocha la tête.
Ils traversèrent le ruisseau en pataugeant jusqu’aux genoux dans l’eau glacée, puis remontèrent l’autre berge en s’accrochant aux racines. Arrivé en haut, Laurent se retourna brièvement. À travers les arbres, il aperçut les deux hommes qui descendaient vers le ruisseau à environ cinquante mètres derrière eux. Celui en veste kaki tenait toujours son fusil. L’autre avait sorti son arme de poing. Ils criaient des menaces que Laurent ne comprenait pas entièrement, mais dont le sens était clair : “Arrêtez-vous, ne bougez plus, vous êtes morts.”
Laurent se détourna et repartit en courant, Camille sur ses talons. La poursuite dura encore 20 minutes interminables. Laurent avait complètement perdu ses repères. Il ne savait plus dans quelle direction il courait, s’il s’éloignait ou au contraire s’enfonçait plus profondément dans la forêt. Le soleil était maintenant haut dans le ciel, mais filtré par la canopée dense, il ne permettait pas de s’orienter correctement.
Camille commençait à ralentir dangereusement. Elle respirait par saccades irrégulières. Ses jambes tremblaient. Elle était au bord de l’épuisement complet. Laurent savait qu’ils ne pourraient pas continuer ainsi beaucoup plus longtemps. Il fallait trouver une cachette, un endroit où se terrer en attendant que les braconniers abandonnent leurs recherches.
Ils débouchèrent soudain dans une zone rocheuse chaotique, parsemée de blocs erratiques de plusieurs tonnes, vestiges d’anciens éboulements. Laurent repéra immédiatement une anfractuosité entre deux énormes rochers, une fissure juste assez large pour qu’une personne puisse s’y faufiler. Il poussa Camille à l’intérieur puis s’y glissa à son tour. L’espace était exigu, humide, sentant le moisi et l’animal mort. Mais il offrait une protection contre les regards extérieurs.
Laurent et Camille s’enfoncèrent le plus loin possible dans la fissure, se recroquevillant dans l’obscurité. Leurs souffles résonnaient contre les parois de pierre. Laurent posa à nouveau sa main sur la bouche de Camille, lui intimant le silence absolu. Quelques minutes plus tard, ils entendirent les braconniers arriver dans la zone rocheuse. Leurs voix étaient claires maintenant, à peine à 20 ou 30 mètres.
L’un d’eux, celui à la voix la plus grave, criait qu’ils ne pouvaient pas être allés bien loin, qu’il fallait fouiller systématiquement tous les recoins. L’autre répondait qu’ils perdaient leur temps, que les randonneurs avaient probablement continué vers le bas et qu’ils étaient déjà loin maintenant. Une dispute éclata entre eux. Le premier insistait qu’il les avait vus, qu’il pouvait les identifier, qu’il fallait les retrouver et régler le problème. Le second répliquait que c’était de la folie, qu’ils devaient rentrer, effacer leurs traces et quitter la région avant que quelqu’un ne signale les coups de feu.
Le silence qui suivit fut encore plus terrifiant que les cris. Laurent n’osait plus respirer. À côté de lui, Camille tremblait convulsivement, les yeux fermés, les poings serrés. Puis ils entendirent des pas lourds se rapprocher de leur cachette. Quelqu’un marchait lentement entre les rochers, s’arrêtant régulièrement, inspectant chaque anfractuosité. Le bruit des semelles sur la pierre résonnait comme des coups de marteau.
Laurent sentit la panique monter en lui. S’ils étaient découverts maintenant, coincés dans cette fissure, ils n’auraient aucune possibilité de fuite. Ce serait la fin. Il chercha désespérément quelque chose, n’importe quoi qui pourrait servir d’arme. Ses doigts se refermèrent sur une pierre de la taille d’un poing. Ce n’était rien face à un fusil et un pistolet, mais c’était mieux que rien.
Les pas s’arrêtèrent juste devant l’entrée de leur cachette. Une silhouette sombre obscurcit brièvement la lumière qui filtrait par la fissure. Laurent retint son souffle, la pierre serrée dans sa main droite, prêt à frapper de toutes ses forces si nécessaire. Camille, les yeux maintenant grands ouverts, fixait l’entrée avec une expression de terreur pure. Pendant ce qui sembla être une éternité, mais ne dura probablement que quelques secondes, rien ne se passa. Puis la silhouette s’éloigna. Les pas reprirent, s’éloignant progressivement. Une voix cria au loin demandant s’il avait trouvé quelque chose. La réponse fut négative. Nouveaux échanges de voix.
Puis enfin le bruit décroissant de pas s’éloignant, de branches cassées, de moteurs qui démarrent et qui s’éloignent dans la forêt. Laurent et Camille restèrent immobiles dans leur cachette pendant encore une heure complète, peut-être plus. Laurent avait perdu toute notion du temps. Quand il jugea enfin qu’il était suffisamment sûr de sortir, il se déplia péniblement, chaque muscle de son corps protestant contre l’effort.
Camille était recroquevillée en position fœtale, hagarde, le regard vide. Laurent la secoua doucement plusieurs fois avant qu’elle ne réagisse. Ils sortirent de la fissure avec une prudence extrême, scrutant les environs avant de faire le moindre mouvement. La forêt était silencieuse. Le soleil avait déjà commencé sa descente vers l’horizon. Laurent consulta sa montre : 14h37. Ils avaient fui pendant plus de 4 heures.
Laurent sortit son téléphone portable de sa poche. L’écran était fissuré, probablement cassé pendant leur chute près du ruisseau. Mais l’appareil fonctionnait encore. Pas de réseau, aucune barre de réception. Il essaya d’appeler les urgences, le 112, mais l’appel ne passait pas. Il tenta d’envoyer un SMS à sa femme Élisabeth Morau, restée à Grenoble ce week-end-là. Le message resta bloqué en attente d’envoi. Laurent laissa échapper un juron étouffé.
Camille demanda ce qu’ils allaient faire. Laurent répondit qu’ils devaient retrouver le sentier principal, redescendre vers le parking et rejoindre leur voiture. Une fois là-bas, ils auraient du réseau et pourraient appeler la police. Mais retrouver le sentier s’avéra beaucoup plus difficile que prévu. Dans leur fuite paniquée, ils avaient complètement perdu leurs repères. Laurent sortit sa carte topographique de son sac à dos. Le papier était trempé, partiellement déchiré, presque illisible. Il essaya de s’orienter en observant la position du soleil, les pentes du terrain, la direction d’écoulement de l’eau dans les petits ruisseaux.
Après quinze minutes d’hésitation, il choisit une direction qui lui semblait correcte et se mit en marche, Camille le suivant sans un mot. Ils marchèrent pendant 2 heures, peut-être trois. Le soleil descendait rapidement maintenant, allongeant les ombres entre les arbres. La température chutait. Laurent commençait à sérieusement s’inquiéter. Ils auraient dû avoir retrouvé le sentier depuis longtemps, à moins qu’ils ne se soient encore plus enfoncés dans la montagne, à moins qu’ils ne soient en train de tourner en rond.
Camille traînait des pieds derrière lui, épuisée, blessée, à bout de force. Laurent s’arrêta près d’un gros rocher et lui proposa de faire une pause. Camille s’effondra littéralement au sol. Laurent sortit une bouteille d’eau et la lui tendit. Elle but avec avidité, renversant la moitié sur son menton et sur sa doudoune rouge.
La nuit tombait rapidement. Laurent savait qu’ils ne pourraient pas continuer à marcher dans l’obscurité sans risquer de se blesser gravement ou de se perdre définitivement. Il fallait trouver un endroit où passer la nuit. Il repéra un renfoncement sous un surplomb rocheux qui offrait un semblant d’abri contre le vent et l’humidité. Il y conduisit Camille, sortit la couverture de survie de son sac et l’étendit sur le sol. Ils s’assirent côte à côte, dos contre la paroi rocheuse, enveloppés dans leurs vêtements.
Laurent passa son bras autour des épaules de Camille et la serra contre lui. Elle posa sa tête sur son épaule et ferma les yeux. Cette première nuit fut atroce. La température descendit en dessous de zéro. L’humidité transperçait leurs vêtements pourtant conçus pour la montagne. Camille grelotait sans interruption. Laurent lui donna son propre pull puis sa veste polaire. Il se retrouva en simple t-shirt thermique, tremblant de froid, mais refusant de reprendre ses vêtements malgré les protestations de sa fille.
Ni l’un ni l’autre ne dormit vraiment. Ils somnolaient par intermittence, se réveillant en sursaut au moindre bruit, chaque craquement de branche évoquant le retour possible des braconniers. Laurent pensait à sa femme Élisabeth, qui devait être folle d’inquiétude à l’heure qu’il était. Il pensait au fait qu’il aurait dû laisser un itinéraire précis, un horaire de retour estimé, au lieu de juste mentionner vaguement qu’il partait randonner dans le Vercors.
Aux premières lueurs de l’aube du dimanche 16 octobre, Laurent et Camille se remirent en route. Ils avaient mangé les dernières barres énergétiques et bu la moitié de l’eau restante. Laurent estimait qu’ils avaient encore assez de provisions pour tenir une journée, peut-être deux s’ils se rationnaient sévèrement. Mais surtout, il fallait retrouver le sentier, retrouver la civilisation, appeler les secours.
Il choisit de suivre un petit ruisseau qui coulait vers le bas. Logiquement, tous les cours d’eau descendaient vers les vallées, vers les routes, vers les villages. Ils marchèrent toute la matinée en suivant le ruisseau. Le terrain était extrêmement accidenté, forçant de nombreux détours. Camille glissait régulièrement, se rattrapant de justesse aux branches. Sa blessure au front s’était rouverte à plusieurs reprises. Laurent lui-même était à bout de force, déshydraté, les jambes en coton.
Vers midi, le ruisseau se jeta dans un torrent plus important, dévalant une pente abrupte entre d’énormes rochers. Impossible de continuer sur cette voie. Laurent décida de remonter légèrement pour contourner cette zone dangereuse. Ce fut au cours de cette remontée, alors qu’ils progressaient péniblement entre les arbres, que le deuxième coup de feu retentit. Un claquement sec, proche, qui les glaça instantanément. Puis un second.
Laurent se jeta au sol, entraînant Camille avec lui. Ils restèrent plaqués contre la terre, le cœur battant à tout rompre. Les braconniers les avaient-ils retrouvés ? Était-ce eux ou d’autres chasseurs illégaux opérant dans la zone ? Laurent leva prudemment la tête. À travers les arbres, à 50 mètres environ, il aperçut la camionnette pick-up bordeaux. Elle était garée dans une petite clairière. Les deux hommes de la veille se tenaient près du véhicule.
Laurent reconnut immédiatement la veste militaire kaki du plus grand. Il fit signe à Camille de ne pas bouger et observa la scène. Les hommes chargeaient quelque chose dans le plateau du pick-up, des quartiers de viande, probablement le cerf abattu la veille. Ils travaillaient rapidement, efficacement, jetant régulièrement des regards autour d’eux. Laurent comprit avec horreur qu’ils avaient passé la nuit dans le même secteur que les braconniers, que ces hommes étaient probablement venus récupérer leur prise ce matin.
Il recula très lentement, centimètre par centimètre, faisant signe à Camille de faire de même. Ils rampèrent ainsi sur une dizaine de mètres, puis se relevèrent et repartirent en sens inverse, aussi vite et silencieusement que possible. Le dimanche passa ainsi dans une alternance de marche épuisante et de cachettes précipitées. Chaque fois qu’ils entendaient un bruit suspect, un moteur, des voix, ils se terraient et attendaient que le danger passe.
Ils épuisèrent leur dernière réserve d’eau dans l’après-midi. Laurent remplit les bouteilles au ruisseau, sachant que c’était risqué sans système de purification, mais n’ayant pas d’autre choix. La déshydratation les tuerait plus rapidement qu’une éventuelle infection. Camille but avec avidité, puis vomit une demi-heure plus tard. Son état se dégradait rapidement.
La seconde nuit fut pire encore que la première. Il plut. Une pluie fine, glacée qui les transperça jusqu’aux os. La couverture de survie les protégeait partiellement mais l’eau finissait toujours par s’infiltrer. Laurent et Camille grelotaient violemment, serrés l’un contre l’autre sous un maigre abri rocheux. Camille délirait par moments, appelant sa mère, murmurant des phrases incohérentes. Laurent luttait contre le sommeil, terrifié à l’idée de s’endormir et de ne plus se réveiller, de mourir là d’hypothermie avec sa fille dans ses bras.
Au matin du lundi 17 octobre, Laurent comprit que quelque chose n’allait pas, vraiment pas. Camille ne pouvait presque plus marcher. Elle délirait presque constamment maintenant. Sa blessure au front s’était infectée, la peau autour rouge et boursouflée. Laurent lui-même titubait, la vision floue, incapable de pensée cohérente. Et surtout, il réalisa avec une horreur grandissante qu’ils n’avaient pas retrouvé le sentier, qu’il ne savait plus du tout où ils se trouvaient, qu’ils étaient perdus, vraiment perdus dans l’immensité hostile du massif du Vercors.
Les jours suivants se fondirent dans un cauchemar confus dont Laurent ne garderait que des souvenirs fragmentaires. Marcher, tomber, se relever, boire l’eau sale des ruisseaux, manger des baies dont il n’était pas certain qu’elles soient comestibles, soutenir Camille qui ne marchait plus vraiment, qui se traînait, se terrer au moindre bruit, appeler au secours sans que personne ne réponde. Voir des hélicoptères passer au loin, bien trop loin, et crier, agiter les bras sans que personne ne les voie. La nuit, le froid, la peur, le désespoir grandissant.
Et puis, à un moment qu’il ne pourrait jamais situer avec certitude, le moment où tout bascula définitivement.
Le mardi 18 octobre 2016 à 9h du matin, Élisabeth Morau poussa la porte du commissariat de police de Grenoble pour la quatrième fois en trois jours. Son visage était ravagé par l’insomnie et l’angoisse. Ses cheveux gris, habituellement soigneusement coiffés, pendaient en mèches désordonnées. Elle portait le même pull beige qu’elle n’avait pas quitté depuis samedi soir, quand elle avait compris que quelque chose n’allait pas, que Laurent et Camille auraient dû être rentrés depuis des heures.
L’agent d’accueil, une jeune femme en uniforme qui commençait à connaître Élisabeth par cœur, l’accueillit avec un sourire compatissant et lui proposa de s’asseoir. Élisabeth refusa. Elle voulait savoir où en était l’enquête, ce que faisaient les équipes de recherche, pourquoi personne ne retrouvait son mari et sa fille.
Le capitaine de gendarmerie Thomas Renault, 47 ans, 23 ans de service dans les unités de montagne, descendit la rejoindre dans le hall. Il avait les traits tirés lui aussi. Depuis dimanche soir, quand Élisabeth avait officiellement signalé la disparition, après avoir trouvé la Peugeot de Laurent toujours garée sur le parking du col de Rousset, les équipes du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) avaient déployé des moyens considérables.
47 gendarmes spécialisés, trois équipes cynophiles avec des chiens de recherche, un hélicoptère EC145 de la gendarmerie nationale équipé d’une caméra thermique et 83 bénévoles des associations locales de randonneurs avaient ratissé systématiquement tous les sentiers balisés dans un rayon de 15 km autour du point de départ. Résultat : rien. Pas la moindre trace, aucun signe de Laurent et Camille Morau.
Le capitaine Renault expliqua à Élisabeth que les recherches allaient s’intensifier, qu’ils allaient élargir le périmètre, qu’ils ne lâcheraient rien. Mais Élisabeth voyait dans ses yeux ce qu’il ne disait pas. Après trois jours et deux nuits en montagne, par ce temps, les chances de retrouver son mari et sa fille vivants diminuaient drastiquement à chaque heure qui passait. Les températures nocturnes étaient descendues jusqu’à -3 degrés. Il avait plu. Si Laurent et Camille étaient blessés, désorientés, incapables de trouver un abri approprié, l’hypothermie les aurait probablement déjà tués.
Élisabeth refusa d’accepter cette réalité. Elle sortit du commissariat et se rendit directement au col de Rousset par ses propres moyens, déterminée à participer elle-même aux recherches. Sur le parking, elle croisa des dizaines de bénévoles qui arrivaient pour une nouvelle journée de battue. Des gens qu’elle ne connaissait pas, des habitants de villages voisins, des randonneurs expérimentés, des membres de clubs de montagne, tous venus spontanément pour aider à retrouver les disparus.
Cette solidarité lui serra le cœur. Un homme d’une soixantaine d’années, visage buriné par le soleil et le vent, cheveux blancs courts, s’approcha d’elle. Il se présenta comme Robert Fontaine, président de l’association des “Amis du Vercors”, une organisation regroupant des passionnés de montagne qui connaissaient le massif comme leur poche. Il assura Élisabeth que son équipe allait explorer les zones les plus reculées, celles que les gendarmes n’avaient pas encore couvertes. Élisabeth le remercia d’une voix brisée.
Les jours s’écoulèrent dans une routine cauchemardesque. Chaque matin, Élisabeth se levait avant l’aube, conduisait jusqu’au col de Rousset et marchait avec les équipes de recherche jusqu’au coucher du soleil. Elle appelait le nom de son mari et de sa fille jusqu’à en avoir la gorge à vif. Elle scrutait chaque recoin, chaque buisson, chaque amas rocheux. Le soir, elle rentrait à Grenoble, s’effondrait sur le canapé du salon et fixait son téléphone portable, espérant contre toute logique qu’il sonnerait, que ce serait Laurent, qu’il lui dirait que tout allait bien, qu’ils s’étaient juste perdus, mais qu’ils étaient sains et saufs maintenant. Le téléphone ne sonnait jamais.
Le vendredi 21 octobre, les gendarmes retrouvèrent le premier indice : une casquette bordeaux coincée dans les branches d’un buisson à environ 3 km du sentier balisé, dans une zone de forêt dense que les équipes n’avaient pas encore ratissée. Élisabeth identifia immédiatement la casquette. C’était celle de Camille, avec le logo de la faculté de médecine. Les techniciens en identification criminelle de Grenoble prélevèrent des échantillons, confirmèrent que les cheveux accrochés au tissu appartenaient bien à Camille Morau.
Cet élément relança les recherches avec une intensité nouvelle. Les équipes se concentrèrent sur cette zone, établissant un périmètre de recherche prioritaire d’environ cinq kilomètres carrés autour du point de découverte. Mais les jours suivants n’apportèrent rien de plus. Pas de nouveaux indices, pas de trace de passage.
Le lundi 24 octobre, une semaine après la disparition, le capitaine Renault convoqua une conférence de presse. Devant une trentaine de journalistes locaux et nationaux, il présenta les photos de Laurent et Camille Morau, décrivit leurs vêtements, leur équipement et lança un appel à témoins. Les images furent diffusées aux journaux télévisés de 20h, partagées sur les réseaux sociaux, placardées dans tous les commerces et mairies du département de la Drôme et de l’Isère. Des milliers de personnes virent ces visages. Quelques dizaines appelèrent pour signaler avoir vu quelque chose, n’importe quoi, mais aucun témoignage ne s’avéra pertinent.
Le temps continuait à se dégrader. Le mercredi 26 octobre, la première neige tomba sur les hauteurs du Vercors. Pas une grosse chute, juste quelques centimètres, mais suffisamment pour compliquer encore les recherches et rendre certaines zones inaccessibles. Le capitaine Renault prit la décision difficile de réduire les effectifs sur le terrain. Les recherches se poursuivraient, mais de manière moins intensive, en se concentrant sur les secteurs les plus probables.
Élisabeth hurla, pleura, supplia qu’on ne baisse pas les bras. Renault lui expliqua avec toute la douceur dont il était capable que ses équipes avaient déjà parcouru plus de 500 kilomètres à pied, que les chiens avaient couvert toutes les zones accessibles, que l’hélicoptère avait survolé l’ensemble du massif à plusieurs reprises. Si Laurent et Camille étaient encore dans cette montagne, ils étaient soit dans un endroit extrêmement difficile d’accès, soit ils n’étaient plus en état d’être retrouvés vivants.
Le dimanche 30 octobre marqua deux semaines depuis la disparition. Élisabeth organisa une marche silencieuse dans les rues de Grenoble pour maintenir l’attention médiatique sur l’affaire. Près de 400 personnes y participèrent, portant des bougies et des photos de Laurent et Camille. Les journaux locaux publièrent de nouveaux articles. Les chaînes de télévision régionales diffusèrent des reportages. Mais au fond d’elle-même, Élisabeth commençait à perdre espoir. La nuit, elle faisait des cauchemars où elle voyait sa fille étendue quelque part dans la forêt, morte de froid, seule. Elle se réveillait en hurlant, en pleurs, et ne parvenait plus à se rendormir.
Le samedi 5 novembre 2016, trois semaines jour pour jour après la disparition, Robert Fontaine, le président de l’association des amis du Vercors, organisa une battue privée avec 12 membres de son groupe. Contrairement aux gendarmes qui devaient suivre des protocoles stricts et se limiter aux zones considérées comme raisonnablement accessibles, ces bénévoles aguerris décidèrent d’explorer des secteurs plus reculés, plus dangereux, des zones où peu de randonneurs s’aventuraient.
Ils partirent à six heures du matin équipés de matériel d’alpinisme, de cordes, de provisions pour toute la journée. Robert avait divisé son équipe en quatre groupes de trois personnes, chacun avec un secteur assigné et un point de rendez-vous fixé à 18h. Le groupe composé de Robert Fontaine, de Claire Mercier, une infirmière de 43 ans passionnée de randonnée, et de Marc Dumas, un retraité de 68 ans ancien guide de haute montagne, se dirigea vers une zone particulièrement difficile d’accès : un vallon encaissé traversé par un torrent glacé situé à environ 6,5 km du parking du col de Rousset.
Pour atteindre ce secteur, il fallait descendre une pente extrêmement raide, progresser le long d’une crête étroite, puis descendre à nouveau à travers une forêt dense de sapins et de rochers éboulés. C’était un terrain hostile, rarement fréquenté, considéré comme trop dangereux par la plupart des randonneurs occasionnels. Ils progressèrent lentement, méthodiquement, inspectant chaque zone, appelant régulièrement les noms de Laurent et Camille.
Vers 13h45, alors qu’ils longeaient le torrent, Marc Dumas aperçut quelque chose d’anormal sur la berge opposée. Une tache de couleur rouge, vive, qui tranchait avec les tons bruns et gris de la forêt d’automne. Il pointa du doigt et cria aux deux autres. Ils traversèrent le torrent avec difficulté, l’eau glacée leur montant jusqu’aux cuisses, se frayèrent un chemin à travers les ronces et les branches basses et débouchèrent dans une petite crique naturelle formée par un coude du ruisseau.
Ce qu’ils découvrirent les figea sur place. Une jeune femme était recroquevillée contre un rocher, à demi immergée dans l’eau glacée du ruisseau. Elle portait une doudoune rouge crasseuse, déchirée en plusieurs endroits. Ses cheveux châtains pendaient en mèches sales et emmêlées. Son visage était d’une pâleur cadavérique, couvert de boue séchée et de sang. Ses lèvres étaient bleues. Elle ne bougeait pas.
Claire Mercier, l’infirmière, se précipita vers elle, son cœur battant à tout rompre, certaine qu’ils venaient de trouver un corps. Elle s’agenouilla dans l’eau froide, posa ses doigts sur le cou de la jeune femme pour chercher un pouls. Pendant plusieurs secondes interminables, elle ne sentit rien. Puis, faible, presque imperceptible, une pulsation. La jeune femme était vivante.
Claire cria aux deux hommes d’appeler immédiatement les secours. Marc sortit son téléphone portable, mais comme prévu, aucun réseau ne passait dans cette zone encaissée. Robert décida de remonter en courant jusqu’à un point plus élevé pour tenter de capter un signal. Claire, pendant ce temps, sortit la jeune femme de l’eau, l’allongea sur la berge et commença les premiers gestes de secours. Elle vérifia les voies respiratoires, constata que la respiration était faible mais régulière. Elle retira sa propre veste polaire et en couvrit la jeune femme, puis sortit une couverture de survie de son sac et l’enveloppa dedans. Marc aida à frictionner doucement les membres de la rescapée pour tenter de la réchauffer.
Camille, car il s’agissait bien d’elle, ne réagissait pas, ne bougeait pas, les yeux fermés dans un état de semi-conscience proche du coma. Ce fut à ce moment que Claire remarqua ce que Camille serrait contre elle avec une force extraordinaire, même dans son état d’épuisement extrême : une veste d’homme noire en tissu épais qu’elle étreignait de ses deux bras comme on étreint un être cher. Claire essaya doucement de dégager la veste pour mieux examiner Camille, mais même inconsciente, la jeune femme resserra son étreinte, refusant de lâcher le vêtement. Claire abandonna, comprenant instinctivement que cette veste avait une importance capitale pour la rescapée.
Robert redescendit 20 minutes plus tard, le souffle court, annonçant qu’il avait réussi à joindre le PGHM et que l’hélicoptère de secours était en route. Le capitaine Renault avait été immédiatement prévenu. Les secours arrivèrent à 14h37, l’hélicoptère Dragon 38 se posant sur une zone dégagée à 200 mètres de là. Deux médecins urgentistes et trois secouristes en montagne descendirent en courant avec un brancard et du matériel médical.
Le docteur Alain Petit, 52 ans, médecin urgentiste spécialisé en médecine de montagne, examina rapidement Camille. Son diagnostic fut immédiat et glaçant : hypothermie sévère, déshydratation extrême, multiples plaies infectées, malnutrition avancée. Elle était en état de choc. Ses constantes vitales étaient dangereusement basses. Il fallait l’évacuer immédiatement vers l’hôpital universitaire de Grenoble.
Les secouristes installèrent Camille sur le brancard avec des précautions infinies. Claire expliqua au médecin l’histoire de la veste noire que la jeune femme refusait de lâcher. Le docteur Petit hocha la tête et ordonna qu’on laisse la veste avec elle. Ils remontèrent Camille jusqu’à l’hélicoptère, la sanglèrent à l’intérieur et décollèrent à 14h53. Le vol jusqu’à Grenoble dura dix minutes. Pendant tout le trajet, le docteur Petit et son assistante travaillèrent sans relâche pour stabiliser Camille, posant une perfusion, administrant des fluides chauds, surveillant ses constantes. Camille ne reprit pas conscience durant le vol. Elle serrait toujours la veste noire contre elle.
À l’hôpital, Élisabeth Morau attendait dans le hall des urgences, alertée par un appel du capitaine Renault quelques minutes après la découverte. Quand elle vit le brancard sortir de l’hélicoptère, quand elle reconnut sa fille malgré l’état épouvantable dans lequel elle se trouvait, Élisabeth poussa un cri déchirant et s’effondra à genoux sur le sol. Des infirmières durent la soutenir. Elle voulait courir vers Camille, la toucher, la serrer dans ses bras, mais les médecins l’en empêchèrent. Camille fut immédiatement transférée en salle de réanimation.
Élisabeth dut attendre dans un couloir blanc et froid, assise sur une chaise en plastique, les mains tremblantes, priant un dieu auquel elle ne croyait plus depuis longtemps. Le docteur Sophie Blanc, 46 ans, chef du service de réanimation, prit en charge Camille. L’examen médical complet révéla l’ampleur des dégâts. Camille avait perdu 9 kg en 3 semaines. Sa température corporelle était descendue à 33 degrés. Elle présentait des signes de déshydratation sévère avec une insuffisance rénale aiguë. Plusieurs de ses plaies, en particulier celle au front, étaient gravement infectées. Ses pieds montraient des signes de gelures débutantes.
Mais le plus inquiétant était son état neurologique. Camille ne répondait à aucun stimulus, restait prostrée, le regard vide quand elle ouvrait brièvement les yeux. Le docteur Blanc diagnostiqua un état de choc post-traumatique sévère. Camille était physiquement présente, mais mentalement, elle était encore perdue quelque part dans la montagne.
Ce ne fut que vers 22 heures ce soir-là qu’Élisabeth fut finalement autorisée à entrer dans la chambre de sa fille. Camille était allongée dans un lit médicalisé, entourée de machines qui bipaient doucement, perfusée à plusieurs endroits, le visage si pâle qu’on aurait dit un fantôme. Elle dormait, ou peut-être était-elle inconsciente. Élisabeth ne savait pas vraiment.
Et là, posée soigneusement sur une chaise à côté du lit, se trouvait la veste noire. Les infirmières avaient réussi à la retirer des bras de Camille seulement après l’avoir endormie médicalement. Élisabeth s’approcha de la veste, la toucha. Elle reconnut instantanément le tissu, la marque, la coupe. C’était la veste de Laurent, celle qu’il portait samedi matin en quittant la maison.
Élisabeth prit la veste entre ses mains tremblantes, la retourna pour l’examiner et c’est là qu’elle les vit. Deux trous, deux petits trous ronds, propres, au niveau du dos de la veste, à hauteur du torse. Autour de chaque trou, le tissu était taché d’une substance brunâtre séchée. Du sang. Élisabeth lâcha la veste comme si elle venait de toucher un fer brûlant et recula en titubant. Une infirmière qui passait dans le couloir l’entendit crier et se précipita dans la chambre. Élisabeth, les yeux écarquillés d’horreur, ne parvenait qu’à pointer du doigt la veste en répétant inlassablement le prénom de son mari.
Le capitaine Renault fut appelé en urgence à l’hôpital. Il arriva à 23h12 accompagné de deux techniciens de la police scientifique. Ils placèrent la veste dans un sac à indices transparent, photographièrent les trous, prélevèrent des échantillons du sang séché. L’analyse préliminaire effectuée sur place avec un kit de détection rapide confirma qu’il s’agissait bien de sang humain. Les trous avaient toutes les caractéristiques d’impacts de balles.
Le capitaine Renault regarda Élisabeth droit dans les yeux et prononça les mots qu’elle redoutait depuis 3 semaines. Ce n’était plus une simple disparition en montagne. C’était désormais une enquête criminelle. Les heures qui suivirent furent un tourbillon d’activité. Le procureur de la République de Grenoble fut informé immédiatement. Une cellule de crise fut montée. Le PGHM reçut l’ordre de retourner dès l’aube sur le lieu de découverte de Camille et de ratisser méticuleusement toute la zone pour trouver des indices, des traces, n’importe quoi qui pourrait expliquer ce qui s’était passé.
Des avis de recherche furent émis pour Laurent Morau, maintenant officiellement considéré comme victime potentielle d’un crime. Les médias, alertés, commencèrent à parler non plus de randonneurs disparus, mais de possible meurtre dans les Alpes. Dans sa chambre d’hôpital, Camille dormait toujours, inconsciente des bouleversements que sa découverte venait de déclencher. Les médecins avaient expliqué à Élisabeth que sa fille mettrait probablement plusieurs jours, peut-être plusieurs semaines, avant de pouvoir parler de ce qui s’était passé. Son état de choc était tel qu’elle avait probablement refoulé les événements traumatiques au plus profond de sa conscience. Il faudrait du temps, de la patience et l’aide de spécialistes en traumatologie psychologique pour l’aider à émerger de ce silence.
Élisabeth passa la nuit à côté du lit de sa fille, tenant sa main froide, pleurant en silence. Une partie d’elle était soulagée, infiniment soulagée d’avoir retrouvé Camille vivante. Mais une autre partie, de plus en plus grande, se consumait d’angoisse pour Laurent. S’il y avait du sang sur sa veste, s’il y avait des trous de balles, alors où était-il ? Était-il blessé quelque part, agonisant dans la montagne, ou était-il déjà mort depuis trois semaines pendant qu’elle le cherchait désespérément ?
Au petit matin du dimanche 6 novembre, alors que les premières lueurs de l’aube filtraient à travers les rideaux de la chambre d’hôpital, Camille ouvrit les yeux. Son regard était vague, perdu. Élisabeth se pencha vers elle, lui caressa doucement les cheveux et murmura son prénom. Camille tourna lentement la tête vers sa mère. Pendant plusieurs secondes, elle ne sembla pas la reconnaître. Puis, très lentement, une lueur de conscience apparut dans ses yeux. Ses lèvres bougèrent, essayant de former des mots. Aucun son n’en sortit. Elle essaya encore. Enfin, dans un souffle à peine audible, elle prononça un seul mot : “Papa”.
Le lundi 7 novembre 2016 à 6h du matin, une équipe de 23 gendarmes spécialisés accompagnés de quatre techniciens en identification criminelle se déploya sur la zone où Camille Morau avait été retrouvée. Le capitaine Thomas Renault dirigeait l’opération avec une détermination renouvelée. La découverte des trous de balles sur la veste de Laurent changeait tout. Ce n’était plus une recherche de randonneurs égarés. C’était une scène de crime potentielle qu’il fallait exploiter méthodiquement.
Les gendarmes établirent un périmètre de sécurité d’un kilomètre carré autour du ruisseau, divisèrent la zone en sections numérotées et commencèrent une fouille systématique centimètre par centimètre. Les premières découvertes vinrent rapidement. À vingt mètres en amont du point où Camille avait été trouvée, les enquêteurs repérèrent des traces de lutte dans la terre meuble d’une petite clairière. Le sol avait été visiblement perturbé. Des branches cassées jonchaient le sol. Et surtout, les techniciens découvrirent des taches brunâtres sur plusieurs rochers et sur l’écorce d’un grand sapin. Les analyses préliminaires avec le réactif de Kastle-Meyer confirmèrent la présence de sang. Des échantillons furent prélevés et expédiés en urgence au laboratoire de police scientifique de Lyon pour analyse ADN complète.
À 11h37, un gendarme découvrit la première douille de cartouche. Elle était à moitié enfouie dans les feuilles mortes à environ 15 mètres de la zone de lutte. Une douille de calibre .223 Remington, un calibre couramment utilisé pour la chasse au grand gibier. Les techniciens la photographièrent in situ, relevèrent sa position GPS exacte, puis la placèrent dans un sachet à indices.
Moins d’une heure plus tard, une seconde douille fut découverte, puis une troisième. Mais celle-ci était différente. Il s’agissait d’une douille de 9 mm, typique d’une arme de poing. Le capitaine Renault comprit immédiatement l’implication : deux armes différentes avaient été utilisées, ce qui signifiait au minimum deux tireurs.
Les recherches se poursuivirent tout l’après-midi. Les gendarmes découvrirent des traces de pneus dans une zone de sous-bois, là où normalement aucun véhicule n’aurait dû pouvoir accéder. Les marques étaient partiellement effacées par la pluie et le temps, mais suffisamment visibles pour qu’on puisse les photographier et les mouler avec du plâtre dentaire. Un expert en traces de pneus serait consulté pour identifier le type de véhicule. À proximité de ces traces, les enquêteurs trouvèrent également des mégots de cigarettes, une canette de bière vide de marque Kronenbourg et, curieusement, plusieurs touffes de poils animaux accrochées à des branches basses. Les poils furent prélevés et envoyés pour analyse. Le capitaine Renault avait déjà une hypothèse : des braconniers.
Le mardi 8 novembre, pendant que les équipes continuaient à ratisser la montagne, le capitaine Renault se concentra sur une autre piste. Il fit imprimer et distribuer des avis de recherche concernant non plus des personnes, mais un véhicule : une camionnette pick-up de couleur bordeaux ou grenat, potentiellement couverte de boue, ayant circulé dans le secteur du massif du Vercors entre le 15 et le 18 octobre. L’avis fut envoyé à tous les garagistes, stations-service et commerces de la région. Il fut également diffusé sur les réseaux sociaux et dans les médias locaux.
À l’hôpital universitaire de Grenoble, Camille montrait des signes d’amélioration physique. Son état général s’était stabilisé. Les infections commençaient à régresser sous antibiotiques. Ses constantes vitales revenaient progressivement à la normale. Mais psychologiquement, elle restait murée dans un silence presque total. Elle ne parlait pas, ne pleurait pas, ne montrait aucune émotion. Elle restait allongée dans son lit, le regard fixé au plafond, ne réagissant que faiblement quand on s’adressait à elle.
Le docteur Marion Leblanc, psychiatre spécialisée en traumatologie, expliqua à Élisabeth que sa fille avait construit des mécanismes de défense psychologique extrêmement puissants pour se protéger de souvenirs insupportables. Forcer ses défenses pourrait être dangereux. Il fallait laisser Camille revenir à son rythme.
Le capitaine Renault obtint l’autorisation du procureur et des médecins pour tenter un premier interrogatoire très doux, non pas dans une salle d’enquête, mais directement dans la chambre d’hôpital de Camille, en présence du docteur Leblanc et d’Élisabeth. Ce fut le mercredi 9 novembre en début d’après-midi. Renault s’assit sur une chaise près du lit, parla à Camille d’une voix calme et apaisante. Il lui expliqua qu’il cherchait son père, qu’il voulait l’aider, qu’il avait besoin qu’elle lui raconte ce qui s’était passé dans la montagne. Camille ne répondit pas. Elle ne le regarda même pas. Renault insista doucement, posant des questions simples auxquelles on pouvait répondre par oui ou non. Avait-elle vu des hommes ? Avait-elle entendu des coups de feu ? Savait-elle où était son père ?
Camille resta immobile, silencieuse. Ses doigts serraient machinalement le drap du lit, reproduisant le geste qu’elle avait eu pendant 3 semaines en serrant la veste noire de son père. Le docteur Leblanc mit fin à l’interrogatoire au bout de 15 minutes. C’était trop tôt. Camille n’était pas prête. Renault acquiesça et quitta la chambre, frustré mais compréhensif. Il savait que sans le témoignage de Camille, l’enquête serait considérablement plus difficile. Mais il avait d’autres pistes à explorer.
Les analyses ADN des échantillons de sang prélevés sur la scène revinrent du laboratoire de Lyon le jeudi matin. Résultat : le sang appartenait à Laurent Morau avec une probabilité supérieure à 99 %. Laurent avait été blessé, probablement grièvement, à cet endroit précis dans la forêt. La question maintenant était : “Où était son corps ?” Les recherches terrestres reprirent avec une intensité redoublée, mais cette fois concentrées non plus sur une recherche de survivants, mais sur une recherche de cadavre. Les chiens spécialement entraînés pour détecter les corps humains furent déployés. Pendant deux jours, les équipes fouillèrent systématiquement chaque mètre carré dans un rayon de 2 kilomètres autour de la scène de crime présumée. Ils retournèrent des pierres, sondèrent des crevasses, explorèrent des grottes. Rien. Laurent Morau semblait avoir disparu sans laisser de trace.
Ce fut un appel téléphonique qui fit basculer l’enquête. Le lundi 14 novembre, en début d’après-midi, un garagiste de la petite commune de Saint-Jean-en-Royans, à 23 km au nord-ouest du col de Rousset, contacta la gendarmerie. Il avait vu l’avis de recherche concernant le pick-up bordeaux et pensait avoir des informations. Il expliqua qu’un de ses clients, un certain Éric Blanchard, possédait un vieux Nissan Navara 4×4 de couleur grenat année 2003 qu’il utilisait régulièrement pour des activités en montagne.
Ce client était venu au garage le mardi 18 octobre, soit 3 jours après la disparition des Morau, pour faire remplacer un pare-brise fissuré et nettoyer le véhicule. Le garagiste se souvenait que la camionnette était particulièrement sale, couverte de boue séchée avec des traces de végétation accrochées au pare-chocs. Il n’y avait pas pensé sur le moment, mais avec le recul, certains détails lui revenaient en mémoire et lui semblaient suspects.
Le capitaine Renault et trois gendarmes se présentèrent au domicile d’Éric Blanchard moins de 2 heures plus tard. Blanchard, 42 ans, employé dans une scierie locale, vivait dans une maison isolée en bordure de forêt avec son frère cadet Julien Blanchard, 39 ans, mécanicien au chômage. Quand les gendarmes arrivèrent, le Nissan Navara grenat était garé dans la cour, fraîchement lavé.
Éric Blanchard ouvrit la porte, surpris mais coopératif. Il expliqua qu’il aimait effectivement partir en montagne le week-end, qu’il pratiquait la randonnée et la photographie animalière. Le capitaine Renault lui demanda s’il était dans le Vercors le week-end du 15 octobre. Blanchard hésita une fraction de seconde puis confirma qu’il y était avec son frère pour observer les cerfs en période de brame. Renault demanda à voir des permis de chasse. Éric Blanchard expliqua qu’il n’était pas chasseur, juste photographe amateur. Le capitaine demanda alors à inspecter le véhicule. Blanchard accepta trop facilement au goût de Renault.
L’inspection du pick-up ne révéla rien de probant. Le véhicule était propre, trop propre même. Pas le moindre indice visible. Mais Renault remarqua quelque chose d’intéressant : les pneus. C’étaient des Michelin Latitude Cross de dimensions spécifiques avec un motif de sculpture très particulier, exactement le type de pneus dont les traces avaient été relevées sur la scène de crime.
Renault demanda à Éric et Julien Blanchard de les suivre à la gendarmerie pour un interrogatoire formel. Les deux frères acceptèrent sans protester, affirmant n’avoir rien à cacher. Au poste, ils furent placés dans des salles d’interrogatoire séparées. Le capitaine Renault s’occupa personnellement d’Éric tandis que son adjoint, le lieutenant Marc Dubois, interrogeait Julien.
Les versions des deux frères concordaient parfaitement, presque trop parfaitement. Ils étaient partis samedi matin tôt dans le Vercors, avaient passé la journée à photographier la faune, étaient rentrés en fin d’après-midi. Ils n’avaient vu personne, n’avaient rien entendu d’inhabituel, n’avaient certainement pas tiré de coups de feu puisqu’ils ne possédaient pas d’armes.
Renault leur demanda s’ils accepteraient une perquisition de leur domicile. Les deux frères échangèrent un regard. Éric répondit qu’il n’avait rien à cacher, mais qu’il préférait consulter un avocat avant d’autoriser quoi que ce soit. C’était leur droit. Renault le savait. Il décida de les placer en garde à vue pour vérification d’identité et demanda immédiatement au procureur une commission rogatoire pour obtenir un mandat de perquisition. Le procureur, conscient de la gravité de l’affaire et de l’attention médiatique qu’elle suscitait, accorda le mandat dans l’heure.
Le mardi 15 novembre à 7h du matin, une équipe de 12 gendarmes et quatre techniciens de la police scientifique investit la propriété des frères Blanchard. La maison et ses dépendances furent fouillées méthodiquement. Dans un hangar situé à l’arrière de la propriété, les enquêteurs découvrirent un arsenal impressionnant : trois fusils de chasse dont un Remington 700 équipé d’une lunette de visée calibre .223 Remington, un pistolet Beretta 92 FS de calibre 9 mm, plusieurs centaines de cartouches de différents calibres, des couteaux de chasse, des pièges à animaux et surtout, dans un congélateur, plus de 50 kg de viande de gibier emballée sous vide : sanglier, chevreuil et cerf.
Les armes furent immédiatement saisies et envoyées au laboratoire de balistique. Les experts confirmeraient plus tard que le Remington 700 avait bien tiré les douilles .223 retrouvées sur la scène de crime et que le Beretta 92 FS correspondait à la douille de 9 mm.
La perquisition se poursuivit. Dans la chambre de Julien Blanchard, les gendarmes trouvèrent des vêtements tachés de sang dans un sac plastique dissimulé au fond d’une armoire. Les taches étaient anciennes, partiellement lavées mais encore visibles. Des échantillons furent prélevés pour analyse. Dans le garage, sous un établi, un gendarme découvrit une veste militaire kaki et une casquette camouflage. Sur la veste, des poils d’animaux étaient accrochés aux fibres du tissu.
Mais la découverte la plus accablante vint de l’arrière de la propriété. Le terrain des Blanchard s’étendait sur près d’un hectare, en grande partie boisé. Un gendarme qui inspectait la lisière de la forêt remarqua une zone où la terre semblait avoir été récemment retournée, puis recouverte de feuilles et de branches dans une tentative évidente de camouflage. Il alerta immédiatement le capitaine Renault. Une équipe commença à dégager soigneusement la zone. À cinquante centimètres de profondeur, sous une bâche en plastique noir, ils découvrirent le corps de Laurent Morau.
Laurent avait été enterré à la hâte, recroquevillé sur le côté, encore vêtu de son pantalon de randonnée et de son t-shirt thermique. Sa veste noire manquait, celle que Camille avait gardée avec elle pendant trois semaines. Le corps présentait des signes de décomposition avancée, mais le médecin légiste appelé sur place put constater immédiatement la présence de deux impacts de balles : un dans le dos au niveau du poumon droit et un second dans la région lombaire. Le corps fut extrait avec des précautions infinies, photographié sous tous les angles puis transporté à l’institut médico-légal de Grenoble pour autopsie complète.
Confrontés à ces découvertes, Éric et Julien Blanchard s’effondrèrent. Après des heures d’interrogatoire, Éric finit par craquer et avouer. Lui et son frère pratiquaient le braconnage depuis des années. Ce samedi 15 octobre, ils étaient effectivement dans le Vercors, mais pas pour photographier des cerfs : pour les chasser illégalement. Ils avaient abattu un grand mâle vers 10 heures du matin près d’une clairière et étaient en train de le dépecer quand Laurent et Camille Morau étaient tombés sur eux par hasard.
Les randonneurs les avaient vus, avaient vu le cerf mort, avaient compris qu’ils assistaient à du braconnage en pleine réserve naturelle. Éric admit qu’ils avaient paniqué. Laurent avait sorti son téléphone, probablement pour prendre des photos ou appeler les autorités. Julien avait crié, leur avait ordonné de partir, de ne rien dire. Mais Laurent avait refusé, avait dit qu’il allait signaler ce qu’il avait vu à la gendarmerie. Une dispute violente avait éclaté. Julien avait sorti son pistolet pour les intimider. Camille s’était mise à hurler. Laurent s’était interposé entre sa fille et l’arme.
Selon Éric, Julien avait tiré une première fois en l’air, juste pour faire peur, mais Laurent et Camille avaient pris la fuite en courant. Les deux frères s’étaient lancés à leur poursuite, terrifiés à l’idée d’être dénoncés, de perdre leur travail, d’aller en prison. La chasse avait duré une vingtaine de minutes. Laurent et Camille couraient à travers la forêt. Éric et Julien les suivaient dans leur pick-up là où le terrain le permettait, puis à pied dans les zones plus escarpées.
Finalement, ils les avaient acculés près d’un ruisseau. Laurent, épuisé, s’était retourné pour faire face. Il avait supplié les braconniers de laisser partir sa fille, de le prendre lui, mais d’épargner Camille. Julien, le visage déformé par la peur et la rage, avait levé son arme. Éric avait crié de ne pas tirer, mais il était trop tard. Le premier coup était parti, atteignant Laurent dans le dos alors qu’il tentait de protéger Camille. Laurent s’était effondré. Camille avait hurlé, s’était jetée sur son père.
C’est à ce moment qu’Éric, dans un accès de panique totale, avait tiré à son tour avec son fusil. La seconde balle avait touché Laurent dans le bas du dos. Camille avait réussi à s’échapper dans la confusion qui avait suivi. Elle avait couru, titubé, s’était cachée. Les deux frères, réalisant l’horreur de ce qu’ils venaient de faire, avaient chargé le corps de Laurent dans leur pick-up et l’avaient ramené chez eux pour l’enterrer dans leur propriété. Ils avaient passé le reste du week-end à effacer leurs traces, à nettoyer le véhicule, à se débarrasser des preuves. Ils pensaient que Camille était morte quelque part dans la montagne, qu’elle ne survivrait jamais trois semaines seule en pleine nature. Quand les médias avaient annoncé qu’elle avait été retrouvée vivante, ils avaient compris que ce n’était qu’une question de temps avant d’être arrêtés.
L’autopsie de Laurent Morau confirma les aveux. Les deux projectiles avaient causé des hémorragies internes massives. Laurent était mort en quelques minutes, probablement sous les yeux de sa fille. Le rapport du médecin légiste précisa que la mort avait eu lieu entre 10h30 et 11h30 le samedi 15 octobre 2016, soit moins de 4 heures après que Laurent et Camille avaient quitté leur voiture.
Éric et Julien Blanchard furent inculpés de meurtre avec préméditation, braconnage aggravé, dissimulation de cadavre et séquestration. Le procureur requit leur détention provisoire immédiate. Les deux frères furent transférés au centre pénitentiaire de Grenoble-Varces en attendant leur procès.
Le jeudi 17 novembre, le capitaine Renault se présenta à l’hôpital pour informer Camille de l’arrestation des meurtriers de son père et de la découverte de son corps. Le docteur Leblanc et Élisabeth étaient présentes. Renault s’assit près du lit de Camille et lui expliqua doucement ce qui s’était passé, comment l’enquête avait abouti, comment les deux hommes avaient avoué. Camille écouta sans un mot, sans une larme, son visage restant complètement inexpressif.
Quand Renault eut terminé, un long silence s’installa dans la chambre. Puis, très lentement, Camille tourna la tête vers sa mère. Ses lèvres tremblèrent. Pour la première fois depuis sa découverte, une émotion traversa son visage. Ce n’était pas du soulagement, ce n’était pas de la colère, c’était quelque chose de plus profond, de plus complexe. Le docteur Leblanc nota dans son rapport que Camille serra alors le drap de son lit exactement comme elle avait serré la veste de son père pendant trois semaines dans la montagne, avec cette même force désespérée, comme si c’était la seule chose qui la maintenait encore attachée au monde des vivants.
Camille ne parla pas ce jour-là. Ni le lendemain, ni la semaine suivante. Les médecins expliquèrent qu’elle suivrait un long chemin de reconstruction psychologique, qu’elle porterait probablement les séquelles de ce traumatisme toute sa vie, qu’elle avait survécu physiquement mais qu’une partie d’elle était restée dans cette montagne avec son père. Élisabeth resta à son chevet jour et nuit, lui tenant la main, lui parlant doucement, lui rappelant qu’elle n’était plus seule, qu’elle était en sécurité maintenant.
Ce ne fut que le lundi 21 novembre, plus de deux semaines après sa découverte, que Camille prononça ses premières phrases complètes. Le docteur Leblanc était présente pour une session de thérapie. Elle avait posé une question simple à Camille : “Que s’était-il passé après que les hommes avaient tiré sur son père ?”
Camille fixa le plafond pendant une longue minute. Puis, d’une voix monocorde, détachée, comme si elle parlait de quelqu’un d’autre, elle raconta. Elle avait vu son père tomber. Elle avait essayé de le relever et de le tirer, mais il était trop lourd et il y avait tellement de sang. Les hommes criaient, s’approchaient. Son père, dans un dernier effort, avait retiré sa veste noire et l’avait poussée vers Camille en murmurant un seul mot : “Cours”.
Camille avait attrapé la veste et s’était enfuie. Elle avait couru sans savoir où elle allait, jusqu’à ce que ses jambes ne puissent plus la porter. Elle s’était cachée. Elle était revenue plus tard, beaucoup plus tard, peut-être le lendemain. Elle ne savait plus. Son père n’était plus là, juste du sang sur les feuilles. Elle avait attendu qu’il revienne, puis elle avait compris qu’il ne reviendrait pas. Alors, elle avait juste marché sans but, serrant la veste contre elle parce que c’était tout ce qui lui restait de lui.
Le docteur Leblanc demanda à Camille comment elle avait survécu pendant 3 semaines. Camille expliqua qu’elle avait bu l’eau des ruisseaux, mangé des baies, des racines, parfois rien du tout. Elle avait dormi dans des anfractuosités rocheuses, sous des arbres, n’importe où. Elle avait perdu la notion du temps. Elle ne savait plus combien de jours étaient passés. Elle entendait parfois des hélicoptères, des voix qui criaient son nom, mais elle ne répondait pas. Une partie d’elle voulait être retrouvée, mais une autre partie voulait juste disparaître, rejoindre son père, ne plus exister.
Quand les trois bénévoles l’avaient trouvée ce jour de novembre, elle était allongée dans l’eau froide du ruisseau, serrant la veste noire, attendant que tout se termine. La psychologue nota soigneusement chaque mot. Elle expliqua plus tard à Élisabeth que Camille avait développé une forme de dissociation traumatique, une manière de détacher son esprit de l’horreur qu’elle vivait pour survivre. La veste de Laurent était devenue une sorte de lien, un objet transitionnel qui la maintenait psychologiquement en vie, même quand son corps était au bord de l’effondrement complet. Lâcher cette veste aurait signifié accepter définitivement la mort de son père et Camille n’était pas prête pour cela. Elle ne le serait peut-être jamais totalement.
Le procès d’Éric et Julien Blanchard eut lieu 18 mois plus tard, en mai 2018, devant la cour d’assises de l’Isère. Camille, désormais âgée de 20 ans, témoigna pendant 3 heures. Elle avait repris ses études de médecine, avait suivi une thérapie intensive, avait réappris à vivre. Mais quand elle raconta devant les jurés ce qui s’était passé ce samedi d’octobre dans le massif du Vercors, sa voix était toujours cette même voix monocorde, détachée, comme si elle parlait d’une autre personne.
Les jurés écoutèrent dans un silence absolu. Plusieurs pleuraient ouvertement. Éric Blanchard fut condamné à 23 ans de réclusion criminelle. Julien Blanchard, considéré comme l’auteur principal des coups de feu, écopa de 28 ans. Aucune circonstance atténuante ne leur fut accordée. Le président de la cour souligna dans ses attendus la lâcheté particulière des accusés qui avaient traqué et abattu un homme innocent uniquement pour protéger leurs activités illégales de braconnage. Il souligna également le traumatisme irréversible infligé à Camille Morau qui porterait les cicatrices psychologiques de cette tragédie toute sa vie.
Après le verdict, Élisabeth et Camille quittèrent le palais de justice main dans la main. Les journalistes se pressaient autour d’elles, posant des questions, prenant des photos. Camille ne dit rien. Elle n’avait rien à dire aux médias, rien à ajouter. Tout avait été dit dans cette salle d’audience. Son père était mort pour avoir voulu faire son devoir de citoyen, pour avoir refusé de fermer les yeux sur un crime. Il était mort en la protégeant jusqu’au dernier instant. Et elle, elle avait survécu en serrant sa veste noire pendant trois semaines dans une montagne hostile, refusant de lâcher le dernier lien qui la rattachait à lui.
Des années plus tard, lors d’une rare interview accordée à un journal local, Camille expliqua qu’elle ne pensait plus à ces trois semaines au quotidien, mais qu’elles refaisaient surface dans ses cauchemars, régulièrement, inévitablement. Elle voyait son père tomber. Elle sentait le froid de l’eau du ruisseau. Elle serrait la veste noire. Elle se réveillait en sueur, le cœur battant, les mains agrippées au drap de son lit, exactement comme elles avaient agrippé ce vêtement dans la forêt.
Le journaliste lui demanda si elle était parvenue à pardonner aux frères Blanchard. Camille réfléchit longuement avant de répondre, puis elle dit simplement qu’elle ne savait pas ce que signifiait pardonner dans un cas comme celui-là, qu’elle avait appris à vivre avec ce qui s’était passé, mais que “vivre avec” n’était pas pardonner. Que son père resterait toujours absent, que ce vide ne se comblerait jamais.
Le journaliste posa une dernière question : “Qu’était devenue la veste noire ?” Camille marqua une pause. Puis elle expliqua que la veste avait été restituée à la famille après le procès, après avoir servi de pièce à conviction pendant toute la procédure judiciaire. Elle l’avait gardée pendant quelque temps dans sa chambre, pliée soigneusement dans une boîte. Mais elle avait réalisé que cette veste la maintenait prisonnière du passé, qu’elle l’empêchait d’avancer.
Un jour, avec l’aide de sa mère et de sa thérapeute, elle avait pris la décision de s’en séparer. Pas de la jeter, pas de la détruire, mais de la donner. La veste avait été offerte à une association qui collectait des vêtements pour les sans-abris. Quelque part en France, un homme ou une femme portait maintenant cette veste noire sans savoir son histoire, sans connaître le drame qu’elle avait traversé. Et Camille trouvait cela étrangement réconfortant. La veste qui l’avait protégée du froid pendant trois semaines protégeait maintenant quelqu’un d’autre. C’était, à sa façon, une forme de continuation, de transformation du traumatisme en quelque chose de moins sombre.
L’histoire de Laurent et Camille Morau marqua profondément la région. Une stèle commémorative fut érigée sur le parking du col de Rousset, là où tout avait commencé ce samedi matin d’octobre 2016. La plaque gravée portait le nom de Laurent Morau, les dates de sa naissance et de sa mort et une phrase simple : “Mort pour avoir voulu faire ce qui était juste”.
Chaque année, le 15 octobre, des randonneurs s’arrêtent devant cette stèle, déposent des fleurs, observent un moment de silence. Certains connaissent l’histoire dans ses moindres détails, d’autres n’en savent rien et s’interrogent simplement sur ce qui s’est passé ici. Mais tous, d’une manière ou d’une autre, rendent hommage à un homme qui est parti en randonnée avec sa fille par une belle matinée d’automne et qui n’est jamais rentré chez lui.
Des histoires comme celles de Laurent et Camille Morau méritent d’être racontées, non pas pour exploiter la tragédie, mais pour honorer la mémoire de ceux qui ont disparu et pour rappeler que derrière chaque disparition se cache une famille brisée, des questions sans réponse et parfois une vérité qu’il faut absolument mettre au jour. Si ce récit vous a touché, si vous pensez que d’autres personnes devraient connaître cette histoire, partagez cette vidéo. Chaque partage amplifie la portée de ces témoignages et peut, qui sait, apporter du réconfort à une famille qui traverse une épreuve similaire quelque part en France ou ailleurs dans le monde.
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