Londres, la Tour de Londres. L’année est 1661. Trois corps pendent à des cordes à Tyburn, le site d’exécution publique le plus célèbre d’Angleterre. Mais ce ne sont pas des cadavres frais, ils sont morts depuis des années, exhumés, traînés dans les rues, pendus à titre posthume. Et maintenant, tandis que la foule observe dans un silence horrifié et fasciné, le bourreau monte sur la plateforme. Il porte un long couteau et commence à mutiler les cadavres méthodiquement, publiquement, retirant des parties spécifiques de leur anatomie, les plaçant sur des pieux pour les exposer.

Pourquoi ? Parce que le roi l’a ordonné. Charles II d’Angleterre, le roi qui avait passé neuf ans en exil, qui a vu son père décapité par des traîtres, qui a tout perdu, et maintenant restauré sur le trône, il réclamait sa dette avec intérêt. Et la dette serait payée non seulement en sang, mais en humiliation posthume, calculée pour envoyer un message qui résonnerait à travers les générations : personne ne trahit la maison de Stuart et ne repose en paix, pas même dans la mort.
Aujourd’hui, vous allez découvrir l’histoire vraie de l’une des vengeances les plus bizarres et macabres exécutées par un monarque anglais. Comment Charles II, connu sous le nom de « Roi Joyeux » pour sa réputation de libertin fêtard, orchestra un châtiment qui choqua même la société du XVIIe siècle habituée à la violence. Comment il ordonna de déterrer les corps des hommes qui tuèrent son père. Comment il commanda qu’ils soient jugés à titre posthume, exécutés à titre posthume et mutilés de manière spécifique, conçue pour dégrader leur mémoire à jamais. Et comment tout cela fut justifié comme justice légale.
L’histoire commence par une tragédie. Le 30 janvier de l’année 1649, le roi Charles Ier d’Angleterre fut décapité devant le palais de Whitehall. Son crime : haute trahison contre son propre royaume. Ses accusateurs allèguèrent qu’il avait déclenché une guerre civile, qu’il avait tué ses sujets, qu’il avait tenté de renverser le Parlement. Le procès était une farce, le résultat prédéterminé, mais l’exécution était réelle.
Son fils, le futur Charles II, alors âgé de 18 ans, assista à l’effondrement de l’empire familial. L’Angleterre devint un Commonwealth, une République dirigée par Oliver Cromwell, le général qui commandait les armées parlementaires. Cromwell gouverna comme Lord Protecteur jusqu’à sa mort en l’année 1658. Il fut brièvement succédé par son fils Richard, mais Richard était incompétent, le gouvernement s’effondra, et les royalistes virent une opportunité.
En l’année 1660, Charles fut invité à revenir. Le Parlement vota pour la Restauration. Le 29 mai, jour du 30e anniversaire de Charles, il entra triomphalement à Londres. Les foules célébrèrent, les églises sonnèrent leurs cloches. C’était comme si les décennies de règne républicain n’avaient jamais eu lieu. Mais Charles n’oublia pas, il ne pardonna pas, et il ne permettrait certainement pas aux hommes responsables de la mort de son père de reposer paisiblement dans leur tombe.
Le problème était que la plupart étaient déjà morts. Oliver Cromwell mourut en l’année 1658 de cause naturelle. Il fut enterré avec les honneurs d’état à l’abbaye de Westminster, ironiquement au côté des rois qu’il avait aidé à déposer. John Bradshaw, le juge qui présida le procès de Charles Ier, mourut en l’année 1659. Henry Ireton, gendre de Cromwell et commandant militaire, mourut en l’année 1651 en combattant en Irlande. Tous étaient en sécurité dans leur tombeau, du moins le pensaient-ils.
Car Charles II avait d’autres plans. En novembre de l’année 1660, il signa l’ordre : les corps de Cromwell, Bradshaw et Ireton seraient exhumés, jugés à titre posthume pour régicide et exécutés symboliquement, mais avec toute la brutalité d’une véritable exécution. Le 30 janvier de l’année 1661, anniversaire de la condamnation de Charles Ier, le processus commença.
Les cercueils furent ouverts à l’abbaye de Westminster. Les corps, raisonnablement bien préservés après deux ans dans le cas de Cromwell, furent retirés, habillés de lin seul et traînés sur des traîneaux à travers Londres jusqu’à Tyburn. Le voyage dura toute la journée. Les foules bordaient les rues, certains applaudissaient, d’autres étaient horrifiés.
À Tyburn, les corps furent pendus de l’aube jusqu’au coucher du soleil. Le symbolisme était délibéré : les criminels ordinaires étaient pendus jusqu’à la mort, mais ces hommes étaient déjà morts, donc la pendaison était purement rituelle, une démonstration publique d’humiliation. Après le coucher du soleil, les corps furent descendus, et puis vint la partie la plus grotesque : la décapitation. Le bourreau coupa les têtes. La procédure ne fut pas propre ; les corps en décomposition ne saignent pas comme les corps frais, mais les têtes furent séparées.
Puis, suivant les ordres spécifiques du roi, le bourreau procéda à des mutilations supplémentaires. Les organes génitaux furent retirés. Selon certains récits, ils furent empilés au pied des pieux où les têtes allaient être exposées. Le message était clair : ces hommes n’étaient pas seulement des traîtres, ils étaient moins qu’humains. La dignité dans la mort fut complètement niée.
Les têtes furent plantées sur des pieux, celle de Cromwell au sommet de Westminster Hall, la position la plus visible, regardant la ville qu’il avait gouvernée, mais maintenant réduit à un ornement macabre. La tête resta là pendant 25 ans, à travers les tempêtes, la chaleur, le froid, jusqu’à ce qu’elle tombe finalement lors d’une tempête en l’année 1685.
Et le destin de la tête après sa chute fut tout aussi bizarre. Elle fut trouvée par un garde, vendue à un collectionneur de curiosités. Elle passa par plusieurs propriétaires, fut exposée dans des foires, vendue à nouveau, contestée, et ne fut pas correctement enterrée avant l’année 1960, plus de 300 ans après la mort. L’enterrement eut finalement lieu dans la chapelle du Sidney Sussex College à Cambridge, le collège où Cromwell avait étudié, dans un lieu marqué, car même au XXe siècle, sa mémoire était controversée.
Mais revenons à 1661. Les mutilations posthumes ne s’arrêtèrent pas aux trois principaux dirigeants. Le Parlement de la Restauration créa la Loi d’Indemnité et d’Oubli. Elle pardonnait la plupart de ceux qui avaient servi le Commonwealth, mais elle excluait cinquante hommes, les Régicides, ceux qui avaient signé l’arrêt de mort de Charles Ier. Charles II les voulait tous.
Le problème était que beaucoup avaient fui, se cachant en Hollande, en Suisse, en Amérique. Edward Whalley et William Goffe s’enfuirent en Nouvelle-Angleterre, vécurent cachés au Massachusetts et au Connecticut, moururent là des décennies plus tard, ne furent jamais capturés. John Dixwell alla aussi en Amérique, changea de nom, vécut anonymement jusqu’à sa mort.
Mais ceux qui furent capturés connurent un sort horrible. Les exécutions pour haute trahison dans l’Angleterre du XVIIe siècle suivaient un modèle spécifique : pendu, éviscéré et écartelé. La victime était pendue brièvement, descendue encore consciente, puis masculée et éviscérée, forcée de regarder ses propres entrailles brûlées, puis décapitée. Le corps était écartelé en quatre parties, et les parties étaient exposées dans des lieux publics en guise d’avertissement.
Dix régicides furent exécutés de cette manière entre 1660 et 1662. Thomas Harrison fut le premier, exécuté en octobre de l’année 1660. Il était major-général dans l’armée parlementaire. Selon les rapports, il affronta la mort avec un courage extraordinaire. Lorsque le bourreau retira ses organes génitaux et ses entrailles, Harrison aurait frappé le bourreau au visage, un dernier acte de défi. John Cook, l’avocat qui servit comme procureur lors du procès de Charles Ier, fut exécuté en octobre de l’année 1660. Hugh Peters, aumônier de l’armée parlementaire, suivit, ainsi que John Carew, Thomas Scott et Gregory Clement.
Chaque exécution était un spectacle public. Les foules y assistaient. Les estimations suggèrent des milliers. C’était du divertissement, c’était un avertissement, c’était le théâtre de la vengeance royale. Et les organes génitaux étaient spécifiquement ciblés. Il ne s’agissait pas seulement de mort, il s’agissait d’enlever la masculinité, de dégrader, de s’assurer que même dans la mort, l’humiliation soit complète. C’était psychologiquement dévastateur et totalement intentionnel. Car Charles II ne voulait pas seulement tuer les ennemis de son père, il voulait les effacer, détruire leur mémoire, les transformer en exemples de honte éternelle.
Mais il y avait une profonde ironie. Charles II était connu pour une vie sexuelle extrêmement active. Il eut au moins 14 enfants illégitimes reconnus, probablement plus non reconnus. Il entretenait plusieurs maîtresses simultanément. La plus célèbre était Nell Gwyn, une actrice, mais il y avait Lucy Walter, mère de son fils aîné, Barbara Villiers, comtesse de Castlemaine, Louise de Kerouaille, duchesse de Portsmouth, et beaucoup d’autres. Sa cour était notoire pour sa promiscuité. Ainsi, le roi qui ordonna publiquement le retrait et l’exposition des organes génitaux de ses ennemis était lui-même obsédé par le sexe. La contradiction n’échappa pas aux contemporains. Les satiristes faisaient des blagues, des pamphlets circulaient, mais Charles ne s’en souciait pas. Le double standard était une prérogative royale. Il pouvait faire ce qu’il voulait, et il le fit.
Mais tout n’était pas vengeance brutale. Charles démontra aussi une clémence stratégique. Il pardonna des milliers de personnes qui avaient servi le Commonwealth à des postes moindres. Il avait besoin de stabiliser le royaume, ne pouvait pas exécuter tout le monde. Alors, il choisit les cibles soigneusement : les dirigeants visibles, les signataires de l’arrêt de mort, ceux qui personnifiaient la trahison, et en fit des exemples spectaculaires.
Les historiens débattent de la psychologie de Charles. Certains soutiennent que la vengeance était une nécessité politique. Il devait réaffirmer la légitimité monarchique, démontrer que le régicide avait des conséquences. D’autres suggèrent que c’était profondément personnel. Il aimait son père. Le traumatisme de voir la monarchie détruite et sa famille exilée laissa des cicatrices. La vengeance était cathartique. La vérité est probablement les deux. Charles était un politicien avisé, il comprenait la valeur du spectacle, mais il était aussi un fils traumatisé. Et le pouvoir d’un roi signifiait que le traumatisme personnel pouvait être transformé en politique publique. Il pouvait ordonner que des cadavres soient profanés, et personne ne pouvait l’arrêter.
L’impact durable fut mitigé. À court terme, la vengeance consolida la Restauration. Les royalistes furent satisfaits, justice fut rendue. Mais elle créa aussi des martyrs. Les républicains virent les exécutions comme une preuve de tyrannie. Ils écrivirent des pamphlets, créèrent des légendes. Cromwell devint une figure controversée, mais aussi héroïque pour certains. Même des siècles plus tard, les débats continuent.
Et le traitement des corps établit un précédent inquiétant : la profanation posthume comme punition légale. C’était rare mais pas unique. D’autres régimes feraient de même. Mais les exécutions de 1661 restèrent particulièrement notoires : la combinaison de rituel légal et de brutalité spectaculaire laissa une impression.
Charles II régna jusqu’en l’année 1685, 25 ans. Il mourut sans héritier légitime. Son frère Jacques II assuma le trône, mais Jacques était catholique, impopulaire. Il fut déposé lors de la Glorieuse Révolution de 1688. La monarchie continua, mais le pouvoir absolu était brisé. Le Parlement émergea suprême. Ironiquement, la République que Cromwell tenta de créer triompha finalement en tout sauf le nom.
Et les corps des régicides ? La plupart disparurent. Les parties écartelées pourrirent finalement ou furent retirées. Seules les têtes sur pieux durèrent des décennies. La tête de Cromwell eut le voyage le plus long : 300 ans d’indignité jusqu’à ce qu’elle repose finalement en paix.
Alors, qu’apprenons-nous de cette histoire ? Que la vengeance, même justifiée comme justice, peut devenir monstrueuse. Que le pouvoir sans limite permet au roi de transformer un traumatisme personnel en spectacle public. Que profaner les morts satisfait un désir primitif de rétribution mais ne guérit pas les blessures. Et que la mémoire est un champ de bataille. Charles tenta de détruire l’héritage des régicides. Il échoua. Ils sont rappelés, débattus, étudiés, tandis que ses mutilations posthumes sont vues comme des taches sur un règne qui serait autrement rappelé pour la restauration culturelle et l’art.
L’histoire n’est pas simple. Charles n’était pas un pur monstre, Cromwell n’était pas un pur héros. Mais les actes de 1661 révèlent quelque chose de fondamental sur la nature du pouvoir et de la vengeance. Lorsque l’autorité peut déterrer les morts et mutiler des cadavres pour le crime de défier un roi, lorsque cela est traité comme justice légale, les limites de l’humanité ont été franchies. Et une société qui permet cela, qui assiste par milliers pour y assister, porte aussi la responsabilité. Ce n’était pas seulement Charles, c’était toute l’Angleterre participant à un rituel de dégradation collective. Cela devrait provoquer une réflexion sur ce que nous acceptons comme normal lorsque l’autorité le déclare nécessaire.