Comment la Résistance Française a Détruit 486 Locomotives — Sans Jamais Tirer un Coup de Feu

Le 3 juin 1944, à 2hes du matin, Henry Morau glisse sa main dans la poche de sa blouse de mécanicien. Ses doigts se referment sur un petit tube métallique pas plus gros qu’un rouge à lèvres. À l’intérieur, une pâte grise, épaisse, légèrement granuleuse, du carbure de silicium mélangé à de la graisse industrielle.
Les britanniques du SOE appellent ça la Grèce lourde. Henri lui l’appelle la mort silencieuse des locomotives. Autour de lui, le dépôt ferroviaire de trappe dort sous le couvre-feu. 23 locomotives alignées dans la rotonde, toutes réquisitionnées par la Vermarthe, toutes destinées à transporter des troupes, des blindés, des munitions vers un front qui n’existe pas encore, mais dont tout le monde murmure le nom, la Normandie.

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Henry n’a pas d’armes. Il ne portera pas d’explosif cette nuit. Il ne tirera jamais un coup de feu. Pourtant, avant l’aube, il aura condamné sept locomotives allemandes à une mort lente et irréversible, et il ne sera qu’un parmi des milliers. C’est l’histoire méconnue de la guerre ferroviaire la plus sophistiquée de l’histoire.
L’histoire de comment la résistance française a détruit le système de transport allemand sans faire de bruit. L’histoire des coupures de voix qui ont paralysé un empire. L’histoire de la résistance fer. Pour comprendre ce qui va se passer cette nuit-là dans le dépôt de trappe, il faut remonter 4 ans en arrière.
Juin 1940, la France s’effondre en six semaines. L’armistice est signé et avec lui, une clause dont peu de Français mesurent immédiatement les conséquences. La Société Nationale des chemins de fer français, la SNCF, passe sous contrôle allemand. Ce n’est pas une simple réquisition, c’est une annexion technique.
Le réseau ferroviaire français est l’un des plus développés d’Europe. 23000 km de voie, 14000 locomotives, 300000 wagons. Les Allemands viennent de s’emparer de l’épine dorsale logistique de l’Europe occidentale. Les chiffres sont vertigineux. Entre 1940 et4, la SNCF transportera pour le compte de l’occupant millions de tonnes de matériel militaire.
millions de soldats allemands traverseront la France en train. Les locomotives françaises tireront vers l’est des convois de déporté, vers l’ouest des blindés panzer, vers le sud des divisions entières redéployées depuis le front russe. Mais l’armistice contient une faille que les Allemands ne perçoivent pas immédiatement.
Ils ont besoin des chemineaux français pour faire fonctionner ce système. Les Allemands de la Richban peuvent superviser, contrôler, ordonner. Ils ne peuvent pas conduire chaque train, réparer chaque locomotive, gérer chaque aiguillage. La machine est trop complexe, trop vaste. Cette dépendance est une vulnérabilité.
Henry Morau a 32 ans en 1940. Mécanicien de locomotive depuis l’âge de 16 ans, il connaît les machines à vapeur comme un horloger connaît les rouages d’une montre. Cylindre, piston, biel, distribution valcherz surchau schmith, graissage mécanique. Il peut diagnostiquer une panne au bruit, identifier un défaut d’alignement au toucher.
Cette expertise va devenir une arme. L’automne 1943 marque un tournant. Trois hommes se réunissent clandestinement à Paris. Jean- Guy Bernard, ingénieur ferroviaire. Louis Armand, polytechnicien et futur directeur de la SNCF et Jean Marthelot, syndicaliste. Avec l’aide discrète du directeur Albert Guerville, il crée la résistance fer. Pas un groupe de makizar armés dans les forêts, une organisation clandestine tissée au cœur même de la SNCF, des chefs de gare, des aiguilleurs, des mécaniciens, des contrôleurs.
150000 chemineux français travaillent pour la SNCF en 1943. Des milliers rejoignent la résistance fer. Pas par idéalisme romantique mais par calcul pragmatique. Chaque locomotive immobilisée, c’est un convoi allemand qui n’atteindra pas le front. Chaque voie coupée, c’est une division qui arrivera en retard.
Dans une guerre moderne, la logistique est la victoire. Les britanniques du Special Operations Executive l’ont compris avant tout le monde. Dès 1942, le SOE développe une gamme complète de techniques de sabotage ferroviaire. Ces méthodes sont enseignées dans des centres secrets en Angleterre puis transmises au réseaux français par des agents parachutés.
Henry Moro reçoit sa formation en février 1944. pas en Angleterre, mais dans l’arrière-salle d’un café de Rambouillé lors d’une réunion qui dure vingt minutes, un homme dont il ne connaîtra jamais le vrai nom lui montre trois techniques, trois manières de détruire une locomotive sans que personne ne s’en aperçoive.
Première technique, la pâte abrasive. Le SOE a développé ce qu’ils appellent pudiquement la graisse lourde heavy grease en anglais. C’est un mélange de graisse industrielle standard et de carbure de silicium. Un abrasif extrêmement dur utilisé normalement pour polir le verre. La granulométrie est précise, environ mèches.
Assez fin pour passer inaperçu au toucher. Assez dur pour détruire du métal. Le principe est d’une simplicité diabolique. Les locomotives à vapeur nécessitent une lubrification constante. Cylindres, biinets, boîte des cieux, des dizaines de points de graissage. Henry a passé 15 ans à graisser ses machines.
Il connaît chaque orifice, chaque graisseur, chaque coupelle d’huile. Il suffit de remplacer la graisse normale par de la graisse abrasive. Dans les cylindres de distribution, par exemple, lorsque la locomotive démarre, les pistons coulissent. La graisse abrasive transforme les surfaces d’acier polies en papier de verre.
Microscope après microscope, l’abrasif ray cylindres. En quelques heures de fonctionnement, les tolérances deviennent excessives. La compression chute, la puissance diminue. En tr ou qu jours, la locomotive surchauffe, grippe se bloque. Le plus beau ? Les mécaniciens allemands qui inspectent la machine trouvent exactement ce qu’ils s’attendent à trouver.
Une usure prématurée, un défaut de fabrication, une maintenance défaillante, jamais un sabotage car comment prouver qu’une usure est intentionnelle ? Deuxième technique, les contaminants, du sable fin dans les boîtes des cieux, des pièces de monnaie dans les alimentations d’huile. Les pénis britanniques avaient exactement le bon diamètre, raconte-t-on de l’eau dans les bacs à sable.
Chaque altération minuscule crée un effet différé. Une boîte des cieux contaminée au sable chauffant progressivement jusqu’à la saisie. Une alimentation bloquée par une pièce provoquant un échauffement de palier. Des freins inefficaces à cause de sable humide. Ces techniques ont un avantage décisif. Elles ne nécessitent aucun matériel spécial.
Pas d’explosifs à cacher, pas d’armes à transporter, du sable, de l’eau, quelques pièces de monnaie, des choses qu’on trouve partout, qu’on porte sur soi sans éveiller de soupçon. Troisième technique, les petites charges explosives. Pour cette méthode, le SOE a développé des charges miniature en plastique explosif pesant entre 50 et 100 g.
Elles sont conçues pour être placées dans des points très spécifiques de la locomotive, le cylindre gauche de préférence. L’explosion ne détruit pas la machine entièrement, mais endommage le cylindre suffisamment pour rendre la locomotive inutilisable et surtout, elle empêche les Allemands de cannibaliser des pièces d’une locomotive pour en réparer une autre.
Si toutes les locomotives sabotées ont le cylindre gauche détruit, impossible de faire des échanges. Cette nuit du 3 juin 1944, Henry utilise la première méthode, la Grèce abrasive. Sep locomotives sont prévues pour partir le lendemain matin. Convoi militaire vers le M. Henry commence par la 231 G558, une pacifique récente, puissante.
Il ouvre le panneau d’accès au cylindre gauche. Ses gestes sont précis, automatiques. 15 ans d’expérience. Il retire le bouchon du graisseur, vide le contenu du petit tube, trois cuillères à soupe de mort grise. Il referme 2 minutes. Personne n’a rien vu. Il passe à la suivante puis à une troisième. À la 5ème locomotive, il entend des pas.
Il se fige. Une lampe torche balaye la rotonde. Un garde allemand probablement. Henry se baisse lentement, se glisse sous la locomotive. Le faisceau passe au-dessus de lui. Les bottes raisonnent sur le béton. Elle s’éloigne. Henry attend 5 minutes 10. Sa montre marque 3h15. Il sort de sous la machine, termine son travail.
Cette locomotive traitée, cette condamnation à mort différée. Le lendemain, les sept locomotives quittent le dépôt à l’heure prévu. Elles fonctionne normalement, le surlendemain aussi. Le 3è jour, laandor 2 31 G558 commence à perdre de la puissance. Le mécanicien allemand augmente l’admission de vapeur.
La locomotive répond mais le bruit du cylindre gauche devient irrégulier. Le 4è jour, elle ne peut plus tirer qu’à vitesse réduite. Le 5è jour elle est renvoyée au dépôt pour révision. L’inspection révèle une usure anormale du cylindre. Les Allemands concluent à un défaut de fabrication. La locomotive est mise en attente de réparation. Réparation qui nécessite un nouvel usinage du cylindre.
Travail qui prendra trois semaines si les pièces sont disponible. Si l’atelier n’est pas surchargé, si aucune autre priorité n’intervient, les six autres locomotives suivent le même schéma. Certaines durent 6 jours, d’autres 10. Mais toutes finissent immobilisées et Henry n’est qu’un parmi des centaines. Les statistiques révélées après guerre sont stupéfiantes.
Entre janvier et mars 1944, avant que les bombardements alliés ne s’intensifitent vraiment, la résistance française sabote 808 locomotives. Dans le même temps, les raides aériens alliés en endommagent 387. Le sabotage est plus de deux fois plus efficace que les bombardements. Les Allemands s’en aperçoivent.


En mars 1944, le maréchal Runsteed, commandant en chef à l’Ouest, rédige un rapport à l’armé. Il note l’augmentation rapide des actes de sabotage ferroviaire. En septembre 1943 incidents. En novembre 427 opérations majeures dont 132 déraillements. En mars 1944, plus de 3000 tentatives de sabotage dont une partie significative réussie.
La réponse allemande est brutale mais révélatrice. Ils ne font plus confiance aux chemineux français. Entre février et juin 194, ving travailleurs allemands de la Rich Ban sont déployés en France pour remplacer les Français dans les postes critiques. 20000 prélevés sur le réseau allemand déjà en difficulté. Vainque hommes qui manqueront ailleurs.
Des gardes armées sont placés sur les locomotives. Des mitrailleuses monté sur des wagons plats devant les convois militaires. Les Allemands transforment chaque train en forteresse mobile, ce qui ralentit tout, ce qui consomme des hommes, ce qui prouve que le sabotage fonctionne. Puis arrive le printemps 1944 et avec lui le plan vert.
Le plan vert est conçu à Londres par le chef, le commandement suprême allié, en coordination avec la résistance fer. C’est un plan de sabotage massif et coordonné du réseau ferroviaire français destiné à être activé le jour du débarquement. L’objectif est simple. Empêcher les Allemands d’acheminer rapidement des renforts en Normandie.
Le plan est découpé par région. Chaque région a ses codes radio spécifiques. Techniquement, le CHf pourrait activer le sabotage région par région, ciblant précisément les zones critiques. Mais Eisenheruer fait un choix radical. Activer toutes les régions simultanément. Créer le chaos maximum. Ne pas permettre au àemance de deviner où tombera le coup principal.
Leer juin, les messages codés commencent à être diffusés par la BBC. Des phrases apparemment anodines que des milliers de résistants attendent depuis des semaines. Henry Morau dans sa petite maison de trappe écoute la radio à 21h. Entre deux émissions, une voix est graine. Les D sont sur le tapis. C’est le signal.
Phase d’alerte. Le 5 juin, nouveau message. Il fait chaud à Suè. Activation. Après ce message, toutes les opérations du plan Vert doivent être exécutées. Le 6 juin 1944, les alliés débarquent en Normandie. Ce jour-là et le lendemain, la résistance française exécute 486 coupures de voie ferrées.
486 en 2 jours sur l’ensemble du territoire. Ce chiffre mérite qu’on s’y arrête. 486 coupures ne signifie pas 486 petits trous dans des rails. Chaque coupure implique la destruction complète d’une section de voie. Le SOE a standardisé la technique. Deux charges de 340 g d’explosif plastique placé de part et d’autres d’un rail relié par du cordau détonnant.
L’explosion arrache environ 1 m de rail. suffisant pour dérailler un train. Suffisant pour bloquer la ligne pendant des heures, parfois des jours. La méthode préféré utilise des fog signals, des détonateurs écrasés par le poids du train. Le saboteur place les charges, installe les détonateurs sur la voie, se retire.
Le premier train qui passe déclenche lui-même l’explosion. Le saboteur est déjà loin. Pas de coup de feu, pas de confrontation. Juste des rails qui explosent sous des rouses allemandes. Coupures en 2 jours signifie une coupure toutes les 6 minutes. De jours comme de nuit sur l’ensemble de la France. La précision de cette coordination stupéfie les Allemands.
L’impact opérationnel est immédiat. La deuxième Panzer division SS d’Asreich stationnée à Montaban dans le Sud-Ouest reçoit l’ordre de rejoindre la Normandie le 8 juin. Distance 720 km. En temps normal 3 jours par rail. La division arrivera le 26 juin 18 jours par la route en colonne arrassée, harcelée, bombardé. Quand elle atteindra enfin le front, elle aura perdu un tiers de ses effectifs et la moitié de ses véhicules.
La 17e Panzer Division Gutsfon Berlishing, convoquée depuis le sud de la France mettra 16 jours pour atteindre la Normandie. La neviem Pancer division 20 jours. Toutes ces unités auraient dû arriver en moins d’une semaine par train. Les archives allemandes capturées après guerre révèlent l’ampleur du désastre logistique.
Le journal de guerre du groupe d’armée B note pour juin 1944. Mouvement des troupes sévèrement entravés par sabotage ferroviaire généralisé. Impossible d’utiliser ligne principale. Convoi routier vulnérable aviation ennemie délais inacceptable. Un rapport de la Vermarthe daté du 15 juin 1944 est encore plus explicite.
Système ferroviaire français effectivement détruit zone nord. Sur lignes principales vers Normandie, neuf impraticables. Trois fonctionnent capacité réduite. Sabotage immédiatement réparé est immédiatement recommencé. Personnel français suspect, pas remplaçable. Ce dernier point est crucial. Les Allemands réparent les voies.
La résistance les coupe à nouveau. Souvent au même endroit, parfois la nuit même de la réparation. Les ingénieurs allemands posent des gardes. Les saboteurs attendent que les gardes se relâchent ou coupent une voie 3 km plus loin. C’est une guerre d’usure que les Allemands ne peuvent gagner.
Ils n’ont pas assez d’hommes pour garder 23000 km de voie. Entre juin et août 1944, locomotives supplémentaires sont endommagées ou détruites par sabotage. Certaines par explosif, beaucoup par les méthodes silencieuses. La graisse abrasive, le sable, les contaminants, les petites charges dans les cylindres. Le coût humain est terrible.
150 membres de la résistance feront fusillés. déporté dont la moitié ne reviendra pas. Henri Morau survivra à la guerre, mais pas son frère Cadet Jules, arrêté par la Guestapo en juillet 1944 et fusillé à Fresne le 15 août, jour de la libération de Paris. Jules avait 23 ans. Il était aiguilleur à Versailles. Sa dernière action documentée avoir provoquer accidentellement l’aiguillage d’un convoi allemand sur une voie de garage désaffectée.
Le convoi a perdu 4 heures. Jules a perdu sa vie. Après la guerre, le général de Gaul prononcera ses mots le mai chemineaux de la résistance fer ont combattu sans égard pour les risques durant toute l’occupation avec persévérance, courage et discipline pour la France et la liberté. des mots officiels qui ne disent pas tout, qui ne disent pas les nuits dans les dépôts, les tubes de graisse mortelle caché dans les poches, les secondes d’angoisse quand une torche allemande ballait la retonde.
La tension de savoir qu’on condamne une machine sans laisser de trace, la peur permanente d’être découvert, le courage extraordinaire qu’il faut pour revenir nuit après nuit, semaine après semaine. accomplir un sabotage qui ne se voit pas, qui ne s’entend pas, dont on ne connaîtra jamais vraiment les résultats. Les 886 coupures de voix du Plan Vert sont spectaculaires.
Elles sont documentées, célébrées, méritées, mais elles ne représentent que la partie visible du sabotage ferroviaire, la partie qui fait du bruit, qui laisse des cratères. L’autre guerre, la guerre silencieuse, celle des Henry Morau qui glissent de la pâte grise dans des graisseurs, celle des Jules qui déplacent des aiguillages, celle des mille petits gestes invisibles qui, additionnés, détruisent un système logistique.
Cette guerre-là reste largement méconnue. Pourtant, elle a été déterminante parce qu’elle était impossible à combattre. Comment défendre une locomotive contre de la Grèce ? Comment protéger un roulement contre du sable ? Comment empêcher un chemineau loyal en apparence de commettre dans la solitude d’un dépôt nocturne un acte qui ne sera détecté que 3 jours plus tard à 100 km de là ? Les Allemands ont perdu la guerre ferroviaire française non pas parce qu’ils manquaient de force mais parce qu’il dépendaiit d’un système trop
complexe pour être contrôlé par la seule coercition. Ils avaient besoin des chemineaux français et une fois que ces chemineaux ont décidé de résister, silencieusement, méthodiquement, techniquement, la machine s’est grippée exactement comme un cylindre contaminé par du carbure de silicium sans bruit. sans violence visible mais irrémédiablement.
Henry Morau est mort en 1978 à l’âge de 70 ans. Il n’a jamais raconté publiquement ses actions. Pas de médaille, pas de discours. Il a repris son travail de mécanicien à la libération, a passé 30 ans supplémentaires à réparer les locomotives qu’il avait autrefois saboté et s’est éteint discrètement comme il avait combattu.
Mais dans le petit musée de la SNCF attrape, une photo Johony montre un groupe de chemineau en 1945. Henry est au second rang légèrement flou. Son visage est fermé, ses mains dans les poches. Peut-être cherchait-il encore par réflexe le petit tube métallique ? Peut-être pensait-il à Jules. Peut-être simplement à toutes ces locomotives qu’il faudrait reconstruire.
Sur le cadre, une plaque discrète, résistance fer, dépôt de trappe. 1940-144 rien de plus, tout est dit. M.

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