Waly Dia : « Si Macron gère la guerre comme le covid, il va y aller avec des pistolets à eau »

Il y a des humoristes qui cherchent à plaire, et il y a Waly Dia. En déplacement en Martinique, sur la terre d’Aimé Césaire, l’humoriste de France Inter a livré une performance qui fera date. Plus qu’un simple sketch, c’est un véritable réquisitoire politique, une charge féroce et jouissive contre les absurdités du système, le mépris de l’État envers l’Outre-mer et les dérives autoritaires du pouvoir. Entre rires et grincements de dents, retour sur un moment de vérité brute.
« Terre d’Aimé Césaire » : Le ton est donné
Dès son entrée sur scène, Waly Dia pose le décor. Être en Martinique, pour lui, c’est se reconnecter à une histoire de luttes. Il invoque immédiatement la figure tutélaire d’Aimé Césaire, non sans une ironie mordante sur l’époque actuelle : « S’il revenait aujourd’hui, il serait considéré comme un dangereux wokiste. Il y aurait des bandeaux sur CNews : La Négritude, le nouveau séparatisme ».
Cette entrée en matière n’est pas anodine. Elle ancre son propos dans une réalité politique brûlante, où la revendication identitaire et historique est souvent diabolisée par une partie de la classe médiatique parisienne. Waly Dia ne vient pas faire du tourisme, il vient parler « cash ».
Vie chère et Békés : L’histoire qui ne passe pas
L’humoriste s’attaque ensuite à la plaie béante des Antilles : la vie chère. Avec son style caractéristique, mêlant exagération comique et fond de vérité sociale, il rappelle que la première mobilisation contre la vie chère date de… 1910. « Ça fait 115 ans qu’ils n’en branlent pas une pour vous aider », lance-t-il, soulignant l’inaction chronique des pouvoirs publics face aux monopoles économiques.
C’est là qu’il frappe le plus fort, en osant aborder de front la question des « Békés », ces descendants de colons qui détiennent encore une grande partie du pouvoir économique insulaire. Sa satire de l’indemnisation des esclavagistes après l’abolition est d’une férocité absolue : « Vous avez déjà perdu des esclaves vous ? […] Non franchement tu mérites un petit chèque pour la gêne occasionnée ».
Sous couvert d’humour, il met le doigt sur une injustice historique fondamentale : comment 1% de la population peut-elle concentrer autant de richesses et de pouvoir ? « Tu imagines si c’était comme ça partout ? », feint-il de s’interroger, renvoyant le public à l’absurdité de la situation post-coloniale qui perdure.
Chlordécone et santé publique : Le rire jaune

Impossible de parler des Antilles sans évoquer le scandale du chlordécone. Waly Dia résume l’horreur de la situation avec une formule choc : « C’est un pesticide qui te déglingue les organes, et hamdoullah ils peuvent vendre des bananes derrière ». Il rappelle l’hypocrisie de l’État qui a autorisé ce poison aux Antilles des années après son interdiction en métropole, pour « écouler les stocks ».
« Ça peut tuer des gens ? Ouais, mais c’est des noirs ». La phrase claque comme un coup de fouet. Le public rit, mais c’est un rire chargé de douleur et de colère. Waly Dia transforme le tragique sanitaire en une arme politique, dénonçant un racisme d’État qui ne dit pas son nom, où la santé des ultramarins pèse moins lourd que les intérêts des planteurs.
Police, Justice et « Jurisprudence Barré »
La seconde partie du sketch bascule vers la critique des institutions policières et judiciaires. Il évoque la « jurisprudence Pierre-Emmanuel Barré », du nom de l’humoriste ayant démissionné de France Inter, jalousant presque la plainte que ce dernier a reçue du ministère de l’Intérieur : « C’est notre légion d’honneur à nous ».
Il revient longuement sur l’affaire Michel Zecler, ce producteur de musique martiniquais tabassé par des policiers à Paris. Cinq ans après, toujours pas de jugement définitif malgré des preuves accablantes (« On a les images en 8K, c’est du Christopher Nolan »). Waly Dia pointe l’impunité et la lenteur suspecte de la justice quand les forces de l’ordre sont en cause, surtout face à des victimes noires.
Macron « Chef de Guerre » : L’apothéose
Le final est une projection dystopique et hilarante sur la guerre potentielle avec la Russie. Waly Dia se paie Emmanuel Macron, ce « chef de guerre » qui « s’est pris deux baffes par un mec de 55 kg et une dame de 70 ans ».
L’image de l’armée française partant au front « avec des trottinettes et des pistolets à eau » si la gestion est la même que pour le Covid est dévastatrice. Mais derrière la farce, il y a une interrogation grave sur qui sera envoyé au « casse-pipe ». « Les enfants de qui ? », demande-t-il, suggérant que les « corps intermédiaires » et les minorités, souvent désignés comme « l’ennemi intérieur », seront les premiers sacrifiés, tandis que les nationalistes de salon resteront bien au chaud.
En quelques minutes, Waly Dia a réussi l’exploit de faire rire une salle entière sur des sujets qui donnent habituellement envie de pleurer ou de se révolter. C’est la force du bouffon du roi moderne : dire l’indicible, briser les tabous, et redonner, par le rire, un peu de dignité à ceux qui se sentent oubliés et méprisés. Un grand moment de scène, et surtout, un grand moment de vérité politique.