L’UKRAINE FACE À SES PRÉDATEURS : COMMENT LE PLAN “BUSINESS” DE TRUMP LIGUE MOSCOU ET WASHINGTON CONTRE L’EUROPE

L’UKRAINE FACE À SES PRÉDATEURS : COMMENT LE PLAN “BUSINESS” DE TRUMP LIGUE MOSCOU ET WASHINGTON CONTRE L’EUROPE
Le sort de l’Ukraine se joue, non pas sur les champs de bataille de l’Est, mais dans le luxe ostentatoire d’une résidence privée en Floride : celle de Donald Trump. L’enjeu est colossal : obtenir des concessions américaines sur un plan de paix qui, selon de nombreuses indiscrétions, est dangereusement favorable à Moscou. Autour de la table, les hommes du président, ou plutôt de l’ancien président – le gendre, Jared Kushner, et l’émissaire, Steve Witkoff, admirateur déclaré de Vladimir Poutine – accueillent une délégation ukrainienne affaiblie et isolée, emmenée par Rustem Umerov et le chef des renseignements. La véritable nature de cette rencontre, et du plan qui en découle, est un signal d’alarme retentissant : il ne s’agit pas de garantir la paix par le droit international, mais de sceller un accord commercial massif où l’Europe est la grande perdante, et l’Ukraine, la victime forcée.
Le Casting Choc de Mar-a-Lago : Business Avant le Droit
La composition de la délégation américaine en dit long sur les priorités de cette nouvelle diplomatie. Aux côtés de personnalités politiques comme Marco Rubio, on trouve des hommes d’affaires pur jus, dont la vision de la géopolitique se résume au “deal” et au “profit”.
Steve Witkoff, l’émissaire de Donald Trump, incarne parfaitement cette approche. Ancien expert du dossier Moyen-Orient et magnat de l’immobilier avec des liens troubles remontant à avant 2016, il est surtout l’un des très rares – peut-être le seul – à avoir rencontré Vladimir Poutine cinq fois en tête-à-tête en temps de guerre. Son opinion sur le chef du Kremlin est troublante, voire inquiétante pour les alliés de Kiev : “Je l’ai bien aimé. Selon moi, il a été franc. Je ne considère pas comme un mauvais type.” Ces paroles, prononcées par l’homme qui négocie aujourd’hui la “paix” avec les Ukrainiens et les Russes, illustrent une proximité déconcertante.
Jared Kushner, le gendre du président, s’est greffé tardivement à ces négociations, mais sa présence confirme la nature privée et transactionnelle de l’approche. Pour ce triptyque d’hommes d’affaires, la guerre en Ukraine n’est qu’un “obstacle” à la continuité du business. L’objectif avoué est de “faire du business” pour “arrêter cette guerre en 15 jours ou en 100 jours”, quel qu’en soit le prix pour l’Europe ou l’intégrité territoriale ukrainienne.
L’Affaire est dans le Sac : Le Plan de Paix Axé sur le Profit
Ce qui est au cœur du plan américain, selon les indiscrétions du Wall Street Journal, n’est pas la souveraineté ou la réparation des crimes de guerre, mais le profit. Le plan vise à ce que les entreprises américaines soient en mesure de “faire fortune” en Ukraine une fois la guerre terminée. Mais l’ambition va bien au-delà : il s’agit de relancer l’économie russe, qui pèse 2 000 milliards de dollars.
Comment ? Grâce à des relations commerciales et à la création d’entreprises américano-russes. Steve Witkoff évoque un “avenir entre des relations commerciales, la Russie, l’Ukraine et les États-Unis.” Ce schéma économique pose les fondations d’un rapprochement durable entre Washington et Moscou, s’affranchissant totalement des sanctions européennes et des principes de droit international que l’Europe s’efforce de défendre.
Le Vol des 300 Milliards et l’Axe Mars-Arctique
La pièce maîtresse de ces négociations est un portefeuille de 300 milliards de dollars d’actifs russes gelés par la Banque Centrale de Moscou. La position européenne, claire, est que ces fonds doivent servir à reconstruire l’Ukraine, obligeant de facto la Russie à payer pour son crime d’agression.
Le plan proposé par la Russie, via ses intermédiaires américains, est diamétralement opposé et d’une audace financière stupéfiante. Il est question que ces actifs gérés par la Russie soient cédés aux États-Unis pour des projets d’investissement et la reconstruction ukrainienne, mais sous une gestion concertée de l’Amérique et de la Russie. En d’autres termes, l’argent resterait sous influence russe et américaine, garantissant un contrôle bilatéral sur la reconstruction de l’Ukraine, et écartant l’Europe de toute décision majeure.
Pour sceller ce partenariat, des projets “très lucratifs” sont mis en avant par Kirill Dmitriev, directeur du fonds souverain russe et proche de Witkoff. Parmi eux, l’exploration de minéraux stratégiques dans l’Arctique et, plus surprenant encore, un projet commun autour de SpaceX pour une mission américano-russe vers Mars. Si l’Amérique apporte le capital technique et les technologies, elle non seulement relance l’économie russe, mais réussit un coup de maître stratégique : détacher la Russie de la Chine, qui fournit actuellement une grande partie de l’assistance technologique.
L’Europe au Menu, l’Ukraine Isolée

Le prix à payer pour cet accord “business” est l’isolement total de l’Europe et l’affaiblissement de l’Ukraine. Le commentateur est catégorique : l’Europe n’est “pas à la table” des négociations, elle est “au menu”. La menace est double : les “prédateurs russes et américains” se ligueraient ensemble contre l’Europe.
Les négociations sont volontairement menées sans réunions communes. Alors que la dernière fois que les Européens, Zelensky et Trump se sont réunis, c’était en août à la Maison Blanche, les discussions actuelles à Genève ou en Floride se font par “ping-pong”. Les Américains rencontrent les Ukrainiens, qui rencontrent ensuite les Européens, mais jamais tout le monde ensemble. Cette structure est conçue pour “tordre le bras” de l’Ukraine et ne pas s’embarrasser des Européens, pour leur présenter in fine un fait accompli qui anéantirait toute influence continentale.
L’écart de langage est abyssal. Les Européens parlent de droit international et de frontières, tandis que l’axe Washington-Moscou parle de business et de “deals”. Cette divergence fait des Européens la “douzième roue du carrosse,” courant derrière les évènements sans jamais les rattraper.
Le Scandale Yermak : Le Talon d’Achille Ukrainien
L’Ukraine arrive à ces discussions cruciales en grande difficulté, une situation exacerbée par un scandale de corruption. À peine 48 heures avant la rencontre en Floride, le chef des négociateurs ukrainiens et un soutien clé de Zelensky, Andriy Yermak, a été limogé et évincé sur fond de “graves soupçons de corruption” s’élevant à plus de 100 millions d’euros.
Ce scandale, touchant un haut responsable, est une aubaine pour l’administration Trump. Les Américains, qui détestaient déjà Yermak et se posaient des questions sur “où va notre argent” (la CIA avait même été dépêchée à Kiev pour surveiller l’utilisation des fonds), peuvent désormais utiliser cette faiblesse pour justifier un accord peu favorable à l’Ukraine. Zelensky, conscient que l’argument numéro un des Russes est de présenter l’Ukraine comme un “état corrompu” pour décourager l’aide occidentale, a dû faire le ménage pour se “faciliter la place de l’Ukraine dans les négociations,” mais cela l’a privé d’un allié important. C’est une vulnérabilité que les négociateurs américains n’hésiteront pas à exploiter pour obtenir un maximum de concessions.
L’Impuissance Européenne et le Manque de Leadership
Face à ce jeu de rôle cynique entre Washington et Moscou, le rôle des Européens semble tragiquement faible. L’aide prévue par la France pour l’Ukraine l’an prochain n’est que de 120 millions d’euros, soit 0,005 % du PIB – une contribution qui relève de l’aumône plutôt que d’un effort de guerre.
Le Président Zelensky tente désespérément de trouver des “bouées de secours” à Paris et ailleurs, mais le leadership européen est en panne. L’appel à l’union est permanent, mais les États membres sont “en ordre dispersé”. Le manque criant de volonté politique se traduit par l’incapacité à fournir des garanties de sécurité bilatérales à l’Ukraine. Chaque pays se renvoie la balle, attendant une “coalition” ou le “plus petit dénominateur commun,” ce que les Américains et les Russes savent parfaitement.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, se contente de déclarer que Vladimir Poutine doit “accepter le cesser le feu ou se résoudre à exposer la Russie à de nouvelles sanctions,” une posture qui semble bien faible face à l’offensive “business” de l’axe américano-russe.
Le danger est clair : si Trump et Poutine parviennent à tordre le bras de Zelensky en Floride, l’Europe sera placée devant un fait accompli diplomatique. Non seulement elle aura perdu toute influence dans le conflit, mais elle devra probablement payer une partie de l’addition et faire face à un affaiblissement dramatique de l’OTAN. La situation actuelle n’est rien de moins que l’agrandissement du fossé entre l’Europe et les États-Unis, laissant le continent aux prises avec les conséquences d’un “deal” où elle n’a été qu’une simple ligne sur le menu.