Biyouna : Une Vie de Résistance et d’Émancipation – Retour sur l’Héritage d’une Icône

Biyouna, de son vrai nom Baya Bouzar, a laissé une empreinte indélébile sur le monde du cinéma et de la musique, tant en Algérie qu’à l’international. Dès ses débuts dans les cabarets d’Alger à l’âge de 17 ans, elle a fait des vagues, se positionnant comme une figure audacieuse et révolutionnaire dans une société algérienne tiraillée entre tradition et modernité. Une figure incontournable, tant adulée que critiquée, sa vie fut marquée par des choix audacieux et une carrière pleine de contrastes.

Dans les années 1970, sa rencontre avec le réalisateur Mustapha Badi fut décisive. C’est lui qui lui offrit son rôle emblématique dans La Grande Maison, une série télévisée adaptée d’un roman de Mohamed Dib. Cela propulsa Biyouna sous les projecteurs, et elle devint rapidement une figure majeure de la culture populaire algérienne. Mais au-delà de son métier d’actrice, Biyouna ne s’est jamais contentée de suivre les normes établies. Elle a chanté, dansé, improvisé et fait rire le public, s’imposant comme une artiste multidimensionnelle.

Dans les années 1980 et 1990, son talent s’est exprimé sur tous les fronts. Elle a su briser les frontières artistiques et sociales avec une liberté de ton qui la rendait inclassable. Que ce soit au cinéma avec Leila et les autres (1978) ou Vivre au paradis (1998), ou encore à travers son premier album Red Zone (2001), elle n’a cessé de surprendre, de repousser les limites de la créativité tout en revendiquant sa propre identité. Ses performances, tant théâtrales que musicales, étaient teintées de son franc-parler unique et de sa gestuelle expressive, captivant le public tout en détonnant dans un paysage audiovisuel souvent trop formaté.

Cependant, son parcours n’a pas été sans heurts. Elle a souvent été marginalisée par les institutions culturelles officielles en raison de sa forte personnalité et de son humour acerbe, et ses opinions ont fréquemment suscité des controverses. Dans une Algérie encore en quête d’une identité post-coloniale, Biyouna était perçue par certains comme une figure trop bruyante, trop visible, trop libérée. À plusieurs reprises, elle a eu des confrontations avec les autorités religieuses et politiques, allant jusqu’à s’opposer à la censure et aux restrictions imposées aux artistes.

Sa carrière a également été marquée par des tensions avec les institutions françaises, où son style audacieux ne convenait pas toujours aux attentes de la critique parisienne. Pourtant, elle n’a jamais cédé. Elle s’est moquée des étiquettes, a joué des rôles inédits, et a même refusé des projets qui ne correspondaient pas à sa vision artistique.

À partir des années 2010, Biyouna a choisi de se retirer du tumulte médiatique, préférant une vie plus calme et discrète. Malheureusement, sa santé s’est détériorée, et c’est en 2022 que le public a appris qu’elle luttait contre un cancer du poumon. Malgré sa maladie, elle a refusé de se laisser glorifier et a même évité les hommages publics. Son dernier souhait était de partir dans la discrétion, sans éclat. Elle s’est éteinte le 25 novembre 2025, à l’âge de 73 ans, dans une chambre d’hôpital, loin des projecteurs, comme elle l’avait souhaité.

Biyouna, bien que disparue, reste une figure emblématique pour les générations futures. Sa voix, son regard et sa manière de vivre l’art et la liberté continueront d’inspirer ceux qui la découvrent. Son héritage, bien qu’éloigné des traditionnelles reconnaissance étatiques, est celui d’une artiste qui a brisé les normes sans jamais se soumettre aux attentes des autres. À travers sa disparition discrète, elle a une fois de plus défié le monde qui l’entourait, affirmant que la véritable liberté réside dans le silence choisi, loin des regards et des honneurs.