Ce Qu’ils Ont Fait À Louis XVI Pendant Sa Dernière Nuit Était Pire Que La Mort !

Vingt janvier 1793. Dans une cellule glaciale de la Tour du Temple, un homme sait qu’il va mourir à l’aube. Cet homme, c’est le roi de France. Mais ce que Louis XVI a subi cette nuit-là n’a rien à voir avec la mort qu’il attendait, parce que la Révolution ne voulait pas seulement lui trancher la tête, elle voulait le détruire avant.

Quatre hommes sont restés dans sa chambre toute la nuit. Quatre paires d’yeux fixées sur lui, à quelques mètres de son lit. Sa confession au prêtre, murmurée sous leur regard. Son dernier repas, pris en silence sous leur surveillance. Et ses adieux à sa femme et ses enfants, arrachés après deux heures, sans savoir qu’il ne les reverrait jamais. Cette nuit-là, on lui a refusé le sommeil, on lui a refusé l’intimité, on lui a refusé jusqu’aux larmes qu’il aurait voulu verser seul dans l’obscurité. Et pourtant, quelque chose d’inattendu s’est produit dans cette cellule, quelque chose que ses bourreaux n’avaient pas prévu. Ce roi qu’on disait faible, indécis, incapable, a trouvé dans ces heures d’humiliation une force que personne ne lui connaissait.

Avant de plonger dans cette nuit oubliée, dites-moi en commentaire d’où vous regardez cette vidéo. Et si l’histoire cachée de la France vous passionne, abonnez-vous. Chaque semaine, on révèle ensemble ce que les manuels scolaires n’ont jamais osé raconter. Maintenant, retournons au Temple. Il est 18h, et pour Louis XVI, le compte à rebours a commencé.

Ce matin-là, à la Convention Nationale, les députés ont voté toute la nuit. Pendant des heures interminables, 721 hommes se sont levés un par un pour prononcer leur verdict. Et quand l’aube s’est levée sur Paris, le président de l’Assemblée a annoncé le résultat : 387 voix pour la mort, 334 contre, une majorité de 53 voix. 53 hommes ont fait basculer l’histoire de France. Parmi ceux qui ont voté la mort, il y avait des révolutionnaires enragés comme Marat et Robespierre, des modérés qui ont cédé à la pression de la rue, et puis il y avait Philippe d’Orléans, le propre cousin du roi, celui qui partageait son sang, qui avait dîné à sa table, qui avait chassé dans ses forêts. Ce jour-là, Philippe d’Orléans s’est levé devant l’Assemblée et a prononcé un seul mot : la mort.

On raconte que certains députés ont tremblé en votant, que d’autres ont pleuré, que quelques-uns ont demandé pardon à Dieu avant de condamner leur roi. Mais le résultat était là, inscrit dans les procès-verbaux de la Convention. Louis XVI, ci-devant roi de France, était condamné à la peine capitale, sans sursis, sans appel.

Quand on lui a annoncé le verdict, Louis XVI était assis dans sa cellule de la Tour du Temple. Il lisait un livre d’histoire romaine, comme s’il cherchait dans le passé des réponses que le présent ne pouvait plus lui offrir. Le messager est entré, accompagné de plusieurs commissaires de la Commune. Il portait des écharpes tricolores et des expressions graves. Louis XVI a posé son livre. Il a écouté le verdict sans broncher, et quand le silence est retombé dans la pièce, il a simplement répondu : « Je n’ai jamais craint la mort, je la craindrai encore moins aujourd’hui. »

Ces mots ont stupéfié ses geôliers. Ils s’attendaient à des larmes, peut-être à des supplications. Ils ont trouvé un homme calme, presque serein, qui semblait avoir accepté son destin qu’on le lui annonce. Mais ce que Louis XVI a demandé ensuite révèle une vérité que l’histoire officielle a souvent oubliée. Il n’a pas demandé grâce pour lui-même. Il a demandé du temps, trois jours de sursis. Non pour préparer sa défense, non pour tenter une dernière manœuvre politique. Trois jours pour sa famille, trois jours pour dire adieu à sa femme, à ses enfants, à sa sœur. Trois jours pour être un père et un époux avant de cesser d’être un homme.

La Convention a refusé. Trois jours, c’était trop dangereux. Trois jours, c’était laisser le temps aux royalistes de s’organiser, aux puissances étrangères d’intervenir, à la foule de changer d’avis. On lui a accordé 24 heures, pas une minute de plus. 24 heures pour mettre fin à 40 ans de vie, 24 heures pour faire ses adieux à tout ce qu’il aimait, 24 heures pour se préparer à mourir.

Dans la Tour du Temple, le temps s’est mis à couler différemment. Chaque minute pesait comme une heure, chaque heure ressemblait à une éternité. Louis XVI a passé l’après-midi à écrire son testament d’abord. Quatre pages d’une écriture serrée, appliquée, où il pardonne à ses ennemis, recommande ses enfants à Dieu et supplie son fils de ne jamais chercher à venger sa mort. Ces pages existent encore aujourd’hui. On peut les voir aux Archives Nationales, jaunies par le temps, mais parfaitement lisibles. L’écriture ne tremble pas, les mots sont choisis avec soin. On sent un homme qui sait exactement ce qu’il veut dire, et qui sait qu’il n’aura pas de seconde chance pour le dire. Puis il a attendu. Et l’attente dans cette cellule froide et humide était peut-être pire que tout le reste.

À 20h30, la porte s’est enfin ouverte. Marie-Antoinette est entrée la première. Elle portait une robe sombre, sans ornement, ses cheveux autrefois poudrés et coiffés avec art tombant maintenant en mèches grises sur ses épaules. Derrière elle venaient leurs deux enfants survivants : Marie-Thérèse, 14 ans, le visage pâle mais digne, comme si elle refusait de montrer sa peur ; et Louis-Charles, 7 ans, le petit Dauphin, celui que les révolutionnaires appelaient désormais le “louveteau” avec un mépris qu’il ne comprenait pas encore. Madame Élisabeth ferma la marche, la sœur du roi, celle qui avait refusé de fuir quand elle le pouvait encore, celle qui avait choisi de rester au côté de son frère jusqu’au bout.

Quand les enfants ont vu leur père, ils se sont jetés dans ses bras. Les sanglots ont éclaté, impossibles à contenir. Marie-Antoinette, d’ordinaire si maîtresse d’elle-même, si soucieuse de ne jamais montrer sa faiblesse en public, s’est effondrée. Elle s’est accrochée à son époux comme si elle pouvait, par la seule force de son étreinte, empêcher l’aube de se lever. Cléry, le valet de chambre du roi, a laissé un témoignage de cette scène. Il écrit : « Les sanglots et les cris de cette famille éplorée se faisaient entendre du dehors, et les assistants, quelque disposés qu’ils fussent contre le roi, ne purent retenir leurs larmes. »

Même les gardes, ces hommes endurcis par des mois de surveillance, ces révolutionnaires qui haïssaient tout ce que la monarchie représentait, ont détourné les yeux. Certains ont pleuré, d’autres sont sortis dans le couloir, incapables de supporter le spectacle de cette famille brisée.

Pendant deux heures, Louis XVI a tenu ses enfants contre lui. Il leur a parlé doucement, leur a fait promettre des choses qu’ils étaient trop jeunes pour comprendre. Il a demandé à son fils de pardonner à ceux qui allaient tuer son père. Il a supplié sa fille de prendre soin de sa mère. Il a serré Marie-Antoinette contre lui, cette femme qu’il avait aimée maladroitement, silencieusement, mais profondément. Ils ont parlé du passé. Des jours heureux à Versailles avant que tout ne bascule, des promenades dans les jardins, des rires d’enfants, des soirées paisibles où l’avenir semblait encore possible. Ils n’ont pas parlé de l’échafaud, pas devant les petits.

À 22h30, les gardes ont frappé à la porte. Le temps était écoulé. Louis XVI a fait une dernière promesse. Il a juré à sa famille qu’il les reverrait le lendemain matin avant son départ pour l’échafaud. Une dernière heure ensemble, un dernier moment de tendresse avant l’horreur. Marie-Antoinette s’est accrochée à cette promesse. Elle y a cru. Elle avait besoin d’y croire. Les enfants ont été emmenés, encore en larmes, vers leur chambre à l’étage supérieur. Marie-Antoinette a suivi, le visage ravagé mais tenant encore debout. Madame Élisabeth a serré une dernière fois la main de son frère avant de disparaître dans l’escalier.

Et Louis XVI s’est retrouvé seul. 23h. La porte de la cellule s’est refermée derrière sa famille. Louis XVI est resté debout un long moment, immobile, le regard fixé sur le battant de bois, comme s’il pouvait encore apercevoir leur silhouette à travers. Puis il s’est retourné et il a vu les quatre hommes, quatre commissaires de la Commune de Paris, quatre révolutionnaires désignés pour surveiller le condamné jusqu’à son exécution. Ils étaient assis dans les coins de la chambre. Leurs chaises placées de manière à ne jamais perdre le roi de vue. Leurs yeux ne cillaient pas, leur visage ne montrait aucune émotion.

Ces hommes n’étaient pas là pour le protéger. Ils étaient là pour s’assurer qu’il ne s’échapperait pas, qu’il ne se suiciderait pas, qu’il ne recevrait aucun message secret de l’extérieur. La Commune craignait tout : un complot royaliste, une évasion de dernière minute, un soulèvement populaire. Alors, elle avait placé ses sentinelles au plus près du condamné, dans sa chambre même, à quelques mètres de son lit.

Louis XVI a compris immédiatement ce que cela signifiait. Il n’aurait pas droit à l’intimité de sa dernière nuit, pas droit au silence de ses dernières pensées, pas droit aux larmes qu’il aurait voulu verser seul dans l’obscurité. Chaque soupir serait épié, chaque geste serait noté, chaque murmure serait rapporté. C’était là le premier raffinement de cruauté que la Révolution lui infligeait. Non pas la mort, qui viendrait de toute façon, mais l’impossibilité d’être seul face à cette mort, l’impossibilité de se préparer en paix, l’impossibilité d’être un homme dans ses dernières heures.

Vers minuit, une silhouette est apparue à la porte de la cellule. L’Abbé Henry Essex Edgeworth de Firmont venait d’arriver au Temple. Ce prêtre irlandais d’une cinquantaine d’années connaissait Louis XVI depuis longtemps. Il avait été le confesseur de Madame Élisabeth avant de devenir celui du roi. Quand Louis XVI avait demandé un prêtre pour ses dernières heures, c’était lui qu’il avait réclamé. Pas un prêtre constitutionnel, pas un de ces ecclésiastiques qui avaient prêté serment à la Révolution. Un prêtre réfractaire, fidèle à Rome, fidèle à l’Église que Louis XVI avait toujours servie.

La Convention avait hésité avant d’accorder cette requête. Autoriser un prêtre réfractaire, c’était reconnaître implicitement que les prêtres constitutionnels n’avaient pas la même légitimité spirituelle. Mais refuser, c’était priver un condamné de ses derniers sacrements, et même les révolutionnaires les plus endurcis reculaient devant cette cruauté-là.

L’Abbé Edgeworth avait donc traversé Paris en pleine nuit, escorté par des gardes méfiants. Les rues étaient pleines de sans-culottes qui célébraient déjà la mort du tyran. Plusieurs fois, la voiture avait été arrêtée, fouillée, menacée. On avait craché sur les vitres, on avait hurlé des insultes. L’Abbé n’avait pas bronché. Il serrait son crucifix contre sa poitrine et priait en silence.

Quand il est entré dans la cellule du roi, Louis XVI s’est levé pour l’accueillir. Les deux hommes se sont regardés un long moment. Puis le roi a dit simplement : « Je suis heureux de vous voir. » Ces mots si ordinaires prenaient, dans cette cellule, une résonance extraordinaire. Louis XVI n’avait plus d’armée, plus de couronne, plus de pouvoir, mais il avait encore sa foi. Et cette nuit-là, sa foi était tout ce qui lui restait.

L’Abbé Edgeworth s’est installé près du roi. Il était temps de procéder à la confession. La confession, dans la tradition catholique, est un sacrement qui exige le secret absolu. Ce que le pénitent confie à son prêtre ne peut jamais être révélé, sous aucun prétexte, à personne. C’est un dialogue intime entre l’homme et Dieu, avec le prêtre comme seul intermédiaire. Mais les commissaires de la Commune ont refusé de quitter la chambre.

Louis XVI a protesté. Il a demandé, avec toute la dignité qui lui restait, qu’on lui accorde l’intimité de sa conscience. Quelques minutes seulement, le temps de faire la paix avec Dieu avant de mourir. Les commissaires ont refusé catégoriquement. Leurs ordres étaient clairs : le condamné ne devait jamais être laissé seul, pas même pour prier, pas même pour confesser ses péchés. Ils craignaient un complot, ils craignaient un message secret glissé entre deux Ave Maria. Ils craignaient que le roi ne trouve dans la prière une force qu’il voulait lui refuser.

L’Abbé Edgeworth a tenté d’intervenir. Il a expliqué que le secret de la confession était sacré, inviolable, qu’aucune autorité terrestre ne pouvait s’interposer entre un mourant et son Dieu. Les commissaires n’ont pas cédé. La Révolution ne reconnaissait plus le Dieu des rois.

Louis XVI a fini par accepter. Il n’avait pas le choix. Il s’est agenouillé dans un coin de la chambre, le dos tourné aux gardes, et a commencé à murmurer ses péchés à l’oreille de l’Abbé. Imaginez cette scène : un roi de France, descendant de Saint-Louis, héritier de 14 siècles de monarchie, à genoux sur le sol froid d’une prison, confessant ses fautes dans un chuchotement, tandis que quatre hommes qui le haïssent le regardent de l’autre côté de la pièce. Essayant de trouver la paix de l’âme sous des regards hostiles, cherchant le pardon de Dieu sous les yeux de ceux qui ne lui pardonneront jamais.

Que pouvait-il confesser ? Les historiens ont longtemps spéculé. Peut-être a-t-il demandé pardon pour la fusillade du Champ-de-Mars, quand la Garde Nationale avait tiré sur la foule trois ans plus tôt ? Peut-être pour la fuite à Varennes, cette tentative d’évasion qui avait brisé la confiance du peuple ? Peut-être pour les hésitations, les maladresses, les erreurs de jugement qui avaient mené la France au chaos ? Ou peut-être, plus simplement, a-t-il confessé les péchés ordinaires d’un homme ordinaire : les moments de colère, les instants de doute, les nuits où il avait maudit son destin au lieu de l’accepter avec foi ?

L’Abbé Edgeworth n’a jamais révélé le contenu de cette confession. Il a emporté ce secret dans sa tombe en Angleterre 20 ans plus tard. C’était son devoir de prêtre. C’était aussi peut-être son dernier cadeau au roi qu’il avait accompagné jusqu’au bout.

Après l’absolution, Louis XVI s’est relevé. Il semblait apaisé, comme si un poids immense venait de quitter ses épaules. Il a remercié l’Abbé Edgeworth avec une simplicité qui a ému le prêtre jusqu’aux larmes. Puis il a demandé à dormir quelques heures. Cléry, son fidèle valet de chambre, a préparé le lit. Un matelas étroit, des draps rêches, une couverture insuffisante contre le froid de janvier. Louis XVI s’est allongé, tout habillé, sans retirer ses chaussures. Il savait qu’il devrait se lever tôt.

L’Abbé Edgeworth s’est installé sur une chaise près de la porte, son bréviaire à la main. Il veillerait toute la nuit, priant pour l’âme du roi. Mais les commissaires, eux, n’ont pas bougé. Ils sont restés assis dans leur coin, les yeux fixés sur le lit où Louis XVI tentait de trouver le sommeil. Chaque fois que le roi se retournait, ils notaient le mouvement. Chaque soupir était épié, chaque geste analysé, chaque instant de cette nuit transformé en surveillance.

À un moment, l’un des commissaires s’est approché du lit. Les témoignages divergent sur son identité. Certains disent qu’il s’agissait de Jacques Roux, ce prêtre défroqué devenu révolutionnaire enragé, qui haïssait la monarchie avec une violence presque physique. L’homme s’est penché au-dessus du roi et l’a fixé longuement, comme s’il voulait graver dans sa mémoire le visage de celui qu’on allait tuer. Louis XVI a ouvert les yeux. Il a croisé ce regard haineux, cette curiosité malsaine, cette jouissance anticipée de sa mort prochaine. Il n’a rien dit. Il a simplement refermé les paupières et s’est retourné vers le mur. Cette nuit-là, le roi de France n’a pas dormi.

Cinq heures du matin. La nuit n’en finissait pas de s’étirer dans la cellule du Temple. Louis XVI n’avait pas fermé l’œil. Comment aurait-il pu dormir avec ces quatre paires d’yeux fixées sur lui dans la pénombre ? L’Abbé Edgeworth non plus n’avait pas dormi. Il était resté sur sa chaise, son bréviaire ouvert sur les genoux, murmurant des prières latines que personne n’écoutait. De temps en temps, il levait les yeux vers le lit du roi et voyait cette silhouette immobile qui faisait semblant de reposer.

À cinq heures, Cléry s’est approché doucement du lit. Il devait réveiller son maître, mais Louis XVI ne dormait pas. Il s’est redressé immédiatement, comme s’il attendait ce moment depuis des heures. Le valet a allumé les chandelles. Dans la lumière vacillante, le visage du roi est apparu, creusé par la fatigue et l’angoisse. Ses yeux étaient rouges, mais secs. Il avait pleuré pendant la nuit, en silence, le visage tourné vers le mur pour que les commissaires ne voient pas ses larmes.

Louis XVI s’est levé et a commencé sa toilette. Les gestes étaient lents, méthodiques, presque rituels : se laver le visage, se raser, se coiffer. Des gestes qu’il avait accomplis des milliers de fois dans sa vie, à Versailles, aux Tuileries, et maintenant dans cette prison glaciale. Des gestes ordinaires qui prenaient ce matin-là une dimension extraordinaire. C’était la dernière fois.

Cléry l’a aidé à s’habiller. Un gilet blanc boutonné avec soin, un habit brun sobre et sans ornement, des bas de soie gris, des chaussures à boucle d’argent. Louis XVI tenait à être présentable. Il allait mourir devant des milliers de personnes. Il refusait de leur donner le spectacle d’un homme négligé.

Pendant qu’il s’habillait, une pensée ne cessait de revenir : sa famille. Marie-Antoinette, les enfants. Il leur avait promis de les revoir ce matin avant de partir pour l’échafaud. Une dernière heure ensemble, un dernier moment de tendresse.

À l’étage supérieur, Marie-Antoinette était éveillée depuis longtemps. Elle aussi avait passé une nuit blanche, l’oreille tendue vers le moindre bruit, guettant les pas de son époux dans l’escalier. Le petit Louis-Charles s’était endormi vers 3h du matin, épuisé par les larmes. Marie-Thérèse veillait au côté de sa mère, silencieuse et grave. Ils attendaient, tous, la promesse du roi. Ils attendaient ces dernières minutes qu’il leur avait jurées.

Mais dans la cellule de Louis XVI, une décision terrible était en train de se prendre. L’Abbé Edgeworth s’est approché du roi et lui a parlé à voix basse. Nous ne savons pas exactement ce qu’il lui a dit. Les témoignages divergent. Certains affirment que le prêtre a conseillé à Louis XVI de renoncer à cette dernière entrevue. D’autres pensent que c’est le roi lui-même qui a pris cette décision, sans que personne ne l’y pousse. Ce que nous savons, c’est le résultat : Louis XVI a décidé de ne pas revoir sa famille.

Pourquoi ? Comment un père peut-il renoncer à embrasser ses enfants une dernière fois ? Comment un époux peut-il refuser de serrer sa femme dans ses bras avant de mourir ?

L’Abbé Edgeworth a tenté d’expliquer ce choix dans ses mémoires. Selon lui, Louis XVI craignait de perdre son courage. Les adieux de la veille l’avaient brisé. Pendant deux heures, il avait tenu ses enfants contre lui. Il avait senti leurs larmes couler sur son visage. Il avait entendu leurs sanglots déchirer le silence de la cellule. S’il devait revivre cette scène, il ne serait plus capable d’affronter l’échafaud avec dignité.

Mais il y a peut-être une autre explication, une explication plus sombre que les historiens n’osent pas toujours formuler. Les commissaires de la Commune n’avaient aucune envie de permettre cette entrevue. Ils craignaient une scène. Ils craignaient que les cris des enfants n’émeuvent les gardes. Ils craignaient que Marie-Antoinette ne tente quelque chose de désespéré. Certains témoignages suggèrent qu’ils ont découragé le roi de tenir sa promesse, qu’ils ont fait comprendre que cette entrevue serait difficile, compliquée, peut-être impossible à organiser dans les délais. Louis XVI était épuisé. Il n’avait pas dormi. Il n’avait plus la force de se battre pour quelques minutes de plus avec sa famille. Alors il a cédé. Il a dit à Cléry : « Dites à la reine que je lui demande pardon de ne pas la voir, mais je veux lui épargner la douleur d’une si cruelle séparation. »

Ces mots, Cléry les a notés dans son journal. Ils sont parvenus jusqu’à nous, intacts, comme un aveu de faiblesse et d’amour mêlés.

À l’étage supérieur, Marie-Antoinette attendait toujours. Six heures, sept heures. Aucun bruit de pas dans l’escalier, aucun garde venant la chercher. Le silence seulement. Le silence et le battement des tambours qui montaient depuis la cour du Temple. Marie-Thérèse a commencé à s’inquiéter. Elle a demandé à sa mère pourquoi son père ne venait pas. Marie-Antoinette n’a pas répondu. Elle ne pouvait pas répondre. Elle commençait à comprendre. Le petit Louis-Charles s’est réveillé vers sept heures. Il a immédiatement demandé à voir son père. On lui a dit d’attendre. Il a attendu, assis sur son lit, serrant contre lui un petit soldat de plomb que le roi lui avait offert des années auparavant.

À 8h, les tambours se sont intensifiés. Marie-Antoinette s’est précipitée vers la fenêtre, mais les volets étaient cloués de l’extérieur. Elle ne pouvait rien voir. Elle ne pouvait qu’écouter. Elle a entendu le bruit d’un carrosse dans la cour. Elle a entendu des ordres crier, des chevaux qui piaffaient, des portes qui claquaient. Elle a compris que son époux partait pour l’échafaud. Sans elle, sans les enfants, sans les adieux qu’il leur avait promis.

Marie-Antoinette s’est effondrée. Pour la première fois depuis le début de leur captivité, elle a perdu toute contenance. Elle a hurlé. Elle a frappé les murs de ses poings. Elle a supplié qu’on la laisse descendre, qu’on lui accorde une minute, une seule minute avec son époux. Personne ne l’a écoutée. Les gardes avaient leurs ordres. Le carrosse est parti sans s’arrêter.

Dans la cellule du rez-de-chaussée, Louis XVI terminait ses préparatifs. Il avait refusé de manger, mais avait accepté un peu de vin pour se donner des forces. Il avait relu une dernière fois son testament, vérifiant que chaque mot était à sa place. Il avait remis à Cléry quelques objets personnels : une bague pour Marie-Antoinette, un cachet pour son fils, des mèches de cheveux pour chacun de ses enfants. Cléry pleurait. Il ne cherchait même plus à cacher ses larmes. Ce serviteur fidèle qui avait suivi son maître depuis Versailles jusqu’à cette prison savait qu’il ne le reverrait jamais.

Louis XVI l’a pris par les épaules et lui a dit : « Cléry, vous donnerez ce cachet à mon fils. Dites-lui que je le bénis, ainsi que ma fille. Dites à la reine que je l’aime et que je la quitte avec peine. » Puis il a ajouté, d’une voix plus basse : « Dites-leur que je leur demande pardon. » Pardon de quoi ? De ne pas avoir su les protéger ? De ne pas avoir été le roi que la France attendait ? De ne pas avoir eu le courage de les revoir une dernière fois ? Cléry n’a jamais su exactement ce que le roi voulait dire, mais il a transmis le message mot pour mot. Quelques heures plus tard, Marie-Antoinette l’a écouté en silence. Elle n’a fait aucun commentaire. Elle a simplement serré la bague contre son cœur et s’est retirée dans sa chambre.

À 8h15, la porte de la cellule s’est ouverte. Santerre, le commandant de la Garde Nationale, est entré. C’était un homme massif, ancien brasseur, devenu l’un des chefs militaires de la Révolution. Il portait un uniforme bleu et une écharpe tricolore. Son visage ne montrait aucune émotion. Il a dit simplement : « Il est temps. »

Louis XVI s’est levé. Il a regardé une dernière fois sa cellule, ce lieu où il avait passé les derniers mois de sa vie. Puis il s’est tourné vers l’Abbé Edgeworth et lui a dit : « Allons. »

Les deux hommes sont sortis ensemble. Dans la cour du Temple, un carrosse vert sombre les attendait. Deux gendarmes y étaient déjà installés, baïonnettes au canon. Dehors, quatre maquereaux soldats formaient une haie d’honneur inversée, prêts à empêcher toute tentative de sauvetage. Louis XVI est monté dans le carrosse sans hésiter. L’Abbé Edgeworth s’est assis à côté de lui. La portière s’est refermée. Le trajet vers l’échafaud venait de commencer.

Le carrosse s’est ébranlé lentement. Les roues ont grincé sur les pavés de la cour du Temple. Puis la voiture a franchi le porche et s’est engagée dans les rues de Paris. Il était 9h du matin. Le trajet jusqu’à la Place de la Révolution durerait près de deux heures.

Louis XVI était assis face aux deux gendarmes. L’Abbé Edgeworth se tenait à ses côtés, un petit livre de prière ouvert sur les genoux. Le roi avait demandé ce livre la veille. C’était un bréviaire contenant les psaumes des agonisants, ces prières que l’Église catholique récite pour accompagner les mourants vers l’au-delà.

Pendant tout le trajet, Louis XVI n’a pas regardé par la fenêtre, pas une seule fois. Il gardait les yeux baissés sur le livre, ses lèvres remuant silencieusement au rythme des versets latins. De temps en temps, l’Abbé Edgeworth tournait une page. C’était le seul mouvement dans ce carrosse qui avançait vers la mort.

Dehors, Paris grondait. La Commune avait mobilisé des forces considérables pour cette journée. Des hommes en armes bordaient le parcours. Des canons étaient positionnés aux carrefours stratégiques. Des cavaliers patrouillaient dans les rues adjacentes, prêts à intervenir au moindre signe de trouble. Les autorités révolutionnaires craignaient tout : un complot royaliste, une tentative d’évasion, un soulèvement populaire. Depuis des semaines, des rumeurs circulaient. On parlait de nobles armés cachés dans les greniers, de prêtres réfractaires préparant une insurrection, de puissances étrangères envoyant des agents secrets pour libérer le roi. Rien de tout cela n’était vrai, mais la peur était réelle, et cette peur avait transformé Paris en camp retranché.

Le carrosse avançait au pas, entouré d’une escorte de gardes nationaux. Les rues étaient noires de monde. Des milliers de Parisiens s’étaient massés sur les trottoirs pour voir passer le tyran. Certains criaient des insultes, d’autres brandissaient des piques ou des bonnets phrygiens. Quelques-uns restaient silencieux, le visage fermé, incapable peut-être de croire à ce qui se passait.

À plusieurs reprises, la foule s’est pressée contre le carrosse. Des visages haineux sont apparus aux fenêtres. Des poings ont frappé les vitres. Des voix ont hurlé : « À mort le tyran ! Vive la République ! » Louis XVI n’a pas réagi. Il continuait à lire ses prières, imperturbable, comme si ce tumulte ne le concernait pas. Les gendarmes, assis en face de lui, l’observaient avec un mélange de méfiance et de stupéfaction. Ils s’attendaient à voir un homme terrifié, suppliant, effondré. Ils voyaient un homme calme qui priait.

L’Abbé Edgeworth a laissé un témoignage de ces instants. Il écrit : « Le roi, plongé dans le livre que je lui avais donné, paraissait n’entendre que la voix de la religion. Tout ce bruit, tous ces cris, toute cette haine semblait glisser sur lui sans l’atteindre. »

Ce calme extraordinaire a troublé jusqu’au bourreau. Charles-Henri Sanson, l’exécuteur des hautes œuvres, racontera plus tard qu’il n’avait jamais vu un condamné affronter la mort avec une telle sérénité.

Le carrosse a traversé la rue du Temple, puis la rue Saint-Martin. Il a longé les Grands Boulevards, ces artères que Louis XIV avait fait percer un siècle plus tôt pour embellir sa capitale. Ironie cruelle : le descendant du Roi Soleil traversait les avenues de son ancêtre pour aller mourir. À chaque carrefour, les tambours battaient. C’était un roulement continu, assourdissant, qui couvrait tous les autres bruits. La Commune avait ordonné ce vacarme pour empêcher le roi de parler à la foule. Elle craignait qu’un mot de lui, un appel au pardon ou à la pitié, ne retourne l’opinion publique.

Vers 9h30, le carrosse est passé devant l’église de la Madeleine, encore inachevée à l’époque. Louis XVI a levé les yeux un instant, contemplant ce chantier abandonné. Puis il a repris sa lecture. Quelques minutes plus tard, la Place de la Révolution est apparue. Cette place, nous la connaissons aujourd’hui sous le nom de Place de la Concorde. Mais en ce matin de janvier 1793, elle portait un autre nom et servait un autre usage.

Au centre de la place se dressait l’échafaud, une plateforme de bois haute de plusieurs mètres, accessible par un escalier étroit. Et sur cette plateforme, la machine, la guillotine. Ce dispositif que le docteur Guillotin avait présenté quelques années plus tôt comme un progrès humanitaire, une mort rapide et sans souffrance, égale pour tous.

Autour de l’échafaud, une foule immense. Vingt mille personnes, peut-être davantage, massées sur la place et dans les rues adjacentes. Des hommes, des femmes, des enfants, venus assister au spectacle. Certains avaient apporté des chaises pour mieux voir. D’autres s’étaient hissés sur les toits des maisons voisines.

Le carrosse s’est arrêté au pied de l’échafaud. Il était 10h10. Louis XVI a fermé son livre de prière. Il l’a tendu à l’Abbé Edgeworth. Puis il a dit, d’une voix ferme : « Nous sommes arrivés, je crois. »

La portière s’est ouverte. Le roi est descendu du carrosse. Ce qui s’est passé ensuite a fait l’objet de nombreux témoignages, parfois contradictoires, mais certains détails reviennent dans toutes les sources. Louis XVI a gravi les marches de l’échafaud avec une fermeté qui a surpris tout le monde. Il ne tremblait pas, il ne pleurait pas, il marchait droit, le menton levé, comme s’il montait les marches d’un trône plutôt que celles d’un échafaud.

En haut, trois hommes l’attendaient : Charles-Henri Sanson, le bourreau en chef, et ses deux aides. Ils portaient des habits rouges, couleur traditionnelle des exécuteurs. Leur visage était grave, presque solennel. Sanson s’est approché du roi pour lui retirer son habit et lui couper les cheveux. La guillotine exigeait que la nuque soit dégagée. Mais quand les aides ont voulu lui lier les mains, Louis XVI a résisté. « Me lier les mains ? » a-t-il dit. « Je n’y consentirai jamais ! Faites ce qui vous est ordonné, mais vous ne me lierez pas. »

Un instant de tension. Les bourreaux ont hésité. Ils avaient leurs ordres. Sanson a fait signe à ses aides de procéder de force. C’est alors que l’Abbé Edgeworth est intervenu. Il s’est approché du roi et lui a murmuré quelques mots à l’oreille. Nous ne savons pas exactement ce qu’il lui a dit. Peut-être lui a-t-il rappelé que le Christ lui-même avait été lié avant d’être crucifié. Peut-être lui a-t-il simplement demandé d’accepter cette dernière humiliation pour l’amour de Dieu.

Louis XVI a baissé la tête. Puis il a tendu ses mains au bourreau. Une fois les mains liées, le roi s’est avancé vers le bord de l’échafaud. Il voulait parler à la foule. Il avait quelque chose à dire avant de mourir. Il a levé la main pour demander le silence. La foule s’est tue, par curiosité plus que par respect. Et Louis XVI a commencé à parler : « Français, je meurs innocent. Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France. »

Il n’a pas pu terminer sa phrase. Santerre, le commandant de la Garde Nationale, a levé son sabre. C’était le signal. Immédiatement, les tambours se sont mis à battre avec une violence assourdissante. Vingt cinquante tambours frappaient simultanément, créant un vacarme qui a couvert la voix du roi. Louis XVI a tenté de continuer. Il a crié plus fort, essayant de surmonter le bruit, mais c’était impossible. Ses dernières paroles se sont perdues dans le roulement des tambours.

Les bourreaux l’ont saisi par les bras et l’ont entraîné vers la guillotine. Louis XVI n’a pas résisté. Il s’est laissé allonger sur la planche de bois. Il a senti le carcan se refermer autour de son cou. Il a vu au-dessus de lui la lame d’acier qui brillait dans la lumière grise de janvier.

L’Abbé Edgeworth s’est penché vers lui. Selon la légende, il aurait murmuré : « Fils de Saint-Louis, montez au ciel. » Ces mots sont-ils authentiques ? Sanson lui-même n’était pas certain de les avoir entendus. Mais ils sont entrés dans l’histoire, vrais ou inventés, comme le dernier message adressé au dernier roi de l’Ancien Régime.

À 10h22, le couperet est tombé. Le couperet est tombé avec un bruit sourd. La tête de Louis XVI a roulé dans le panier d’osier placé sous la guillotine. Un aide du bourreau l’a saisie par les cheveux et l’a brandie face à la foule. Pendant une seconde, peut-être deux, un silence étrange a plané sur la Place de la Révolution. Vingt mille personnes retenaient leur souffle, comme si elles n’arrivaient pas à croire ce qui venait de se passer. La France avait un roi depuis plus de 1000 ans, et soudain, elle n’en avait plus.

Puis le silence s’est brisé. Un cri immense a jailli de la foule : « Vive la Nation ! Vive la République ! » Des hommes ont jeté leur chapeaux en l’air. Des femmes ont applaudi. Des enfants, hissés sur les épaules de leur père, ont regardé sans comprendre cette tête sanglante qu’on agitait devant eux. Certains spectateurs se sont précipités vers l’échafaud pour tremper leur mouchoir dans le sang du roi. Ils voulaient un souvenir, une relique de ce jour historique.

Sur l’échafaud, Sanson et ses aides travaillaient en silence. Ils ont déposé le corps dans un panier, puis la tête. Ils ont nettoyé la lame de la guillotine avec des chiffons. Dans quelques heures, la machine servirait à nouveau. La Terreur ne faisait que commencer.

L’Abbé Edgeworth est resté immobile au bord de l’échafaud, le visage livide. Il avait accompagné des dizaines de condamnés vers la mort, mais celui-ci était différent. Celui-ci était un roi. Et malgré toutes les fautes qu’on pouvait lui reprocher, ce roi était mort en chrétien, avec une dignité que personne n’attendait de lui. Le prêtre est descendu lentement de l’échafaud. La foule s’est écartée devant lui, par réflexe plus que par respect. Personne ne l’a inquiété. Il a traversé la place, puis les rues de Paris, seul, son crucifix serré contre sa poitrine. Il marchait vers l’exil. Il ne reviendrait jamais en France.

Au même moment, dans la Tour du Temple, Marie-Antoinette attendait toujours. Elle n’avait pas quitté sa fenêtre depuis le départ du carrosse. Les volets étaient cloués, mais elle pouvait entendre. Elle entendait les tambours qui battaient sans relâche. Elle entendait les cris lointains de la foule. Elle entendait son propre cœur qui cognait dans sa poitrine. Les enfants étaient restés dans la chambre avec elle. Marie-Thérèse, 14 ans, se tenait droite sur une chaise, les mains croisées sur les genoux, le visage figé dans une expression de terreur contenue. Le petit Louis-Charles, 7 ans, était assis sur le lit, serrant toujours son soldat de plomb. Il ne comprenait pas vraiment ce qui se passait. Il savait seulement que son père était parti et qu’il ne reviendrait pas. Madame Élisabeth priait à voix basse dans un coin de la pièce. Elle égrenait son chapelet, murmurant des Ave Maria, cherchant dans la prière un réconfort que la réalité ne pouvait plus offrir.

Vers 10h et demie, les cris de la foule sont montés jusqu’au Temple : « Vive la Nation ! Vive la République ! » Ces acclamations triomphantes, portées par le vent d’hiver, ont traversé les murs épais de la prison. Marie-Antoinette a compris. Elle n’avait pas besoin qu’on lui annonce la nouvelle. Ces cris de joie disaient tout. Son époux était mort. Le père de ses enfants était mort. Le roi de France était mort.

Elle s’est effondrée. Les témoignages de cette scène sont rares et fragmentaires. Les gardes qui surveillaient la famille royale n’ont pas laissé de récits détaillés. Mais nous savons que Marie-Antoinette a poussé un cri terrible. Un cri qui a résonné dans tout l’étage. Un cri de bête blessée, de femme brisée, de reine déchue. Les enfants se sont précipités vers leur mère. Marie-Thérèse l’a prise dans ses bras, essayant de la consoler avec des mots qu’elle ne trouvait pas. Louis-Charles s’est mis à pleurer, sans comprendre pourquoi sa mère hurlait, sans comprendre pourquoi tout le monde pleurait. Madame Élisabeth a continué à prier. C’était tout ce qu’elle pouvait faire. Prier pour son frère, prier pour sa famille, prier pour elle-même, car elle savait que son tour viendrait bientôt.

Dans les heures qui ont suivi l’exécution, le corps de Louis XVI a été transporté au cimetière de la Madeleine, non loin de la Place de la Révolution. On l’a jeté dans une fosse commune, sans cercueil, sans cérémonie, sans prière. De la chaux vive a été versée sur le cadavre pour accélérer la décomposition. La Convention voulait effacer jusqu’à la trace physique du roi. Elle voulait que rien ne subsiste de lui. Pas de tombe où les royalistes pourraient venir se recueillir. Pas de relique autour de laquelle pourrait se cristalliser une opposition. Rien qu’un corps anonyme mêlé à la terre, oublié de tous.

Mais l’histoire a ses ironies. 22 ans plus tard, en 1815, la monarchie est revenue en France. Louis XVIII, frère cadet de Louis XVI, est monté sur le trône. L’une de ses premières décisions a été de retrouver les restes de son frère et de sa belle-sœur. On a fouillé le cimetière de la Madeleine. On a creusé, sondé, exhumé, et on a retrouvé les ossements. Ceux de Louis XVI, ceux de Marie-Antoinette, exécutée neuf mois après son époux, mêlés, confondus, impossibles à distinguer avec certitude. Ces restes ont été transférés à la basilique de Saint-Denis, nécropole des rois de France depuis des siècles. Une chapelle expiatoire a été construite sur l’ancien cimetière de la Madeleine. Elle existe encore aujourd’hui au cœur de Paris, discrète et silencieuse. Témoignage de pierre d’une nuit de janvier 1793.

Que reste-t-il de cette nuit-là ? Que nous apprend-elle sur l’humanité, sur le pouvoir, sur la dignité face à l’anéantissement ? Louis XVI n’était pas un grand roi. Les historiens s’accordent sur ce point. Il n’avait pas le charisme de François Ier, ni la vision de Louis XIV, ni le génie politique de Napoléon. C’était un homme ordinaire, propulsé par le hasard de la naissance dans un rôle qui le dépassait. Il aimait la chasse et la serrurerie. Il préférait les travaux manuels aux intrigues de cour. Il était timide, maladroit, incapable de s’imposer face aux courtisans qui l’entouraient. Quand la Révolution a éclaté, il n’a pas su réagir. Il a hésité, tergiversé, reculé, avancé, jusqu’à se retrouver prisonnier de forces qu’il ne comprenait pas.

Mais cette nuit-là, dans cette cellule glacée du Temple, quelque chose a changé. Face à la mort certaine, face aux humiliations calculées, face aux regards haineux de ses geôliers, Louis XVI a trouvé une force qu’il n’avait jamais montrée de son vivant : une dignité tranquille, une foi inébranlable, une capacité à pardonner qui dépassait tout ce qu’on pouvait attendre de lui.

Son testament, écrit pendant cette nuit d’agonie, contient ces mots : « Je pardonne de tout mon cœur à ceux qui se sont fait mes ennemis sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner. » Ces mots ne sont pas ceux d’un tyran. Ce ne sont pas ceux d’un homme qui méritait la haine qu’on lui vouait. Ce sont les mots d’un être humain qui, au seuil de la mort, a choisi le pardon plutôt que la rancœur.

Les révolutionnaires voulaient prouver qu’un roi n’était qu’un homme. Ils ont réussi, mais pas de la manière qu’ils espéraient. En surveillant Louis XVI jusqu’à l’obsession, en lui refusant l’intimité de sa dernière nuit, en couvrant sa voix de tambours pour qu’il ne puisse pas parler à la foule, ils ont révélé leur propre peur. Ils avaient peur de cet homme désarmé. Peur de ses mots. Peur de sa dignité. Peur que le peuple, en voyant mourir son roi avec courage, ne regrette de l’avoir condamné. Cette peur était peut-être justifiée, car deux siècles plus tard, c’est la dignité de Louis XVI que l’histoire a retenue. Pas ses erreurs politiques. Pas ses hésitations. Pas son incapacité à gouverner. Sa dignité face à la mort.

Et cette dignité pose une question qui résonne encore aujourd’hui. Une question sur le pouvoir, sur la justice, sur ce que nous sommes prêts à faire au nom de nos idéaux. La Révolution française a renversé un monde ancien. Elle a proclamé les Droits de l’Homme. Elle a aboli les privilèges. Elle a ouvert la voie à la démocratie moderne. Mais elle l’a fait dans le sang. Elle l’a fait en guillotinant des milliers de personnes, coupables ou innocentes, nobles ou paysans, prêtres ou révolutionnaires. Louis XVI était-il coupable ? La question n’a jamais trouvé de réponse définitive. Il était roi dans un système injuste, mais il n’avait pas choisi ce système. Il en avait hérité, comme on hérite d’un fardeau trop lourd à porter.

Ce qui est certain, c’est que la nuit du 20 au 21 janvier 1793 nous parle de quelque chose d’universel : de la solitude face à la mort, du courage dans l’adversité, du pardon comme ultime liberté. Dans cette cellule du Temple, sous les regards de quatre hommes qui attendaient l’aube pour le voir mourir, Louis XVI a cessé d’être un roi. Il est devenu un homme, et c’est peut-être là sa plus grande victoire.

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