Les Derniers Jours de Maximilien Robespierre : Le Procès Qui Ébranla la France

Avez-vous déjà imaginé ce que ça fait de devenir exactement ce que vous avez autrefois méprisé ? D’envoyer des milliers de personnes vers une mort horrible pour ensuite emprunter vous-même ce même chemin sanglant ? Le 28 juillet 1794, Maximilien Robespierre allait découvrir la réponse de la manière la plus brutale qui soit.

Les mains du bourreau tremblaient légèrement en atteignant le bandage. Pas vraiment par peur. Charles Henry Sanson avait fait cela des centaines de fois auparavant, mais cette fois c’était différent. L’homme sanglé sur la planche devant lui n’était pas un simple condamné, c’était Robespierre, l’Incorruptible, l’architecte de la Terreur, la voix qui avait envoyé des rois, des reines, des généraux et des révolutionnaires à cet endroit précis. Mais il y avait un problème que Sanson n’avait jamais rencontré auparavant : la mâchoire de Robespierre était fracassée, pendante par des lambeaux de chair déchirée et d’os brisés. Un épais bandage imbibé de sang était enroulé autour de son visage, la seule chose qui maintenait en place les restes de sa mâchoire inférieure, et il se trouvait directement dans la trajectoire de la lame. Ce qui s’est passé durant les 30 secondes suivantes hanterait les témoins pour le reste de leur vie.

Mais pour comprendre pourquoi ce moment comptait tant, pourquoi des milliers de Parisiens hurlaient de joie dans les rues et autour de l’échafaud, nous devons revenir en arrière. Car ce n’est pas seulement l’histoire de la mort d’un homme, c’est l’histoire de comment quelqu’un qui croyait sincèrement sauver la France a fini par la noyer dans le sang. Voici ce qui rend l’histoire de Maximilien Robespierre si fascinante et si terriblement effrayante : ce n’était pas un dictateur avide de pouvoir qui avait saisi le contrôle par la force militaire ; ce n’était pas un monstre sadique qui prenait plaisir à voir mourir les gens. Non, Robespierre était quelque chose de bien plus dangereux : c’était un vrai croyant.

Avant la Révolution, il était avocat à Arras, une petite ville du nord de la France. Il était connu pour défendre les pauvres et les impuissants. Il argumentait passionnément contre la peine de mort, la qualifiant de barbare et injuste. Les gens qui le connaissaient décrivaient un homme aux principes moraux rigides, quelqu’un qui refusait les pots-de-vin, qui vivait modestement, qui semblait sincèrement engagé pour la justice. On l’appelait l’Incorruptible, et c’était un compliment. Alors, comment cet avocat de principe, cet opposant à la peine capitale, est-il devenu le superviseur d’une machine gouvernementale qui a tué plus de 20 000 personnes en moins d’un an ? Comment l’Incorruptible est-il devenu le visage de la Terreur ? Cette transformation est ce qui rend l’histoire de Robespierre si glaçante, parce que si cela a pu lui arriver, ne pourrait-ce pas arriver à quiconque devient absolument convaincu de sa propre droiture ?

À l’été 1794, la Révolution française avait cinq ans et se noyait dans son propre sang. Louis XVI avait été guillotiné 18 mois plus tôt, sa tête brandie devant la foule en liesse sur la Place de la Révolution. Marie-Antoinette l’avait suivie neuf mois plus tard, ses cheveux gris et son maintien digne n’avait rien fait pour la sauver de la lame. La monarchie était morte, mais cela n’avait pas apporté la paix. Au contraire, les choses avaient empiré. La France était en guerre avec la moitié de l’Europe : l’Autriche, la Prusse, la Grande-Bretagne, l’Espagne, la République des Provinces-Unies. Des armées étrangères pressaient sur toutes les frontières, et à l’intérieur de la France, la paranoïa était suffocante. Partout où regardaient les révolutionnaires, ils voyaient des ennemis : des royalistes complotant pour restaurer la monarchie, des espions étrangers envoyant des renseignements aux armées ennemies, des modérés qui voulaient ralentir la Révolution, des radicaux qui voulaient l’accélérer encore plus. La solution, aux yeux de Robespierre, était simple et terrible : éliminer tout ce qui pourrait représenter une menace.

Les tribunaux révolutionnaires avaient jugé plus de 200 000 suspects en juillet 1794. Pensez à ce nombre un instant : des personnes accusées de crimes contre la Révolution, traînées devant des tribunaux fantoches où le résultat était essentiellement prédéterminé. Les prisons de Paris étaient sur le point d’éclater, près de 8 000 personnes entassées dans des cellules crasseuses, dormant sur la paille, attendant de découvrir si leur nom apparaîtrait sur la prochaine liste d’exécution. Rien qu’en juin 1794, il y eut exécutions. C’est plus de 40 personnes par jour. La guillotine de la Place de la Révolution était devenue si occupée que les bourreaux se plaignaient littéralement d’épuisement. La lame nécessitait un aiguisage constant, le mécanisme exigeait un entretien quotidien, le cadre en bois était tellement imbibé de sang qu’il tachait tout ce qu’il approchait. Ils ont finalement dû déplacer l’échafaud vers un autre endroit parce que les résidents à proximité ne supportaient plus l’odeur. Et au centre de cette tempête de mort se trouvait Robespierre, de plus en plus paranoïaque, de plus en plus isolé, de plus en plus convaincu que des ennemis l’entouraient de tout côtés, complotant sa chute. La terrible ironie était que sur ce dernier point, il avait absolument raison. Une conspiration se formait dans l’ombre, et dans les 48 heures à venir, l’homme qui avait perfectionné l’art de l’assassinat politique se retrouverait du mauvais côté de sa propre machine.

Mais avant d’en venir à la conspiration, vous devez comprendre à quel point la Terreur avait complètement consumé la France, parce que ce qui se passait à l’été 1794 allait bien au-delà des mesures de guerre normales ou même de la violence révolutionnaire typique. C’était quelque chose d’entièrement différent, quelque chose qui choquerait même ceux qui avaient vécu des années de Révolution. Le 10 juin 1794, la Convention adopta une loi au nom innocent : la Loi du 22 Prairial, dans le calendrier révolutionnaire que la France avait adopté pour rompre avec son passé chrétien. Prairial était un mois d’été. La loi fut officiellement proposée par Georges Couthon, l’un des alliés les plus proches de Robespierre, un homme paralysé de la taille en bas qui dirigeait la Terreur depuis un fauteuil roulant. Mais tout le monde à Paris savait qui était vraiment derrière cette législation. Robespierre poussait exactement ce genre de mesure depuis des mois. La Loi du Prairial supprimait ce qui restait de protection judiciaire pour les accusés ennemis de la Révolution : plus d’avocats de la défense, plus de temps pour préparer une défense, plus de possibilités d’appeler des témoins en votre faveur. La définition des « ennemis du peuple » s’étendait à pratiquement n’importe quoi : répandre de fausses nouvelles, dépraver les mœurs, corrompre la conscience publique. Le langage était si vague qu’il pouvait signifier absolument tout ce que le tribunal voulait qu’il signifie. Voici ce qui rendait cette loi si terrifiante : selon ces dispositions, il n’y avait que deux verdicts possibles, l’acquittement ou la mort. Pas de peine de prison, pas d’exil. Soit vous sortiez libre du tribunal, soit vous étiez emmené directement à la guillotine. Et les acquittements devenaient de plus en plus rares. Les tribunaux traitaient les accusés si rapidement que les procès ne duraient parfois que 15 ou 20 minutes, juste assez longtemps pour vérifier votre identité et lire les accusations. Les résultats furent immédiats et catastrophiques. La population carcérale de Paris, qui était d’environ 7 000 fin avril, grimpa à près de 8 000 fin juillet. Les tribunaux faisaient des heures supplémentaires, traitant des dizaines de cas chaque jour. Les bourreaux pouvaient à peine suivre le rythme.

Mais quelque chose d’étrange arrivait à Robespierre durant cette période de terreur maximale. Juste au moment où son pouvoir semblait absolu, juste au moment où la machine de mort fonctionnait à plein rendement, il commença à se retirer. À partir de mi-juin, Robespierre cessa d’assister aux réunions de la Convention, le parlement révolutionnaire où il avait été l’une des voix les plus puissantes. Il cessa d’apparaître au Comité de Salut Public, l’organisme de 12 hommes qui dirigeait essentiellement la France. Pendant près de six semaines, entre le 18 juin et le 26 juillet, il fut à peine vu en public. Quand les gens le voyaient, ils étaient choqués par son apparence. L’homme qui avait toujours été si précis, si contrôlé, si impeccablement habillé, paraissait maintenant hagard. Sa santé se détériorait visiblement. Son visage était pâle, étiré, il avait perdu du poids, ses yeux étaient cernés de cercles sombres. Les gens qui le rencontraient durant cette période décrivaient un homme qui semblait consumé par la suspicion et l’anxiété, sursautant aux ombres, voyant des conspirateurs partout où il regardait. Une partie de sa paranoïa était justifiée. Il y avait eu deux tentatives d’assassinat fin mai. Le 23 mai, quelqu’un avait tenté de tuer Jean-Marie Collot d’Herbois, l’un des alliés de Robespierre au Comité. Juste deux jours plus tard, le 25 mai, une jeune femme nommée Cécile Renault s’était présentée au logement de Robespierre portant deux petits couteaux. Elle fut arrêtée avant de pouvoir l’approcher, mais l’incident le secoua profondément. Sous interrogatoire, elle dit qu’elle voulait voir à quoi ressemblait un tyran. Elle fut guillotinée avec toute sa famille. Ces tentatives convainquirent Robespierre que ses ennemis se rapprochaient, et il n’avait pas tort.

Mais son retrait de la vie publique s’avéra être une erreur tactique catastrophique, parce que pendant que Robespierre se cachait dans ses chambres, ruminant sur des conspirations réelles et imaginaires, ses ennemis s’organisaient, et ils s’organisaient rapidement. Les hommes qui allaient renverser Robespierre n’étaient pas des héros. Soyons absolument clair sur ce point dès le départ. Ce n’étaient pas des modérés de principes qui s’opposaient à la Terreur pour des raisons humanitaires. Ce n’étaient pas des démocrates luttant pour la liberté et la justice. Non, la conspiration contre Robespierre fut organisée par des hommes qui avaient participé avec enthousiasme à la Terreur, des hommes qui avaient envoyé des centaines voire des milliers de leurs concitoyens à la mort, des hommes avec du sang sur les mains jusqu’aux coudes. Mais maintenant, ils avaient peur, et la peur peut rendre les gens remarquablement ingénieux.

Jean-Lambert Tallien avait autrefois été un partisan loyal de Robespierre. Il avait aidé à mettre en œuvre la Terreur à Bordeaux, où il s’était forgé une réputation d’efficacité impitoyable. Mais ensuite, il fit une erreur : il tomba amoureux. La femme s’appelait Thérésa Cabarrus, une aristocrate d’origine espagnole aux sympathies radicales et à la beauté stupéfiante. Le problème était que Thérésa était assise dans une prison parisienne, attendant de découvrir si son nom apparaîtrait sur une liste d’exécution. Tallien savait que si Robespierre découvrait toute l’étendue de son attachement, s’il apprenait que Tallien utilisait son influence pour protéger une aristocrate, ils seraient tous les deux finis.

Joseph Fouché était une toute autre histoire. Fouché deviendrait l’un des survivants politiques les plus réussis de l’histoire française, servant sous la Révolution, Napoléon, les Bourbons restaurés et de nouveau Napoléon. C’était un homme totalement sans principe, sauf pour le principe de rester en vie. Pendant la Terreur, à Lyon, il avait organisé des exécutions de masse si brutales que même d’autres révolutionnaires les trouvaient excessives. Il avait fait attacher des suspects à des poteaux et tirer dessus avec des canons. Il avait autorisé des noyades de masse dans la rivière. Maintenant, il était terrifié que Robespierre vienne le chercher, et avec raison. Robespierre faisait des commentaires pointus sur certains représentants qui avaient dépassé leur autorité.

Jacques Nicolas Billaud-Varenne et Jean-Marie Collot d’Herbois étaient tous deux membres du Comité de Salut Public lui-même, le cercle intérieur du gouvernement révolutionnaire. Ils s’étaient heurtés à Robespierre à plusieurs reprises au cours des derniers mois : désaccords politiques, luttes de pouvoir, animosité personnelle. Peu importaient vraiment les causes originelles. Dans le jeu à somme nulle de la politique révolutionnaire, ils savaient que soit il détruirait Robespierre, soit il les détruirait. Il n’y avait pas de terrain d’entente, pas de compromis, pas de possibilité de coexistence pacifique. Et puis il y avait Paul Barras, un commandant militaire et opérateur politique qui avait un génie pour sentir dans quelle direction le vent soufflait. Barras jouerait un rôle majeur dans l’accession de Napoléon au pouvoir cinq ans plus tard. À l’heure actuelle, en juillet 1794, il observait attentivement la situation et se positionnait pour survivre, quoi qu’il arrive.

Ces hommes et d’autres comme eux commencèrent à se réunir en secret : conversations chuchotées dans les couloirs, sondage prudent d’alliés potentiels. Qui était mécontent de Robespierre ? Qui se sentait menacé ? Qui serait prêt à agir ? La conspiration grandissait, mais elle était fragile. Tout le monde était terrifié que la nouvelle ne parvienne à Robespierre avant qu’il ne puisse agir. Un mot à la mauvaise personne et ils seraient tous sur l’échafaud.

Et puis Robespierre fit quelque chose qui scella son propre destin. Après des semaines d’absence, après avoir abandonné sa base de pouvoir et s’être caché de ses collègues, il retourna finalement à la Convention le 26 juillet. C’était le 8 Thermidor dans le calendrier révolutionnaire. Chaque député dans la salle bondée savait que quelque chose de significatif allait se produire. Robespierre ne faisait plus d’apparitions occasionnelles ; s’il était là, il avait quelque chose à dire. Ce qui suivit fut un discours de deux heures qui a été décrit de bien des façons : passionné, paranoïaque, brillant, suicidaire. Robespierre se tint devant l’assemblée et accusa des ennemis sans nom de conspiration contre la République. Il prétendit qu’il y avait des traîtres à la Convention elle-même. Il prétendit qu’il y avait des traîtres au sein des comités de gouvernement. Il parla sombrement de complots et d’intrigues, et de gens travaillant à saper la Révolution de l’intérieur. Et puis, il dit qu’il possédait une liste, une liste de noms des traîtres qui seraient bientôt exposés et punis. Mais voici le détail critique, l’erreur qui allait tout lui coûter : il refusa de nommer les noms. Il ne dit pas qui était sur la liste. Il suggéra simplement qu’il savait, qu’il observait, que la justice approchait.

Pensez à ce que cela signifiait pour chaque homme assis dans cette salle. Pendant des mois, des gens avaient été exécutés sur la base d’accusations vagues, des dénonciations anonymes, des comportements suspects. Les tribunaux n’avaient pas besoin de beaucoup de preuves. Si Robespierre disait que vous étiez un ennemi de la Révolution, cela suffisait généralement. Maintenant, le voilà prétendant avoir une liste de traîtres à la Convention elle-même, mais refusant de dire qui ils étaient. Chaque député devait se demander : “Suis-je sur cette liste ? Mon nom y est-il ? Demain amènera-t-il des soldats à ma porte ?” Les propres mots de Robespierre de ce discours vous disent tout sur son état d’esprit. Il dit : “Je sais que je suis haï par les méchants. Je sais que la calomnie a déjà amoncelé son poison sur ma tête. Je sais que les crimes des conspirateurs en sont la cause.” Il parlait comme un martyre, comme quelqu’un se préparant au sacrifice, mais il parlait aussi comme un homme qui était sur le point de lancer une purge massive. La menace était sans équivoque.

La réaction à la Convention fut mitigée. Certains députés applaudirent, d’autres restèrent assis dans un silence de pierre, quelques-uns commencèrent à chuchoter avec urgence à leurs voisins. Les conspirateurs savaient qu’il manquait de temps. Ce soir-là, Robespierre répéta son discours aux Jacobins, l’organisation politique qui avait été sa base de pouvoir tout au long de la Révolution. Ici, parmi amis et alliés, la réponse fut écrasante : des applaudissements tonitruants, des acclamations, des membres criant leur soutien. Chaque accusation, chaque menace, chaque allusion à la vengeance à venir fut accueillie avec enthousiasme. Mais Robespierre commit une erreur critique : il nomma des noms. Il attaqua spécifiquement Billaud-Varenne et Collot d’Herbois, deux membres du Comité de Salut Public. La réaction fut immédiate et violente. Les membres du club chassèrent physiquement Billaud et Collot du bâtiment, leur criant dessus, les poussant vers la porte. C’était une humiliation publique, un signal clair que Robespierre commandait toujours la loyauté des Jacobins. Pour Billaud et Collot, ce fut aussi la poussée finale dont ils avaient besoin.

Cette nuit-là, la conspiration passa de la planification à l’action. Ils envoyèrent des messages urgents à d’autres alliés potentiels. Ils tinrent des réunions d’urgence qui durèrent jusqu’à l’aube. Ils savaient qu’il devait agir le lendemain, le 27 juillet. Il devait frapper avant que Robespierre ne puisse organiser sa propre offensive. S’ils attendaient, s’ils hésitaient, il n’aurait pas une autre chance.

Le 27 juillet 1794, le 9 Thermidor dans le calendrier révolutionnaire, une date qui deviendrait synonyme de la fin de la Terreur, une date qui marquerait l’un des revirements de fortune les plus dramatiques de l’histoire. La session du matin de la Convention commença par un discours de Louis Antoine de Saint-Just. À 26 ans, Saint-Just était l’allié politique le plus proche de Robespierre et l’un des hommes les plus redoutés de France. On l’appelait l’Ange de la Mort pour son rôle dans les purges, pour son comportement glacial. Il était extraordinairement beau d’une manière qui le rendait d’une certaine façon plus troublant plutôt que moins. Les témoins le décrivaient comme la mort habillée pour un bal, beau et terrifiant à la fois.

Saint-Just commença à parler. Il avait préparé un long discours défendant Robespierre et attaquant ses ennemis, mais il ne le termina jamais. Il commença à peine. Presque immédiatement, Tallien bondit sur ses pieds, criant que Saint-Just violait la procédure en ne soumettant pas son discours au Comité à l’avance. Avant que quiconque ne puisse répondre à cette objection, avant que Saint-Just ne puisse se défendre, Billaud-Varenne lança une attaque totale. Il accusa Robespierre d’aspirer à la dictature, de comploter contre la Convention, de préparer une nouvelle purge qui réclamerait des dizaines de députés. Le plan soigneusement élaboré par les conspirateurs la nuit précédente se déroulait parfaitement. Ils avaient décidé de frapper fort et vite, de submerger Robespierre d’accusations avant qu’il ne puisse organiser une défense.

La session sombra dans le chaos. Des députés qui avaient passé des années assis dans la peur silencieuse, regardant des collègues se faire arrêter et exécuter, trouvèrent soudain leur voix. Des cris de « À bas le tyran ! » résonnèrent dans la salle. Les gens criaient : “Arrêtez-le !” depuis plusieurs sections de la Chambre. Le président de la Convention, un homme nommé Thuriot, sympathisait avec les conspirateurs. Chaque fois que Robespierre essayait de parler, chaque fois qu’il exigeait la parole selon la procédure parlementaire, Thuriot refusait de le reconnaître. Le visage de Robespierre devenait rouge. Il gesticulait frénétiquement, essayant de se faire entendre par-dessus le chaos, mais sa voix, cet instrument qui avait été sa plus grande arme tout au long de la Révolution, ne pouvait percer le bruit. Pour une fois, les gens n’écoutaient pas. Et puis quelqu’un cria quelque chose qui trancha tout le tumulte comme un couteau : « Le sang de Danton t’étouffe ! »

Danton, Georges Danton, mort depuis trois mois, exécuté en avril sur des accusations que tout le monde savait politiquement motivées. Le fantôme de Danton venait d’entrer dans la pièce. Et soudain, les enjeux étaient clairs pour tout le monde. Danton avait été l’une des figures les plus puissantes de la Révolution dans ses premières années, un homme massif à la voix tonitruante, un don pour se connecter avec les Parisiens ordinaires et un appétit pour la vie qui contrastait fortement avec le moralisme rigide de Robespierre. Il aimait la nourriture, le vin, les femmes, le rire. Il était tout ce que Robespierre n’était pas. Les deux avaient été alliés autrefois, unis dans leur engagement pour le changement révolutionnaire. Puis Danton avait commencé à appeler à la modération, à la fin de la Terreur, à la clémence. Robespierre voyait cela comme de la faiblesse au mieux, de la trahison au pire. Comment pourraient-ils arrêter la Terreur alors que des ennemis entouraient encore la France ? Alors que la Révolution était encore en danger ?

Le procès de Danton avait été une parodie, même selon les normes des tribunaux révolutionnaires. Quand il essaya de se défendre, quand sa voix puissante commença à influencer l’audience, la Convention adopta un décret spécial permettant au tribunal de faire taire les accusés qui insultaient la cour. Essentiellement, ils rendirent illégal pour Danton de se défendre. Il fut exécuté le 5 avril 1794. Selon les témoins, ses derniers mots au bourreau Sanson furent : “Montre ma tête au peuple. Elle en vaut la peine.” Maintenant, trois mois plus tard, ce fantôme revenait pour Robespierre. Le message était clair : tu as tué Danton, tu l’as fait taire, maintenant c’est ton tour. La Convention vota l’arrestation de Robespierre. Pas seulement lui d’ailleurs. Saint-Just, Couthon, le frère cadet de Robespierre, Augustin, et Philippe Le Bas furent également condamnés. Le vote n’était même pas serré. Le barrage s’était rompu, des années de peur et de ressentiments accumulés ; des députés qui n’auraient jamais osé s’opposer à Robespierre hier votèrent pour son arrestation aujourd’hui.

Mais c’est là que les choses se compliquèrent. La France de 1794 n’était pas une simple dictature où un vote mettait fin à tout. Il y avait plusieurs centres de pouvoir, plusieurs sources d’autorité, et Robespierre avait encore des partisans, particulièrement dans la Commune de Paris, le gouvernement de la ville. Quand les soldats de la Convention vinrent arrêter Robespierre, la Commune refusa de le livrer. Au lieu de cela, ils l’amenèrent à l’Hôtel de Ville, l’hôtel de ville de Paris, où des loyalistes se rassemblaient pour organiser la résistance. François Hanriot, le commandant de la Garde Nationale de Paris, resta loyal, tout comme beaucoup de sections parisiennes, les assemblées de quartiers qui avaient fourni le muscle pour tant de tournants révolutionnaires. Pendant quelques heures ce soir-là, on aurait dit que cela pourrait se transformer en conflit armé, une guerre civile au sein de la Révolution elle-même. L’autorité de la Convention tiendrait-elle, ou Paris se soulèverait-il une fois de plus en soutien de Robespierre ? Tout était en suspens.

Imaginez la scène à l’Hôtel de Ville alors que la nuit tombait le 27 juillet. Le bâtiment était bondé de partisans de Robespierre. Des dizaines, peut-être des centaines de personnes s’agitaient, essayant de comprendre quoi faire ensuite. Robespierre lui-même était dans un état de confusion et d’indécision. Pendant des années, il avait commandé la Révolution par les mots, par les discours, par les manœuvres politiques. Maintenant, soudain, il devait commander une insurrection, et il n’avait aucune idée de comment le faire. Le plan était simple en théorie : rallier les sections parisiennes, les faire marcher sur la Convention, utiliser la Garde Nationale pour arrêter les conspirateurs, restaurer Robespierre et ses alliés au pouvoir, punir les traîtres. Mais rien ne se passait comme prévu. Hanriot, le commandant de la Garde Nationale, était censé mobiliser les troupes. Au lieu de cela, il était ivre, confus, émettant des ordres contradictoires qui laissaient tout le monde incertain sur ce qu’il devait faire. Les sections parisiennes, qui avaient autrefois été la base de pouvoir de Robespierre, hésitaient, attendaient, observaient pour voir quel côté gagnerait avant de s’engager. Les quartiers ouvriers qui avaient conduit tant de journées révolutionnaires, les grands soulèvements populaires, restaient silencieux. Les gens étaient épuisés, fatigués de la Terreur, fatigués des exécutions, fatigués d’avoir peur.

Pendant ce temps, la Convention avait déclaré Robespierre et ses alliés hors-la-loi. C’était plus qu’une simple formalité juridique. Selon la loi révolutionnaire, les hors-la-loi pouvaient être exécutés sans procès, simplement en vérifiant leur identité. La Convention envoyait un message clair : quiconque soutient Robespierre maintenant signe son propre arrêt de mort. Au fil de la nuit, le soutien fondit comme neige au soleil. Les soldats qui étaient venus à l’Hôtel de Ville pour défendre la République commencèrent à se glisser tranquillement dans l’obscurité. Un par un, puis par groupes, ils disparurent. À 2 heures du matin, le bâtiment qui semblait une forteresse quelques heures plus tôt était pratiquement sans défense.

Vers 2h30 du matin le 28 juillet, les forces de la Convention prirent d’assaut l’Hôtel de Ville. Il y eut une résistance minimale, la plupart des défenseurs avaient déjà fui. Ce qui s’est passé ensuite a été débattu par les historiens pendant plus de deux siècles, examiné sous tous les angles, mais la vérité reste floue. Certains récits disent que Robespierre tenta de se suicider, qu’il mit un pistolet contre sa tête, essayant peut-être d’éviter l’humiliation d’une exécution publique, essayant peut-être simplement de contrôler sa propre mort. Mais il tressaillit au dernier moment, où sa main trembla, où quelque chose tourna mal. Le pistolet tira, mais au lieu de le tuer proprement, la balle fracassa sa mâchoire inférieure. D’autres récits disent qu’il fut abattu par un jeune gendarme nommé Charles-André Méda. Certaines versions prétendent que Méda essayait d’empêcher Robespierre de se tuer, voulant le capturer vivant pour le spectacle d’un procès public et d’une exécution. D’autres versions suggèrent que Méda lui tira simplement dessus dans le chaos, peut-être même sans viser spécifiquement Robespierre.

Le résultat physique fut le même dans les deux cas. Robespierre gisait, saignant, sur une table dans l’une des pièces de l’Hôtel de Ville. La majeure partie de sa mâchoire inférieure était détruite, os brisé et chair déchirée, maintenue ensemble par rien d’autre que la volonté et des bandages appliqués à la hâte. Sa capacité à parler, l’arme qui avait fait de lui l’homme le plus puissant de France, fut anéantie en un instant.

La scène autour de lui était le chaos. Son frère Augustin avait sauté ou était poussé d’une fenêtre en essayant de s’échapper, se brisant les deux jambes dans la chute. Couthon, déjà paralysé de la taille en bas et confiné à un fauteuil roulant, fut trouvé au pied d’un escalier. Quelqu’un l’avait apparemment jeté en bas pendant la panique. Philippe Le Bas, un autre allié proche, s’était avec succès tiré une balle dans la tête. Il fut le seul du groupe à avoir une mort propre. Saint-Just, de manière caractéristique, s’était simplement tenu immobile et avait attendu d’être arrêté. Il avait écrit une fois que ceux qui font les révolutions à moitié creusent leur propres tombes. Maintenant, il allait tester cette théorie personnellement.

Ils transportèrent Robespierre au Comité de Salut Public, le corps même qu’il avait dominé pendant plus d’un an. Ils le déposèrent sur une planche en bois dans l’antichambre, et là il passerait ses dernières heures. La blessure était horrible. Sa mâchoire était essentiellement partie, maintenue ensemble seulement par le bandage d’urgence que quelqu’un avait appliqué. Le sang traversait continuellement le tissu. Il entrait et sortait de la conscience. Quand il était conscient, il ne pouvait pas parler. La bouche qui avait ordonné des milliers de morts n’était maintenant capable de produire que des gémissements et des sons mouillés et gargouillants.

À un moment donné pendant ces longues heures nocturnes, quelqu’un lui apporta de l’eau et du papier, peut-être par pitié, peut-être par curiosité sur ce qu’il pourrait dire. On lui offrit une chance d’écrire quelque chose : une déclaration finale, un message aux partisans, une explication. Sa main tremblante ne parvint à écrire que deux mots avant que le papier ne devienne trop taché de sang pour continuer. Plus tard, ceux qui examinèrent le papier pensèrent pouvoir distinguer son nom, peut-être le début de Robespierre, peut-être quelque chose d’entièrement différent. Les taches de sang rendaient impossible d’en être certain.

Les gens allaient et venaient tout au long de la nuit. Certains vinrent se moquer, voir les puissants tomber, être témoin de l’Incorruptible réduit à une chose brisée, saignant sur une planche. D’autres vinrent par morbide curiosité, voulant voir à quoi ressemblait Robespierre maintenant qu’il était impuissant. Une femme aurait réussi à se frayer un chemin à travers les gardes et lui cracha dessus. D’autres regardèrent simplement en silence l’homme qui avait été la figure la plus redoutée de France juste 24 heures plus tôt.

À 2 heures de l’après-midi le 28 juillet, Robespierre et 21 autres furent amenés devant le Tribunal Révolutionnaire. Vous pouvez appeler cela un procès si vous voulez être technique, mais cela dura seulement le temps de vérifier les identités. La Loi du 22 Prairial, la propre loi de Robespierre, avait éliminé le besoin de procédure légale réelle. En tant que hors-la-loi, il n’avait aucun droit à une défense, aucun droit d’appeler des témoins, aucun droit de parler en leur faveur. Aucun droit à rien, sauf à la lame. Les hommes qui avaient créé ce système, qu’il avait affiné en une machine de mort à l’échelle industrielle, allaient maintenant l’expérimenter de l’autre côté.

Parmi ceux condamnés aux côtés de Robespierre se trouvait Saint-Just, qui resta composé jusqu’à la fin, son beau visage ne montrant aucune émotion. Couthon, qui dut être porté sur une civière à cause de son corps brisé. Hanriot, le commandant de la Garde Nationale, dont l’incompétence et l’ivresse avaient aidé à tous les condamner. Augustin Robespierre, dont le seul crime était d’être le frère de son frère. La sentence ne surprit absolument personne : mort par guillotine, à exécuter immédiatement.

Ils chargèrent les condamnés dans trois charrettes, les tombereaux qui étaient devenus une vision si familière dans les rues du Paris révolutionnaire. Le cortège commença son voyage lent à travers la ville vers la Place de la Révolution. L’itinéraire était le même que Robespierre avait vu tant d’autres empruntés : les mêmes rues pavées, les mêmes bâtiments, les mêmes foules bordant le chemin, la même destination où Louis XVI était mort, où Marie-Antoinette était morte, où Danton était mort. Mais l’ambiance était complètement différente. Cette fois, les foules n’étaient pas silencieuses ou craintives, regardant sombrement. Elles étaient en liesse, extatiques. Les gens hurlaient, acclamaient, jetaient des ordures, dansaient dans les rues. Les femmes agitaient des mouchoirs, les hommes criaient des malédictions, les enfants couraient le long des charrettes, essayant d’avoir une meilleure vue du fameux Robespierre.

Une femme réussit à se frayer un chemin à travers la foule pour s’approcher de la charrette de Robespierre. Selon plusieurs témoins, elle lui cria : « Va maintenant, être malfaisant ! Descends dans ta tombe, chargé des malédictions des épouses et des mères de France ! Je suis vengée ! Mon mari et mon fils sont morts de tes mains, et maintenant je te vois mourir. » D’autres reprirent le refrain, criant des accusations similaires, leur voix se fondit en un rugissement de rage et de soulagement longtemps réprimée. Robespierre était assis dans le tombereau, les yeux fermés. Son visage était grotesquement enflé, le bandage blanc autour de sa mâchoire détruite déjà imbibé de sang frais. Les secousses de la charrette sur les pavés devaient envoyer des vagues d’agonie à travers son visage fracassé, mais il ne fit aucun bruit. Quoi qu’il pensait, quoi qu’il ressentait dans ces derniers moments, il ne pouvait plus l’exprimer. La voix était partie.

Le voyage prit environ une heure. Au moment où ils atteignirent l’échafaud sur la Place de la Révolution, la foule avait gonflé à des proportions énormes. Des dizaines de milliers de personnes remplissaient la place et les rues environnantes. Tout le monde voulait voir cela. Tout le monde voulait être témoin de la fin de la Terreur, ou du moins de la fin d’un visage particulier de la Terreur. Les exécutions se déroulèrent dans l’ordre, un par un. Les condamnés montèrent les marches en bois jusqu’à la plateforme de l’échafaud. Chaque nom fut appelé, chaque prisonnier fut positionné sous la lame. Chaque fois la lourde lunette en bois se referma autour d’un cou. Chaque fois la lame inclinée tomba avec son bruit de ruée caractéristique. Chaque fois la foule rugit.

Robespierre était programmé dixième sur la liste. Alors que les exécutions se poursuivaient, alors que ses alliés mouraient un par un, il resta assis dans la charrette, regardant, ou peut-être avait-il les yeux fermés. Les récits diffèrent. De toute façon, il pouvait entendre. Il pouvait entendre la lame tomber. Il pouvait entendre la foule acclamer. Il pouvait entendre la mort se rapprocher.

Finalement, son nom fut appelé. Des gardes l’aidèrent à sortir de la charrette. Malgré tout, la mâchoire fracassée, la nuit sans sommeil, les heures d’agonie, l’humiliation, il monta les marches de l’échafaud sans aide. Il ne trébucha pas. Il n’eut pas besoin d’être porté. Quoi que vous puissiez dire de Maximilien Robespierre, il maintint son sang-froid presque jusqu’à la toute fin.

Charles Henry Sanson attendait en haut, le bourreau de Paris, l’homme qui avait exécuté Louis XVI, Marie-Antoinette et des milliers d’autres. À ce stade, Sanson connaissait la guillotine mieux que quiconque vivant. Il savait exactement comment positionner une personne condamnée pour la mort la plus rapide et la plus propre possible. Il éprouvait une sorte de fierté professionnelle étrange à bien faire son travail, à rendre la mort aussi rapide et indolore que la technologie le permettait. Mais il y avait un problème : le bandage de Robespierre était dans le chemin. L’épais tissu enroulé autour de sa mâchoire empêcherait la lame de faire une coupe nette. Il s’accrocherait à la lunette, le collier en bois qui maintenait la tête en place. Il pourrait même dévier légèrement la lame. Pour que la guillotine fonctionne correctement, pour que la mort soit instantanée, le bandage devait être enlevé.

Sanson savait ce que cela signifierait. Il faisait ce travail depuis des années. Il comprenait les blessures. Il savait que le bandage était probablement la seule chose empêchant Robespierre de se vider de son sang sur la plateforme. Il était pressé contre de l’os fracassé, brut, contre de la chair déchirée, contre des nerfs exposés. L’enlever serait comme rouvrir entièrement la blessure. Mais cela devait être fait. L’exécution devait se poursuivre.

Sanson se pencha et attrapa le bord du bandage. Et puis, d’un mouvement rapide, il l’arracha. La douleur dut être au-delà de ce que le langage humain peut adéquatement décrire. Le bandage était collé à la blessure avec du sang séché. L’arracher tira sur le tissu brut, l’os exposé, les nerfs endommagés. Pendant juste une fraction de seconde, la mâchoire fracassée de Robespierre pendait complètement libre, sans soutien, le poids total tirant sur la chair déchirée et les os brisés. Robespierre hurla. Pas des mots. Pas une déclaration politique. Pas de derniers mots de défi sur la Révolution ou la justice ou les ennemis. Juste un son brut, animal, un cri profond et aigu d’agonie physique pure. Le son que toute créature blessée émet lorsqu’elle est poussée au-delà des limites de l’endurance. Ce que les témoins décriraient plus tard comme la protestation violente d’un animal humain blessé.

Le hurlement résonna sur la Place de la Révolution. Pendant un moment figé, même la foule se tut. Et puis, Sanson poussa Robespierre en position. La lunette en bois se referma autour de son cou. La lame tomba. La foule explosa. Dix minutes d’acclamations soutenues. Des gens hurlaient, pleuraient, s’embrassaient dans les rues autour de l’échafaud. Après plus d’un an de Terreur, après des milliers d’exécutions, après des mois et des mois à se demander chaque jour si votre nom pourrait être sur la prochaine liste, si un coup à la porte pourrait signifier des soldats venant vous arrêter, si un commentaire entendu par hasard pourrait mener à une dénonciation : c’était fini. L’architecte de la Terreur était mort.

Sanson brandit la tête de Robespierre dans l’exposition traditionnelle, la soulevant haut pour que la foule puisse voir. Le visage était à peine reconnaissable. La moitié inférieure était détruite, couverte de sang. Toute trace de l’avocat précis, contrôlé, impeccablement habillé, avait complètement disparu. Ce n’était que de la viande et des os et de la chair déchirée. Juste la mort.

Les exécutions restantes continuèrent. Saint-Just, qui rencontra la lame avec le même calme trop blanc qu’il avait maintenu tout au long de sa carrière révolutionnaire. Couthon, qui dut être porté à l’échafaud et soulevé sur la plateforme. Augustin Robespierre, Hanriot, les autres. Au moment où ce fut terminé, 22 hommes étaient morts sur l’échafaud cet après-midi-là. Mais c’est la mort de Robespierre dont les gens se souviendraient. C’est la mort de Robespierre qui serait racontée dans les cafés et les salons pendant des années. Et spécifiquement, c’est ce hurlement qui hanterait les témoins pour le reste de leur vie, ce moment où l’Incorruptible, la voix de la Révolution, fut réduit à rien d’autre que la douleur et la terreur.

Les exécutions ne s’arrêtèrent pas immédiatement. Elles ne le font jamais. Dans les trois jours suivant le 9 Thermidor, 104 Robespierristes supplémentaires furent guillotinés. La Terreur ne s’arrêtait pas, elle changeait simplement de cible. Les gens qui avaient été loyaux à Robespierre, les gens qui avaient exécuté ses ordres, les gens qui avaient simplement été trop proches de lui, se retrouvèrent maintenant sur l’échafaud. C’était le début de ce que les historiens appellent la Réaction Thermidorienne, ou parfois la Terreur Blanche, une période de représailles contre quiconque associé au régime jacobin. Mais graduellement, lentement, les tueries diminuèrent. La machinerie de la Terreur qui semblait imparable quelques semaines plus tôt commença à ralentir. Le Comité de Salut Public fut dépouillé de la plupart de ses pouvoirs et réorganisé. Les prisons commencèrent à se vider. Des milliers de personnes qui attendaient leur procès, certaines d’aller mourir, se retrouvèrent soudain libérées. Le Tribunal Révolutionnaire, qui avait traité les victimes si efficacement sous la Loi du 22 Prairial de Robespierre, fut réorganisé puis finalement complètement aboli. La France passerait l’année suivante à essayer de comprendre ce qui suivrait. Le résultat fut le Directoire, un gouvernement plus corrompu, moins idéaliste et considérablement moins meurtrier que ce qu’il avait précédé. En cinq ans, celui-ci s’effondrerait aussi, remplacé par la dictature militaire.

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