Pourquoi Rima Hassan et la mosquée de Paris ne s’expriment pas sur l’Algérie ?

C’est une nouvelle qui aurait dû provoquer un séisme médiatique et politique, une levée de boucliers unanime, des hashtags en tête des tendances et des tribunes enflammées. Pourtant, c’est un malaise pesant, presque gêné, qui règne aujourd’hui. Christophe Glaise, journaliste sportif indépendant travaillant pour des titres respectés comme So Foot et Society, a vu sa condamnation confirmée par la justice algérienne : deux ans de prison ferme. Son crime ? Avoir fait du journalisme, avoir posé des questions, avoir rencontré des personnalités liées à la Kabylie. Mais au-delà du drame humain qui se joue de l’autre côté de la Méditerranée, c’est le spectacle de l’hypocrisie parisienne qui choque le plus profondément.
Le “Deux Poids, Deux Mesures” des Indignés Professionnels
Sur le plateau d’Europe 1, l’atmosphère était électrique ce matin. La journaliste Gabrielle Cluzel a posé la question qui brûle les lèvres de millions de Français : “Où sont-ils ?” Où sont les tweets de Kylian Mbappé, lui qui avait enflammé la toile pour la mort de Nahel ou lors des dernières législatives ? Où sont les grandes déclarations sur la liberté de la presse de la part des artistes et des intellectuels ?
Mais la cible la plus évidente de cette incompréhension reste Rima Hassan. L’eurodéputée, figure de proue de La France Insoumise, n’avait pas hésité à qualifier l’Algérie de “Mecque des libertés” lors d’un voyage où elle fut reçue avec les honneurs. Aujourd’hui, face à l’emprisonnement arbitraire d’un compatriote par ce même régime, son silence est assourdissant. Comme le souligne Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger, Rima Hassan, qui affirme que l’Algérie est sa “deuxième patrie”, aurait pourtant la légitimité et les connexions idéales pour jouer les intermédiaires. Son refus de signer la résolution pour la libération de l’écrivain Boualem Sansal était déjà un signe ; son mutisme pour Christophe Glaise sonne comme un aveu. La liberté de la presse serait-elle à géométrie variable selon le pays qui l’enfreint ?
Christophe Glaise : L’Otage d’un Chantage Politique
Si le silence des “élites” est coupable, la réalité diplomatique décrite par Xavier Driencourt est glaçante. Christophe Glaise n’est pas simplement un journaliste qui a enfreint une règle administrative de visa. Il est, selon l’analyse experte de l’ancien diplomate, un pion dans une partie d’échecs cynique entre Alger et Paris.
La date du 14 décembre est sur toutes les lèvres. Ce jour-là, le MAC (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) prévoit de déclarer symboliquement l’indépendance de la Kabylie depuis Paris. Pour le pouvoir algérien, c’est une ligne rouge incandescente. En maintenant Christophe Glaise en prison sous des accusations gravissimes d’apologie du terrorisme (pour avoir interviewé des Kabyles !), Alger envoie un triple message.
D’abord aux Kabyles : toute velléité d’indépendance sera écrasée. Ensuite à sa propre opinion publique : après avoir gracié Boualem Sansal (perçu par certains algériens comme un “privilégié” ou protégé par l’Occident), le régime de Tebboune doit montrer ses muscles en gardant un autre “étranger” sous les verrous pour ne pas paraître faible. Et enfin, et surtout, à la France : “Nous tenons vos ressortissants, empêchez la déclaration du 14 décembre ou assumez les conséquences.”
Une France “Faible” et “À Genoux” ?
La colère des auditeurs d’Europe 1 témoigne d’un sentiment d’humiliation grandissant. “On est dans la faiblesse, on est à genoux”, s’insurge David, un auditeur. La comparaison avec la Russie est cruelle mais pertinente : Emmanuel Macron montre les muscles face à Poutine, se mobilise pour l’Ukraine, mais semble tétanisé dès qu’il s’agit de hausser le ton avec Alger.
Le Président de la République a déclaré sa “profonde inquiétude”. Des mots. Encore des mots. Pendant ce temps, un homme dort en prison pour avoir voulu informer. L’absence de mobilisation de la Grande Mosquée de Paris, institution pourtant centrale dans les relations franco-algériennes, est également pointée du doigt. Pourquoi ne pas user de son influence pour apaiser les tensions et aider un innocent ?

L’Urgence d’une Prise de Conscience
Il ne s’agit pas ici de faire le procès de l’Algérie ou de son peuple – un auditeur, Philippe, rappelait d’ailleurs avec émotion l’accueil chaleureux qu’il y a reçu récemment en tant que Pied-Noir. Il s’agit de politique, de rapport de force et de justice.
L’affaire Christophe Glaise agit comme un révélateur chimique. Elle révèle la cruauté d’un régime qui criminalise le journalisme. Elle révèle l’impuissance de notre diplomatie qui semble subir le tempo imposé par Alger. Mais surtout, elle révèle l’incroyable hypocrisie de certaines figures médiatiques et politiques françaises.
On ne peut pas se draper dans la vertu toute la journée, donner des leçons de morale au monde entier, et détourner le regard quand un journaliste français est condamné à deux ans de prison ferme par un pays “ami”. Le silence de Rima Hassan, de Kylian Mbappé et des autres n’est pas un oubli. C’est un choix. Et l’histoire, tout comme les citoyens français, s’en souviendra. Il est temps que la peur change de camp et que l’indignation ne soit plus sélective. Liberté pour Christophe Glaise !