Le procès terrifiant et les derniers jours de Maximilien Robespierre

L’exécuteur devait d’abord arracher le bandage. Maximilien Robespierre, l’homme qui avait envoyé des milliers de personnes à la guillotine, l’architecte de la Terreur, la voix qui avait condamné rois, reines et révolutionnaires à la même lame, était sur le point de découvrir ce que ses victimes avaient ressenti. Mais un problème demeurait : sa mâchoire était brisée. Un bandage imbibé de sang maintenait encore les restes de son visage et ce bandage se trouvait dans le passage. Les trente secondes qui suivirent produisirent un son que les témoins jurèrent ne jamais oublier de toute leur vie.

Voici ce qu’il faut comprendre à propos de Robespierre, ce qui rend son histoire si fascinante et si terrifiante : ce n’était pas un tyran sanguinaire, pas un homme ayant pris le pouvoir par la force. C’était un avocat, un homme d’une rigidité morale si extrême qu’on le surnommait « l’Incorruptible », un homme qui, avant la Révolution, s’opposait à la peine de mort. Et pourtant, c’est ce même homme qui se retrouva à présider une machine ayant tué plus de 2 000 personnes en moins d’un an.

La question qui hantait Paris à l’été 1794 n’était plus de savoir si la Terreur finirait, mais s’ils survivraient assez longtemps pour en voir la fin. En juillet 1794, les tribunaux révolutionnaires avaient jugé plus de 200 000 suspects. Les prisons débordaient de près de 8 000 détenus entassés dans des cellules, attendant de savoir si leur nom figurait sur une liste. Le mois de juin à lui seul avait connu treize exécutions quotidiennes, soit plus de quarante morts par jour. La guillotine tournait sans relâche, au point que les bourreaux eux-mêmes se plaignaient d’épuisement. Au centre de la tempête, Robespierre était de plus en plus paranoïque, isolé et convaincu que des ennemis l’encerclaient. Sur ce point, il ne se trompait pas. Un complot se formait et, dans les quarante-huit heures suivantes, l’homme qui avait perfectionné l’art de la mort politique se retrouverait du mauvais côté de sa propre machine.

Pour comprendre sa chute, il faut comprendre la France de juin 1794. La Révolution avait cinq ans. Le roi était mort depuis dix-huit mois, exécuté par la même guillotine qui allait bientôt réclamer Robespierre. La reine Marie-Antoinette l’avait suivie neuf mois plus tard. La France était en guerre avec presque toute l’Europe : l’Autriche, la Prusse, la Grande-Bretagne, l’Espagne et la République des Provinces-Unies. Les armées pressaient sur toutes les frontières et, à l’intérieur du pays, le gouvernement avait décidé que la seule façon de survivre était d’éliminer quiconque pouvait sembler déloyal.

La loi du 22 prairial, adoptée le 10 juin 1794, rendit cela plus simple que jamais. Cette loi balaya les derniers vestiges de protection judiciaire : plus d’avocats pour la défense, plus de témoins pour les accuser. La définition de l’ennemi du peuple s’élargit jusqu’à englober pratiquement toute critique du gouvernement. Voici l’essentiel : cette loi fut officiellement proposée par Georges Couthon, un allié proche de Robespierre, mais tout le monde savait que c’était ce dernier qui l’avait réellement voulue. Il poussait depuis des mois pour obtenir une mesure exactement comme celle-ci.

Les résultats furent immédiats et stupéfiants. La population carcérale à Paris passa d’environ 7 000 détenus à la fin du mois d’avril à près de 8 000 à la fin juillet. Les tribunaux allaient si vite que les procès, si l’on peut encore appeler cela des procès, ne duraient parfois que quelques minutes. Mais quelque chose d’étrange arrivait à Robespierre : à partir de la mi-juin, il commença à se retirer. Il cessa d’assister aux séances de la Convention, le Parlement révolutionnaire, et au Comité de salut public, l’organe de douze hommes qui dirigeait pratiquement la France. Pendant presque six semaines, entre juin et le 26 juillet, il fut à peine vu en public.

Sa santé se dégradait visiblement. Ceux qui l’aperçurent décrivirent un homme plus frêle, plus anxieux, dévoré par la suspicion. En partie, il avait raison. Il y avait eu deux tentatives d’assassinat à la fin du mois de mai : l’une contre son allié Collot d’Herbois le 23 mai, et une autre contre Robespierre lui-même deux jours plus tard. Mais son retrait se révéla être une erreur catastrophique car, pendant que Robespierre se cachait, ses ennemis s’organisaient.

Les hommes qui allaient renverser Robespierre n’étaient pas des héros, soyons très clairs. C’étaient des hommes qui avaient du sang sur les mains, qui avaient participé avec enthousiasme à la Terreur et envoyé des centaines, voire des milliers de personnes à la mort. Mais maintenant, ils avaient peur. Jean-Lambert Tallien avait autrefois soutenu Robespierre avec fidélité, mais il avait commis une erreur fatale : il était tombé amoureux d’une femme, Thérésa Cabarrus, qui attendait son exécution en prison. Il savait que si Robespierre découvrait l’ampleur de sa modération, sa propre tête serait la prochaine.

Joseph Fouché, lui, était une tout autre histoire. Il avait survécu à des purges précédentes grâce à un mélange de ruse et d’impudence qui ferait de lui l’un des plus grands survivants de la politique française. Il avait participé à des massacres à Lyon que même d’autres révolutionnaires avaient jugés excessifs. Maintenant, il était terrifié, convaincu que Robespierre venait pour lui. Jacques-Nicolas Billaud-Varenne et Jean-Marie Collot d’Herbois étaient eux aussi membres du Comité de salut public. Ils s’étaient heurtés à Robespierre plus d’une fois sur des questions de politique et de pouvoir. Ils savaient que dans le jeu à somme nulle de la politique révolutionnaire, soit ils détruiraient Robespierre, soit Robespierre les détruirait. Enfin, Paul Barras, un commandant militaire qui jouerait plus tard un rôle majeur dans la politique française, comprit dans quelle direction tournait le vent et se positionna en conséquence. Ces hommes et d’autres commencèrent à se réunir en secret, à murmurer dans les couloirs et à sonder de potentiels alliés. La conspiration prenait de l’ampleur.

Puis, Robespierre fit quelque chose qui scella son destin. Le 26 juillet (8 thermidor selon le calendrier révolutionnaire), il revint enfin à la Convention. Il n’y avait pas mis les pieds depuis des semaines. Chaque député, chaque regard dans la salle savait que quelque chose d’important allait se produire. Ce qui suivit fut un discours de deux heures, qualifié de bien des choses : passionné, paranoïque, brillant, suicidaire. Robespierre se tenait devant l’assemblée, accusant des ennemis non nommés de conspirer contre la République. Il affirmait posséder une liste de traîtres cachés au sein même de la Convention et des comités qui gouvernaient la France.

Voici le détail crucial : il refusa de donner des noms. Imaginez ce que cela signifiait pour chacun des hommes assis dans cette salle. Depuis des mois, des gens étaient exécutés pour bien moins qu’une accusation vague provenant de Robespierre. Maintenant, il prétendait détenir une liste sans dire qui en faisait partie. Chaque député ne pouvait s’empêcher de se demander : « Suis-je sur cette liste ? » Ses propres paroles révèlent parfaitement son état d’esprit : « Je sais que je suis haï par les méchants, je sais que la calomnie a déjà versé son poison sur ma tête, je sais que les crimes des conspirateurs en sont la cause. » Il parlait comme un martyr, mais aussi comme un homme sur le point de lancer une purge.

Ce soir-là, Robespierre répéta son discours au Club des Jacobins, l’organisation politique qui avait été le cœur de son pouvoir durant toute la Révolution. Là, il était parmi les siens. L’ovation fut tonitruante ; ses partisans applaudirent chaque accusation, chaque menace et chaque promesse voilée de vengeance. Mais il fit une erreur : il attaqua nommément Billaud-Varenne et Collot d’Herbois. La réaction fut immédiate et violente. Les membres du club chassèrent physiquement Billaud et Collot du bâtiment. Ce fut l’humiliation publique et le dernier coup dont ces hommes avaient besoin. Cette nuit-là, la conspiration cessa de se préparer pour passer à l’action. Ils savaient qu’ils devaient frapper le lendemain, ou ils ne pourraient plus jamais le faire.

Le 27 juillet 1794 (9 thermidor), une date qui deviendrait synonyme de la fin de la Terreur, la séance du matin de la Convention s’ouvrit par un discours de Louis Antoine de Saint-Just. À seulement 26 ans, Saint-Just était l’allié politique le plus proche de Robespierre et l’un des hommes les plus redoutés de France. On le surnommait « l’Ange de la Mort » pour son rôle dans les purges et son calme glacé. Sa beauté même le rendait plus inquiétant ; des témoins racontaient qu’il ressemblait à la Mort elle-même habillée pour un bal. Saint-Just commença à parler, mais il ne termina jamais. Tallien bondit sur ses pieds presque immédiatement, criant que Saint-Just avait enfreint le protocole en ne présentant pas son discours au Comité à l’avance. Avant que quiconque ne puisse répondre, Billaud-Varenne lança une attaque totale, accusant Robespierre de conspirer contre la Convention elle-même.

La séance plongea dans le chaos. Des députés qui, pendant des années, avaient vécu dans une peur silencieuse, trouvèrent soudain leur voix. Des cris éclatèrent : « À bas le tyran ! Arrêtez-le ! » Robespierre tenta de parler et réclama la parole, mais le président de la Convention, un homme nommé Thuriot, refusa de le laisser s’adresser à l’assemblée. Puis, quelqu’un hurla une phrase qui trancha au milieu du vacarme : « Le sang de Danton t’étrangle ! » Georges Danton était mort depuis trois mois, exécuté en avril pour des accusations que tout le monde savait motivées par la politique. Danton avait été l’une des figures les plus puissantes de la Révolution, un homme massif à la voix tonitruante, doté d’un talent unique pour parler aux Parisiens ordinaires et d’une soif de vivre qui contrastait violemment avec le moralisme austère de Robespierre. Ils avaient été alliés autrefois, puis Danton avait commencé à appeler à la modération et à réclamer la fin de la Terreur. Robespierre y vit de la faiblesse ou, pire encore, une trahison. Le procès de Danton avait été une parodie, même selon les standards de la Terreur. Quand il tenta de se défendre, la Convention adopta un décret spécial permettant au tribunal de réduire au silence tout accusé insultant la cour. Il fut exécuté le 5 avril. Selon les témoins, ses derniers mots au bourreau furent : « Montre ma tête au peuple, elle en vaut la peine. » Trois mois plus tard, ce fantôme revenait pour Robespierre.

La Convention vota l’arrestation de Robespierre, mais aussi celle de Saint-Just, Couthon et Augustin Robespierre, son frère cadet. Mais c’est ici que les choses devinrent compliquées. La France de 1794 n’était pas une dictature simple où un seul vote mettait fin à tout. Il y avait plusieurs centres de pouvoir et Robespierre avait encore des partisans. La Commune de Paris, le gouvernement de la ville, lui restait fidèle. Le commandant de la garde nationale, François Hanriot, était son allié. Lorsque les soldats de la Convention vinrent arrêter Robespierre, la Commune refusa de le livrer. Au lieu de cela, ils l’escortèrent à l’Hôtel de Ville, la mairie de Paris, où des partisans se rassemblaient pour organiser la résistance. Pendant quelques heures, tout laissait croire que cela pourrait dégénérer en guerre civile.

Imaginez la scène ce soir-là à l’Hôtel de Ville : Robespierre et ses alliés sont à l’intérieur, entourés de leurs partisans, cherchant désespérément leur prochaine décision. Ils doivent rallier les sections parisiennes, ces assemblées de quartiers qui avaient fourni la force de tant de moments décisifs de la Révolution. Ils ont besoin que la garde nationale marche sur la Convention. Mais rien ne se déroulait comme prévu. Hanriot, le commandant de la garde nationale, était censé mobiliser des troupes ; au lieu de cela, il était ivre, confus, donnant des ordres contradictoires. Les sections, qui autrefois formaient le cœur du pouvoir de Robespierre, hésitaient. Elles attendirent de voir qui l’emporterait avant de se compromettre. Pendant ce temps, la Convention avait déclaré Robespierre et ses alliés hors-la-loi. Ce n’était pas une simple formalité juridique : selon la loi révolutionnaire, un hors-la-loi pouvait être exécuté sans procès, après simple confirmation de son identité. La Convention envoyait un message clair : quiconque soutiendrait Robespierre signerait son propre arrêt de mort.

Au fil de la nuit, le soutien s’évapora. Les soldats venus à l’Hôtel de Ville commencèrent à s’éclipser dans l’obscurité. À deux heures du matin, le bâtiment, qui ressemblait encore quelques heures plus tôt à une forteresse, était presque sans défense. Vers 2h30, le 28 juillet, les forces de la Convention prirent d’assaut l’Hôtel de Ville. Ce qui se passa ensuite est débattu par les historiens depuis plus de deux siècles. Certains récits disent que Robespierre tenta de se suicider, mais qu’il hésita au dernier moment, ne réussissant qu’à se briser la mâchoire. D’autres disent qu’un gendarme, Charles-André Merda, lui tira dessus en essayant de l’empêcher de se tuer ou pour le capturer vivant en vue d’une exécution publique.

Le résultat physique fut le même : Robespierre gisait sur une table, saignant, la mâchoire inférieure détruite. Sa capacité à parler, cette arme qui avait fait de lui l’homme le plus puissant de France, fut anéantie en un instant. Autour de lui, la scène était chaotique. Augustin Robespierre avait sauté ou était tombé d’une fenêtre, se brisant les jambes. Couthon, déjà paralysé et cloué à un fauteuil roulant, fut retrouvé au bas d’un escalier, visiblement jeté par quelqu’un fuyant le bâtiment. Philippe Le Bas, un autre allié, avait réussi à se tirer une balle. Saint-Just, fidèle à lui-même, se contenta de se tenir droit et d’attendre son arrestation. Il avait écrit un jour : « Ceux qui font les révolutions à moitié ne font que se creuser un tombeau. » Il allait maintenant mettre sa théorie à l’épreuve.

Robespierre fut transporté au Comité de salut public, le même organisme qu’il avait dominé pendant plus d’un an. On le déposa sur une planche dans l’antichambre, et c’est là qu’il passa ses dernières heures. La blessure était atroce. Sa mâchoire était maintenue seulement par un bandage de fortune. Il dérivait entre conscience et inconscience. Lorsqu’il était réveillé, il ne pouvait pas parler. La bouche qui avait condamné des milliers de personnes ne produisait plus que des gémissements. À un moment de la nuit, quelqu’un lui apporta de l’eau et du papier. On lui offrit la possibilité d’écrire, peut-être une dernière déclaration ou quelque chose pour soulager son agonie. Il ne parvint qu’à tracer deux mots plus tard déchiffrés, peut-être son nom, peut-être autre chose. Le papier fut taché de sang avant qu’il ne puisse finir. Les gens entraient et sortaient, certains pour se moquer, d’autres par curiosité morbide. Une femme lui aurait craché au visage ; d’autres se contentèrent de regarder l’homme qui, quelques heures plus tôt, était encore la figure la plus redoutée de France.

À 14h, le 28 juillet, Robespierre et vingt-et-un autres furent conduits devant le tribunal révolutionnaire. On peut appeler cela un procès si on le souhaite, mais il ne dura que le temps nécessaire pour vérifier leur identité. La loi de Prairial, la propre loi de Robespierre, avait éliminé le besoin d’une véritable procédure. En tant que hors-la-loi, ils n’avaient aucun droit à une défense, aucun droit d’appeler des témoins ou de parler en leur faveur. Les hommes qui avaient créé ce système en faisaient maintenant l’expérience de leurs propres mains. Parmi les condamnés se trouvaient Saint-Just, qui demeura composé jusqu’à la fin, Couthon, que l’on dut porter sur son fauteuil roulant, et Hanriot, dont l’incompétence avait contribué à leur perte. La sentence ne surprit personne : la mort par guillotine.

On chargea les condamnés dans trois charrettes — des tombereaux, comme les Français les appelaient — et la procession commença à travers Paris en direction de la place de la Révolution. C’était le même trajet, les mêmes rues, les mêmes foules et le même chemin qu’avaient emprunté Louis XVI, Marie-Antoinette et Danton. Mais l’atmosphère, cette fois, était différente. La foule n’était ni silencieuse ni craintive ; elle exultait. Les gens hurlaient des insultes, lançaient des ordures et fêtaient l’événement dans les rues. Une femme se fraya un passage jusqu’à la charrette de Robespierre et lui cria : « Va maintenant, être malfaisant, descends dans ta tombe chargé des malédictions des femmes et des mères de France. » Robespierre était assis dans le tombereau, les yeux fermés, le visage enflé, le bandage blanc autour de sa mâchoire ruinée déjà imbibé de sang. Quoi qu’il pensât ou ressentît, il ne pouvait plus l’exprimer.

Le trajet dura environ une heure et, lorsqu’ils atteignirent l’échafaud, la foule avait gonflé jusqu’à des proportions immenses. Tout le monde voulait voir cela. L’exécution se déroula dans l’ordre. Un par un, les condamnés montèrent les marches de la guillotine. Robespierre fut le dixième et, malgré tout, il monta les marches sans assistance. Quoi qu’on dise de cet homme, il conserva sa tenue presque jusqu’au bout. Le bourreau était Charles-Henri Sanson, le même qui avait exécuté Louis XVI, Marie-Antoinette et des milliers d’autres. À ce stade, Sanson connaissait la guillotine mieux que quiconque. Il savait exactement comment positionner un condamné pour une mort rapide et nette. Mais il y avait un problème : le bandage de Robespierre gênait. Le tissu enroulé autour de sa mâchoire empêcherait la lame de faire une coupe propre. Il fallait l’enlever.

Ce que Sanson fit ensuite devint le moment le plus célèbre de toute l’exécution. Il se pencha, saisit le bandage et le déchira d’un coup sec. La douleur dut être indescriptible. Le bandage avait été pressé contre l’os brisé, la chair déchirée et les nerfs exposés. L’arracher, c’était rouvrir la blessure entière. Robespierre hurla. Pas une déclaration politique, pas des mots de défi, juste un cri brut, animal, que les témoins décrivirent comme le profond et aigu hurlement d’un homme en douleur atroce, la protestation violente d’un animal humain mortellement blessé. Le cri ne dura qu’un instant, puis la lame tomba. La foule explosa en dix minutes de clameurs ininterrompues. Les gens dansaient autour de l’échafaud. Après plus d’un an de Terreur, après des milliers d’exécutions et des mois à craindre que leur nom n’apparaisse sur la liste, c’était terminé.

Sanson souleva la tête de Robespierre pour l’exposition traditionnelle. Le visage était à peine reconnaissable, la partie inférieure détruite et couverte de sang. Toute trace de l’avocat précis et maîtrisé avait disparu. Les exécutions restantes continuèrent : Saint-Just, Couthon, Augustin Robespierre, Hanriot et les autres suivirent. Lorsque ce fut terminé, vingt-deux hommes étaient morts sur l’échafaud cet après-midi-là. Mais c’était la mort de Robespierre que les gens allaient retenir, et plus encore son cri.

Les exécutions ne cessèrent pas immédiatement. Dans les trois jours qui suivirent le 9 thermidor, 104 robespierristes furent encore guillotinés. La Terreur ne s’arrêtait pas, elle changeait simplement de cible. C’était le début de ce que les historiens appellent la Terreur blanche, une période de représailles contre quiconque était associé au régime jacobin. Mais progressivement, les mises à mort ralentirent. Le Comité de salut public fut dépouillé de la plupart de ses pouvoirs, les prisons commencèrent à se vider et le Tribunal révolutionnaire fut réorganisé puis aboli. La France passa l’année suivante à tenter de comprendre ce qui devait venir après. Le résultat fut le Directoire, un gouvernement plus corrompu, moins idéaliste et nettement moins meurtrier que celui qui l’avait précédé. Mais en cinq ans, lui aussi s’effondrerait, remplacé par le règne d’un officier d’artillerie corse nommé Napoléon Bonaparte.

Voici ce qui est fascinant à propos des hommes qui renversèrent Robespierre : ils n’étaient pas des modérés ni des humanitaires. Beaucoup d’entre eux avaient été encore plus brutaux que Robespierre pendant la Terreur. Fouché avait supervisé des massacres à Lyon, Collot d’Herbois avait organisé des fusillades collectives et Tallien avait envoyé des centaines de personnes à la guillotine. Ces hommes n’avaient pas renversé Robespierre par opposition à la Terreur, ils l’avaient renversé par peur d’en devenir les prochaines victimes.

Voici la dernière ironie : moins d’un an plus tard, plusieurs d’entre eux connaîtraient leur propre jugement. Billaud-Varenne et Collot d’Herbois furent finalement arrêtés et déportés en Guyane française pour leur rôle dans la Terreur. Ils avaient aidé à détruire Robespierre pour sauver leur peau, pour découvrir ensuite que la Révolution réclamait toujours des sacrifices. Au final, Robespierre mourut comme il avait envoyé tant d’autres mourir : sans procès, sans défense, sans la chance de parler. L’homme qui avait exalté la guillotine comme instrument de vertu révolutionnaire découvrit ce que ses victimes avaient toujours su : la lame ne se soucie pas de votre politique, de vos principes ni de vos discours. Elle tombe, c’est tout. Ce dernier cri, ce moment où le Robespierre maîtrisé, précis et incorruptible fut réduit à un animal blessé, hante les récits de la Révolution depuis ce jour. C’était le son d’une idéologie mourant en même temps que l’homme qui l’incarnait. La Terreur avait pris plus de 20 000 vies, mais l’une d’elles allait devenir son visage pour toujours, pas seulement pour ce qu’il avait fait, mais pour la manière dont il était tombé. L’exécution de Robespierre changea la France, mais ce qui s’était passé quatre mois plus tôt, lorsque Danton avait gravi les mêmes marches de l’échafaud, avait déjà tout mis en mouvement. Cette histoire-là révèle quelque chose d’encore plus sombre sur la manière dont la Révolution dévorait les siens.

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