Mars 2025 restera gravé comme le mois où l’inquiétude a pris le pas sur l’admiration. Biyouna, figure emblématique et indétrônable de la culture algérienne et francophone, semble s’être volatilisée. Ce n’est pas un simple retrait de la vie publique, courant chez les artistes d’un certain âge, mais un silence lourd, opaque et soudain qui glace le sang de ses proches. L’alerte, lancée avec gravité par son amie de toujours, la comédienne Nawal Zaatar, a ouvert la boîte de Pandore sur ce qui pourrait être l’un des drames humains les plus troublants du monde du spectacle récent.

Le Signal d’Alarme : Quand le Silence Devient Suspect

Tout commence par une absence. Pas celle des plateaux télévisés, mais celle des ondes. Nawal Zaatar, dont l’amitié avec Biyouna (de son vrai nom Baya Bouzar) remonte aux années 1970, a brisé le silence lors d’une intervention radiophonique qui a fait l’effet d’une bombe. “Elle ne répond plus, elle n’apparaît nulle part, elle ne donne aucun signe de vie. Ce n’est pas normal”, a-t-elle déclaré, la voix tremblante mais ferme.

Pour comprendre la portée de ces mots, il faut mesurer le lien qui unit ces deux femmes. Elles sont les pionnières d’une époque où être une femme artiste en Algérie était un combat quotidien. Elles ont partagé les rires, les larmes, les critiques acerbes et les triomphes. Nawal n’est pas du genre à s’alarmer pour rien. Lorsqu’elle évoque la possibilité que Biyouna soit “contrôlée, isolée, voire empêchée de parler”, le public sait que l’heure est grave.

Cette inquiétude a été immédiatement corroborée par une voix encore plus intime : celle d’Amel Bouchala, la fille de Biyouna. En larmes, via une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, elle a confirmé le pire : elle n’a plus accès à sa mère. Elle craint ouvertement que l’icône de 72 ans soit victime de maltraitance psychologique ou physique, évoquant une “influence malsaine” qui aurait pris le contrôle de la maison familiale.

Une Vidéo de “Preuve de Vie” qui Ne Convainc Personne

Comme dans toute affaire médiatique moderne, la réponse n’a pas tardé, mais elle n’a fait qu’épaissir le mystère. Le 27 mars 2025, une vidéo d’une minute et trente secondes surgit sur une page fan non officielle. On y voit Biyouna, assise dans un fauteuil, dans un décor neutre et froid. Elle affirme aller bien, être “entre de bonnes mains” et demande qu’on la laisse en paix.

Cependant, loin d’apaiser les esprits, cette séquence a déclenché une vague de scepticisme et d’horreur. La voix de l’actrice semble affaiblie, son regard fuyant, et ses propos, vagues et mécaniques, ne ressemblent en rien à la verve et au franc-parler légendaires de la star. Nawal Zaatar a immédiatement réagi : “Ce n’est pas elle. Je connais Biyouna, je sais comment elle parle. C’est un écran de fumée.”

Les internautes, transformés en enquêteurs amateurs, ont souligné l’absence de tout repère temporel. La vidéo a-t-elle été tournée sous la contrainte ? A-t-elle été scénarisée par ceux-là mêmes qui sont accusés de l’isoler ? Le fait que cette vidéo n’ait été relayée ni par sa fille ni par ses canaux officiels renforce la thèse de la manipulation.

Derrière les Murs Clos : Qui Contrôle Biyouna ?

Au cœur des accusations se trouve une figure de l’ombre : une aide-soignante ou une compagne de vie dont l’identité reste floue, mais qui vivrait avec l’artiste depuis plusieurs années. Selon Amel Bouchala, c’est cette personne qui ferait barrage. “Quelqu’un contrôle son téléphone, ses visites, sa communication”, accuse la fille de la star.

Les tentatives de visite se heurtent à un mur. Amel raconte s’être rendue à deux reprises devant la grille de la maison à la fin du mois de mars, suppliant de voir sa mère, ne serait-ce que quelques minutes. La réponse est invariable : Biyouna dort, elle est fatiguée, elle ne peut pas recevoir. Même un simple appel en haut-parleur lui a été refusé.

Des journalistes indépendants, tentant d’enquêter dans le quartier résidentiel d’Hydra à Alger, se sont heurtés au même silence. Les voisins, interrogés, rapportent ne pas avoir vu l’actrice depuis des mois, ou seulement lors de rares passages furtifs et nocturnes, escortée vers des véhicules privés par des inconnus.

Un ancien assistant personnel a ajouté une pièce au puzzle en avril, révélant avoir été écarté brutalement il y a plus d’un an, sans explication, témoignant déjà à l’époque de tensions autour de la gestion financière et sanitaire de l’artiste.

L’Impuissance des Institutions et le Tabou de la Vieillesse

Ce qui transforme ce fait divers en véritable drame sociétal, c’est le silence des institutions. Malgré le bruit médiatique, les hashtags #SauverBiyuna et les tribunes dans la presse, aucune enquête officielle pour séquestration n’a été ouverte à ce jour. Les experts juridiques rappellent qu’en l’absence de plainte formelle ou de preuves tangibles de maltraitance, la police ne peut intervenir dans ce qui est considéré, pour l’instant, comme une affaire privée.

Cette situation met en lumière une vulnérabilité terrifiante : celle des icônes vieillissantes. Comment protéger une star qui, affaiblie par l’âge ou la maladie, tombe sous la coupe d’un entourage malveillant ? Biyouna, femme forte et indépendante qui a brisé tant de tabous durant sa carrière, se retrouve aujourd’hui potentiellement victime de sa propre célébrité et de son isolement.

Certains avancent l’hypothèse d’un retrait volontaire, rappelant d’anciennes interviews où l’artiste exprimait sa lassitude et sa déception face à ses proches. Mais cette théorie peine à expliquer la coupure totale avec sa fille unique et le blocage systématique de ses amis les plus fidèles.

Conclusion : Un Silence Assourdissant

Aujourd’hui, la maison de Biyouna reste close. Le téléphone professionnel qui a sonné pendant des décennies pour des rôles et des concerts est désactivé. Les projets de documentaires et les hommages sont annulés par des intermédiaires anonymes.

La question n’est plus seulement de savoir où est Biyouna, mais si nous la reverrons un jour libre de ses mouvements et de sa parole. Entre inquiétude sincère et guerre familiale, la vérité oscile, fragile. Mais une chose est certaine : le silence actuel n’est pas celui d’une retraite paisible, c’est le silence pesant d’une énigme qui ne demande qu’à être résolue avant qu’il ne soit trop tard. Comme le demande Nawal Zaatar, il est temps que les autorités vérifient, de manière neutre et indépendante, que l’icône nationale est en sécurité. Car pour l’instant, tout porte à croire que la lumière s’éteint doucement, derrière des rideaux tirés, dans l’indifférence administrative la plus totale.