5 CHOSES FOLLES QUI N’ÉTAIENT AUTORISÉES QUE À L’ÉPOQUE VICTORIENNE

Si l’on vous demandait d’imaginer l’époque victorienne, quelles images vous viendraient immédiatement à l’esprit ? Sans doute la silhouette austère de la reine Victoria, les rues brumeuses de Londres éclairées au gaz, l’élégance rigide des redingotes et les règles de bienséance étouffantes d’une société obsédée par la moralité. Nous percevons souvent le XIXe siècle comme une période de pudeur extrême, de progrès industriel et de raffinement social. Pourtant, si l’on gratte le vernis de cette respectabilité apparente, on découvre un monde parallèle, sombre et parfois grotesque, où la vie et la mort s’entremêlaient d’une manière qui nous semblerait aujourd’hui totalement inacceptable.

Les Victoriens, coincés entre des traditions séculaires et une modernité galopante, ont développé des mécanismes de gestion du deuil, des loisirs et des relations sociales qui oscillent entre le touchant, le terrifiant et l’absurde. De la manipulation des cadavres à des fins artistiques aux divertissements mondains impliquant des profanations de sépultures, voici une plongée approfondie dans cinq pratiques victoriennes qui prouvent que la réalité historique dépasse souvent la fiction la plus macabre.

1. L’Art de l’Immortalisme : La Photographie Post-Mortem

La mort était une compagne omniprésente dans chaque foyer victorien. Avec des épidémies de choléra, de typhus et de scarlatine, et sans les antibiotiques modernes, le taux de mortalité, en particulier infantile, était effroyablement élevé. Face à cette perte constante, les familles ont cherché un moyen de figer le temps, de conserver une image tangible de l’être aimé avant que la terre ne le recouvre à jamais. C’est ainsi qu’est née la photographie post-mortem, ou memento mori (souviens-toi que tu vas mourir).

Ce qui nous apparaît aujourd’hui comme une pratique morbide était, à l’époque, un acte d’amour désespéré. Pour de nombreuses familles modestes, cette photo post-mortem était souvent la seule et unique image qu’elles posséderaient jamais du défunt. Des photographes spécialisés se déplaçaient à domicile, transformant le salon familial en studio improvisé. Leur mission était délicate : donner l’illusion de la vie là où elle n’était plus.

Photographie post-mortem : l'art de capturer les morts au XIX° siècle – Une  Brève Histoire d'Art

Les techniques employées étaient d’une ingéniosité troublante. Les corps étaient soigneusement arrangés pour paraître endormis, reposant paisiblement sur des divans ou dans des berceaux, souvent entourés de leurs jouets préférés ou de fleurs. Mais l’horreur, pour l’observateur moderne, réside dans les tentatives de simuler l’éveil. Des structures métalliques dissimulées sous les vêtements permettaient de maintenir les corps debout ou assis. Parfois, un assistant se cachait derrière un rideau pour soutenir une tête inerte. Plus perturbant encore, les photographes retravaillaient les clichés en post-production, peignant des pupilles sur les paupières closes des morts pour donner l’impression qu’ils regardaient l’objectif. Ces portraits, où les vivants posaient stoïquement aux côtés de leurs morts, restaient exposés sur les cheminées, témoins silencieux d’un deuil qui refusait l’oubli.

2. L’Humour Noir et la Décapitation Photographique

Si la photographie servait le deuil, elle servait aussi, paradoxalement, un humour très particulier. L’époque victorienne a vu la naissance de la photographie grand public, et avec elle, les premières expérimentations de trucages. Loin de l’image d’austérité que nous leur prêtons, les Victoriens raffolaient des illusions visuelles, donnant naissance à la mode des “portraits sans tête”.

Grâce à des techniques de superposition de négatifs et d’exposition multiple, les photographes créaient des scènes cauchemardesques mais destinées à faire rire. On y voyait des gentlemen tenant leur propre tête sous le bras comme un chapeau, ou des têtes servies sur des plateaux d’argent lors d’un dîner, tandis que le corps décapité tenait le couteau.

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Cette tendance révèle une facette méconnue de la psyché victorienne : un besoin de rire de la mort et de l’intégrité corporelle dans une société où la violence physique réelle (accidents industriels, guerres coloniales) était monnaie courante. Ces images, collectionnées dans des albums de famille, agissaient comme une soupape de sécurité, une forme de rébellion artistique et comique contre la rigidité des normes sociales. C’était l’ancêtre grotesque de Photoshop, réalisé avec une précision artisanale qui force encore l’admiration aujourd’hui.

3. Les “Soirées Momies” : Le Divertissement Impérialiste Ultime

L’obsession victorienne pour la mort ne s’arrêtait pas aux frontières de l’Europe. Avec l’expansion de l’Empire britannique et les campagnes napoléoniennes précédentes, l’Europe a été saisie d’une fièvre connue sous le nom d'”Égyptomanie”. Tout ce qui venait de l’Égypte antique était considéré comme le summum du chic et du mystère. C’est dans ce contexte que sont nées les “Mummy Unwrapping Parties” (fêtes de déballage de momies).

Imaginez la scène : vous êtes invité dans le salon cossu d’un aristocrate londonien. L’air est lourd de parfums pour masquer une odeur âcre et millénaire. Au centre de la pièce, sur une table, repose une momie égyptienne authentique, achetée comme un simple souvenir de voyage au Caire ou à Louxor. Devant un public trié sur le volet, mêlant savants autoproclamés et curieux fortunés, l’hôte commence à découper et retirer les bandelettes de lin, couche après couche.

Exposition-événement : Momies

Ce spectacle macabre était à la fois une leçon d’anatomie sauvage et un divertissement mondain. À mesure que le corps desséché apparaissait, on cherchait des amulettes, des bijoux ou des scarabées cachés dans les langes. C’était une profanation totale, un manque de respect flagrant pour les défunts d’une autre civilisation, réduits à l’état de curiosités de foire pour l’amusement de l’élite occidentale. Cette pratique souligne l’arrogance coloniale de l’époque : le patrimoine et les ancêtres des autres n’étaient que des jouets pour le salon du colonisateur.

4. La Vente des Épouses : Le Divorce du Pauvre

Si les riches déroulaient des momies, les classes populaires, elles, cherchaient des solutions à leurs problèmes conjugaux. Dans une Angleterre où le divorce légal était un processus coûteux et complexe, réservé à l’élite et nécessitant un acte du Parlement, les classes ouvrières avaient recours à une coutume médiévale qui a perduré jusqu’à la fin du XIXe siècle : la vente des épouses.

Ce n’était pas une métaphore. Des hommes, mécontents de leur mariage, emmenaient littéralement leur épouse au marché public, parfois tenue par une corde autour du cou ou de la taille, comme du bétail. Là, au milieu des cris des vendeurs et des animaux, ils la mettaient aux enchères au plus offrant.

Vente d'épouse en Angleterre — Wikipédia

Aussi barbare que cela puisse paraître, cette pratique était souvent consensuelle. C’était une manière pour l’épouse de sortir d’un mariage malheureux ou abusif et de partir officiellement avec un nouvel homme (souvent un amant préétabli qui “achetait” sa liberté). Bien que techniquement illégale, les autorités fermaient souvent les yeux, reconnaissant tacitement cette coutume comme une forme de divorce populaire (“Poor Man’s Divorce”). Cela jette une lumière crue sur le statut de la femme à cette époque : une propriété transférable, dont le destin se jouait à la criée sur une place publique, entre une vente de moutons et un étal de légumes.

5. L’Indistinction des Genres : Quand les Garçons Portaient des Robes

Enfin, si vous regardez des portraits d’enfants victoriens, vous pourriez être confus. Ce petit enfant aux boucles blondes et à la robe de dentelle élaborée n’est peut-être pas une fille, mais un jeune Franklin D. Roosevelt ou un Winston Churchill. Jusqu’à l’âge de 4 ou 5 ans, tous les enfants, quel que soit leur sexe, étaient vêtus de robes.

Contrairement à nos débats modernes sur le genre, cette pratique victorienne était purement pragmatique. À une époque où les couches jetables n’existaient pas et où l’apprentissage de la propreté était tardif, les robes permettaient un accès facile pour le changement et les besoins naturels. Les fermetures complexes des pantalons de l’époque étaient impossibles à gérer pour des tout-petits.

CIRCA 1880s CABINET CARD BLECKER LITTLE GIRL IN BLACK DRESS ...

Le passage de la robe au pantalon, connu sous le nom de “breeching”, était un rite de passage majeur pour les garçons. Il marquait la fin de la petite enfance et l’entrée dans le monde masculin. Couper les cheveux longs et enfiler le premier pantalon était une cérémonie, signifiant que l’enfant n’était plus un “bébé” asexué aux yeux de la société, mais un futur homme.

Conclusion

Ces cinq coutumes nous offrent un miroir fascinant. Elles nous rappellent que ce que nous considérons comme “normal” est une construction fragile, dictée par l’époque et la culture. Les Victoriens, avec leurs ventes d’épouses et leurs photos de morts, ne se voyaient pas comme des monstres, mais comme des gens rationnels agissant selon les contraintes et les croyances de leur temps. En explorant ces bizarreries, nous ne faisons pas que juger le passé ; nous sommes invités à nous interroger sur nos propres pratiques actuelles. Qu’est-ce qui, dans notre vie quotidienne d’aujourd’hui, semblera “fou”, “macabre” ou “incompréhensible” aux historiens du futur ? L’histoire est un fleuve en perpétuel mouvement, et nous n’en sommes que les passagers temporaires.

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