L’histoire de l’humanité est parsemée de chapitres sombres, mais peu de figures incarnent la cruauté pure et le sadisme calculé avec autant d’intensité que Maria Mandel. Surnommée “La Bête d’Auschwitz” par ceux qui ont eu le malheur de croiser son chemin, cette femme n’était pas un simple rouage de la machine nazie ; elle en était un moteur enthousiaste et impitoyable. Responsable estimée de la mort d’un demi-million de femmes, d’enfants et de prisonniers politiques, son nom résonne encore aujourd’hui comme un écho terrifiant de la barbarie humaine.
La Genèse d’un Monstre
Pour comprendre l’horreur, il faut souvent remonter aux origines. Née en Autriche en 1912, rien ne prédestinait Maria Mandel à devenir l’une des plus grandes criminelles de guerre de l’histoire. Pourtant, dès 1938, elle entame sa carrière en tant que gardienne de prison au camp de Lichtenberg, l’un des premiers établissements du genre sous le régime nazi. À cette époque, elle fait partie d’un groupe restreint de 50 femmes sélectionnées pour cette fonction, un rôle qu’elle embrasse avec une ferveur inquiétante.

Son zèle ne passe pas inaperçu. En 1939, elle est transférée à Ravensbrück, près de Berlin, qui deviendra rapidement le plus grand camp de concentration pour femmes du Reich. C’est ici que la “Bête” commence véritablement à montrer ses griffes. Mandel se distingue par une rigueur extrême et une cruauté qui dépasse les attentes de ses supérieurs. Elle ne se contente pas de surveiller ; elle domine, punit et écrase. Les coups de fouet et les passages à tabac deviennent sa signature, renforçant une atmosphère de terreur constante. Cette efficacité morbide lui vaut une promotion rapide au rang de SS-Oberaufseherin (Superviseure Senior) en juillet 1942.
Le Règne de la Terreur à Auschwitz
C’est en octobre 1942 que Maria Mandel arrive à Auschwitz, en Pologne occupée, le complexe de la mort le plus tristement célèbre de la Seconde Guerre mondiale. Promue SS-Lagerführerin (Chef de camp), elle obtient un contrôle absolu sur tous les camps et sous-camps féminins d’Auschwitz, répondant directement au commandant Rudolf Höss.
Sous son commandement, Auschwitz-Birkenau (Auschwitz II), le principal site d’extermination équipé de chambres à gaz et de crématoires, devient le théâtre de ses pires atrocités. Mandel supervise personnellement les sélections. D’un geste, elle décide qui sera exploité jusqu’à l’épuisement dans les travaux forcés et qui sera envoyé immédiatement à la mort. Elle est directement impliquée dans l’envoi d’environ 500 000 femmes et enfants vers les chambres à gaz.

Les survivants décrivent une femme imprévisible et profondément sadique. L’une de ses habitudes les plus glaçantes consistait à se poster stratégiquement devant le portail d’entrée de Birkenau. Elle attendait, guettant les nouveaux arrivants. Quiconque avait le malheur de croiser son regard ou de la fixer était exécuté sur-le-champ. Cette “roulette russe” psychologique maintenait les prisonniers dans un état de peur perpétuelle.
La Musique comme Instrument de Torture
L’aspect peut-être le plus troublant de la personnalité de Mandel était sa passion pour la musique classique, qu’elle a pervertie de la manière la plus grotesque qui soit. Elle est la créatrice de l’infâme “Orchestre des femmes d’Auschwitz”. Composé de prisonnières musiciennes, cet ensemble était forcé de jouer, par tous les temps, lors des appels quotidiens, des sélections et des transports.
Imaginez l’horreur absolue : des mélodies enjouées ou solennelles accompagnant des milliers de personnes marchant vers les chambres à gaz. Pour Mandel, c’était une distraction culturelle ; pour les victimes, c’était une torture psychologique ultime, une “bande-son macabre” de leur propre fin.
Son sadisme prenait également des formes plus intimes. Mandel avait pour habitude de choisir des prisonniers, souvent des enfants, pour en faire ses “mascottes”. Elle les habillait, les nourrissait et les promenait, créant un faux sentiment de sécurité et d’affection. Puis, une fois lassée de son “jouet”, elle l’envoyait elle-même vers la mort. Ce cycle d’espoir et de destruction illustre la profondeur de sa dépravation morale.
L’Héritage de la Haine : Le Mentorat d’Irma Grese

Le mal engendre le mal. Durant son règne à Auschwitz, Maria Mandel a pris sous son aile une autre gardienne tristement célèbre : Irma Grese, surnommée “La Hyène d’Auschwitz”. Reconnaissant en Grese un sadisme similaire au sien, Mandel l’a promue, lui confiant la responsabilité du camp des prisonnières juives hongroises à Birkenau. Ensemble, elles ont formé un duo terrifiant, collaborant non seulement dans la gestion brutale du camp mais aussi dans la supervision des expériences médicales inhumaines menées par des médecins nazis.
La Chute et la Justice
En novembre 1944, alors que l’étau des Alliés se resserre, Mandel est transférée au camp de Mühldorf. Mais la fin est proche. En mai 1945, elle tente de fuir à travers les montagnes bavaroises pour rejoindre sa ville natale en Autriche. Sa liberté sera de courte durée. Le 10 août 1945, elle est capturée par les forces américaines.
Lors de ses interrogatoires, son intelligence vive et son dévouement fanatique à sa “mission” sont apparus clairement. Transférée aux autorités polonaises en 1946, elle est jugée à Cracovie pour crimes contre l’humanité. Face aux témoignages accablants des survivants décrivant ses sélections arbitraires, ses tortures physiques et son rôle central dans le génocide, le verdict était inévitable.
Condamnée à mort, Maria Mandel est pendue le 24 janvier 1948, à l’âge de 36 ans. Son exécution a marqué la fin de l’une des figures les plus sombres du nazisme, mais elle a aussi servi de symbole de justice pour les millions de voix qu’elle avait tenté de réduire au silence.
Un Devoir de Mémoire
Le bilan de l’Holocauste est vertigineux : environ 6 millions de Juifs assassinés, ainsi que des millions de Polonais, de Roms, de prisonniers de guerre soviétiques, de personnes handicapées et d’opposants politiques. Au total, on estime à 11 millions le nombre de victimes directes des politiques nazis.
L’histoire de Maria Mandel nous rappelle que la barbarie n’a pas de genre. Elle nous oblige à regarder en face la capacité humaine à commettre le mal absolu lorsqu’elle est alimentée par la haine et l’intolérance. Se souvenir de ses crimes, ce n’est pas glorifier le monstre, mais honorer la mémoire de ceux qui ont souffert sous son joug et veiller à ce que de telles atrocités ne se reproduisent plus jamais.