L’hiver de 1789 s’abattait sur la ville de Lyon avec une férocité inhabituelle. Les rues pavées du quartier de la Croix Rousse étaient recouvertes d’une fine couche de givre qui saintillait sous la lumière pâle de l’aube.

Dans le petit bureau encombré de la gazette de Lyon, Jean-Baptiste Morau, jeune journaliste aux ambitions démesurées, feuilletait nerveusement une pile de documents jaunis qu’un messager anonyme avait déposé à sa porte la veille au soir. Des mains tremblantes, non pas de froid, mais d’excitation, Jean-Baptiste relisait pour la 5in fois la lettre qui accompagnait les document.
L’écriture élégante et précise révélait une main éduquée, probablement celle d’un ecclésiastique. Le message était bref mais explosif. Ce que vous allez découvrir ébranlera les fondations de l’église. Le couvent de Sainte-clair garde un secret depuis 40 ans, cherché dans les archives paroissiales de l’année 1749. Jean-Baptiste avait 28 ans et rêvait de faire carrière dans le journalisme d’investigation.
Fils d’un imprimeur modeste, il avait appris à lire et à écrire dans l’atelier paternel, dévorant tous les livres qui lui tombaient sous la main. Son intelligence vive et sa curiosité insatiable l’avaient mené à la Gazette où il occupait depuis 3 ans un poste de chroniqueur municipal.
Mais ce qu’il recherchait vraiment, c’était l’histoire qui ferait de lui un journaliste reconnu. Le couvent de Saint-Claire se dressait à la périphérie de Lyon, un imposant bâtiment de pierre grise entouré de haut murs qui semblaient défier quiconque de percer ses mystères. Fondé en 16 Calvin par la duchesse de Montpensier, il abritait une communauté de sœurs cloé vouées à la prière et au travail manuel.
Leur réputation de piété était irréprochable et plusieurs familles nobles lyonnaises y envoyaient leurs filles pour une éducation religieuse stricte. Jean-Baptiste décida d’agir avec prudence. Il ne pouvait pas se présenter directement au couvent sans éveiller les soupçons. Il devait d’abord vérifier les archives paroissiales comme le suggérait la lettre anonyme.
L’église Saint-Nizier qui supervisait spirituellement le couvent conservait les registres de naissance, mariage et décès de toute la paroisse. Le lendemain matin, emitoufflé dans son manteau de laine etimée, Jean-Baptiste se rendit à Saint-Nisier.
Le père Mathieu, un prêtre âgé aux cheveux blancs et au regards fatigués, était le gardien des archives. Jean-Baptiste se présenta comme un chercheur travaillant sur l’histoire religieuse de Lyon et demanda l’accès au registre de 1749. “C’est une époque bien lointaine, mon fils”, dit le père Mathieu en guidant Jean-Baptiste vers une pièce sombre remplie d’armoires massives.
“Que cherchez-vous exactement ? Des informations sur le couvent de Sainte-claire ?” répondit Jean-Baptiste avec désinvolture. Je m’intéresse à l’évolution des communautés religieuses féminines. Le prêtre hocha la tête et sortit plusieurs registres poussiéreux qu’il déposa sur une table branlante. Prenez votre temps. Je serai dans la sacristie si vous avez besoin de moi.
Restez seul, Jean-Baptiste ouvrit le premier registre avec précaution. Les pages Johnny craquaient sous ses doigts. Il parcourut les entrées méthodiquement. Baptême, mariage, décès, rien de remarquable jusqu’à ce qu’il arrive au mois d’août 1749. Là, son cœur s’arrêta. Une série de 12 baptêmes, tous enregistrés entre le 10 et le 28 août 1749.
Les mères étaient identifiées comme sœur Marie- Thérèse du Sacré Cœur, sœur Catherine de la Miséricorde, sœur Elisabeth de la Sainte Trinité et ainsi de suite. 12 religieuses, 12 enfants nés à quelques jours d’intervalle et dans la colonne réservée au père, pour chacun des 12 actes figurait la mention père inconnu.
Jean-Baptiste sentit l’adrénaline montée. C’était impossible. Comment douze religieuses cloîrées avait-elles pu tomber enceinte simultanément ? Il copia frénétiquement les informations dans son carnet, notant chaque détail, les noms des religieuses, les dates exactes, les témoins présents lors des baptêmes. Ce qui le frappa ensuite fut encore plus troublant.
Les registres suivants de cinquant à candaient aucun décès parmi ces 12 religieuses. Elles avaient toutes continué à vivre au couvent comme si rien ne s’était passé. Mais les enfants, que leur était-il arrivé ? Il n’y avait aucune trace de leur devenir. Jean-Baptiste quitta l’église avec plus de questions que de réponses.
Il devait maintenant découvrir ce qui s’était réellement passé en 1749 au couvent de Sainte-claire. La lettre anonyme avait raison. Ce secret pouvait effectivement ébranler l’église. De retour à son appartement exigu de la rue Mercière, Jean-Baptiste étala ses notes sur la table. Il devait établir un plan d’action. Interroger directement les religieuses actuelles était impossible.
Le couvent était cloîré et aucun homme n’y était admis, sauf l’homonier et l’évêque lors de visites officielles. Il devait trouver quelqu’un qui avait des liens avec le couvent, quelqu’un qui pourrait lui ouvrir des portes. C’est alors qu’il se souvint de Marguerite du Four, une ancienne employée du couvent qui tenait maintenant une petite mercerie près du marché Saint-Antoine.
Il avait rencontré quelques mois auparavant lors d’un reportage sur les commerçants lyonnais. Elle avait travaillé comme lingère au couvent pendant plus de vingt ans avant de prendre sa retraite. Le lendemain, Jean-Baptiste se rendit à la mercerie. Marguerite, une femme robuste d’une soixantaine d’années, aux mains abîmées par des années de laur, l’accueillit avec un sourire chaleureux.
Monsieur Morau, quelle surprise que me vaut l’honneur ! Madame Dufour, j’aurais besoin de votre aide pour un article que je prépare”, commença prudemment Jean-Baptiste. “Vous avez travaillé longtemps à Sainte-claire, n’est-ce pas ?” Le sourire de Marguerite s’évanouit instantanément. “Pourquoi cette question ? Je fais des recherches sur l’histoire du couvent.
J’ai découvert quelque chose de troublant dans les archives paroissiales de 1749.” Marguerite Pâit et se laissa tomber sur une chaise. “Vous avez trouvé”, murmura-t-elle. “Ars toutes ces années, quelqu’un a enfin trouvé.” “Vous savez ce qui s’est passé ?” demanda Jean-Baptiste incrédule.
“Mon grand-père était jardinier au couvent à cette époque”, dit Marguerite d’une voix tremblante. “Avant de mourir, il m’a raconté l’histoire, mais j’ai toujours pensé que c’était une légende, quelque chose d’inventé. Jusqu’à ce que je commence à travailler là-bas. et que je découvre des indices. Quels indices ? Marguerite regarda nerveusement autour d’elle, comme si les murs pouvaient entendre. pas ici. Venez chez moi ce soir après la fermeture.
Ce que j’ai à vous dire pourrait vous mettre en danger. La maison de Marguerite du Four se trouvait dans une ruelle étroite du quartier Saint-Jean à l’ombre de la cathédrale. C’était une modeste demeure de deux étages dont les fenêtres donnaient sur une cour intérieure pavée.
Quand Jean-Baptiste frappa à la porte ce soir-là, la nuit était déjà tombée et une pluie fine commençait à tomber. Marguerite l’attendait dans une petite pièce chaleureuse éclairée par des chandelles. Elle avait préparé du vin chaud épicé et des galettes de sarasin. Asseyez-vous, monsieur Morau. Ce que je vais vous raconter prendra du temps. Jean-Baptiste sortit son carnet et sa plume, mais Marguerite sequait la tête. Non, pas encore. Écoutez d’abord.
Vous déciderez ensuite ce que vous voulez écrire. Elle commença son récit d’une voix posée, mais Jean-Baptiste pouvait sentir l’émotion qui la traversait. Mon grand-père, Jacques Dufour était un homme simple et honnête. Il a travaillé comme jardinier au couvent de Sainte-cler pendant 30 ans, de 1745 à 1775.
C’était un travail tranquille. Il s’occupait du potager, des arbres fruitiers et des fleurs qui ornaient à la chapelle. Les sœurs le respectaient et lui ils respectaient leur clôture. Il ne franchissaiit jamais les limites qui lui étaient imposées. Mais en 1749, tout a changé.
Un jour de janvier, alors qu’il travaillait dans le potager près du mur d’enceinte, il a entendu des voix masculines venant de l’intérieur du couvent. C’était inhabituel. Les seuls hommes autorisés étaient l’omonier, l’évêque lors de ses visites et lui-même uniquement dans les jardins extérieurs. Intrigué, il s’est approché discrètement d’une porte de service qu’on utilisait pour évacuer les déchets. Marguerite marqua une pause et but une gorgée de vin chaud.
Ce qu’il a vu l’a choqué au plus au point. Un homme d’une trentaine d’années vêtu de haillon était en train de transporter des sacs de grain sous la supervision de la mère supérieure, sœur Augustine de la Croix. L’homme était noir de peau, probablement d’origine africaine. Il avait des chaînes au pied. Jean-Baptiste sentit son sens glacé.
Un esclave au couvent. C’est ce que mon grand-père a pensé. Mais comment était-ce possible ? L’esclavage existait dans les colonies, pas en France métropolitaine et surtout pas dans un couvent de religieuse cloîré. Qu’a-t-il fait ? Il a continué son travail en faisant semblant de n’avoir rien vu, mais il est resté vigilant.
Au cours des semaines suivantes, il a aperçu l’homme à plusieurs reprises, toujours accompagné d’une ou deux religieuses, accomplissant diverses tâches. Porter du bois, réparer des meubles, nettoyer les écuries. L’homme semblait en bonne santé physique, bien qu’il ait toujours les chaînes au pieds.
Ce qui troublait mon grand-père, c’était le regard des religieuses quand elles étaient avec lui. Ce n’était pas le regard qu’on pose sur un serviteur ou un esclave, c’était autre chose. Les mois ont passé. Mon grand-père a gardé le silence, craignant pour sa position. Il avait une famille à nourrir et ne pouvait se permettre de perdre son emploi. Puis à l’été 1749, il a remarqué que plusieurs religieuses commençaient à porter des vêtements plus amples. Leur démarche changeaient.
Certaines avaient le teint pâle et semblaient fatigué. Il a compris ? Demanda Jean-Baptiste. Pas immédiatement. Ce n’est qu’en août quand il a été convoqué d’urgence pour creuser une grande fosse dans le coin le plus reculé du jardin qu’il a compris.
On lui a dit que c’était pour un nouveau compost, mais il savait que c’était un mensonge. La fosse était trop profonde, trop soigneusement préparé. Une semaine plus tard, en pleine nuit, il a été réveillé par le père Mathieu lui-même qui l’a amené au couvent. L’omonier avait besoin de lui pour une tâche urgente et délicate.
Quand ils sont arrivés, mon grand-père a découvert un spectacle qu’il n’oublierait jamais. Marguerite se leva et se dirigea vers une vieille armoire. Elle en sortit un paquet enveloppé dans du tissu huilé. Avant de mourir, mon grand-père m’a donné ceci. Il m’a fait promettre de ne jamais le montrer à personne, sauf si quelqu’un cherchait la vérité. Elle déplia le tissu, révélant un vieux carnet en cuir craquelé. C’est son journal.
Il a tout consigné malgré le fait qu’il savait à peine écrire. Il voulait que quelqu’un sache un jour. Jean-Baptiste prit le carnet avec révérence. Les pages étaient couvertes d’une écriture maladroite mais lisible. Il commença à lire à voix haute. Nuit du 10 août 1749, le père Mathieu m’a emmené au couvent. Dans la grande salle commune, 12 religieuses étaient couchées sur des paillasses, toutes en travail d’enfantement. Des sages femmes venues de loin s’occupent d’elles. La mère supérieure me regardait avec des yeux
terrifiés. Elle m’a ordonné de ne jamais parler de ce que je voyais sous peine de damnation éternelle. J’ai aidé à transporter de l’eau bouillante, des linges propres. Les cris des religieuses raisonnaient dans toute la bâtisse. C’était l’enfer sur terre. Entre le 10 et le 15 août, les 12 enfants sont nés.
Tous étaient de couleur métisse avec la peau plus claire que celle de leur père, mais plus foncée que celle de leur mère. Jean-Baptiste leva les yeux du carnet. Et les enfants, qu”est-il advenu d’eux ? Marguerite baissa la tête. Continuez à lire. 16 août 1749. Le père Mathieu m’a demandé de les aider à transporter les enfants.
On m’a dit qu’il serait confié à des familles lointaines qui s’occuperaient d’eux. Deux nourrissons enveloppées dans des couvertures blanches ont été placés dans deux charrettes. Le convoi est parti avant l’aube, escorté par trois prêtres que je n’avais jamais vu auparavant. Les religieuses pleuraient en silence.
Mais le lendemain soir, j’ai surpris une conversation entre la mère supérieure et le père Mathieu. Il parlait de l’orphelina de Montpellier et de l’arrangement avec l’évêque. Les enfants n’étaient pas morts, mais ils avaient été dispersés dans différentes institutions religieuses à travers la France sous de fausses identités. Personne ne devait jamais savoir qu’ils étaient les enfants de religieuse.
Et l’esclave ? demanda Jean-Baptiste bien qu’il redoutait déjà la réponse. 20 août 1749. Aujourd’hui, j’ai été témoin d’un meurtre. L’homme noir qui vivait au couvent depuis des mois a été emmené dans la forêt par quatre hommes armés. Je les ai suivis en secret. Ils l’ont pendu à un chîn et ont enterré son corps dans une fosse profonde.
Le père Matthieu a béni la tombe en disant une prière pour son âme. Personne ne saura jamais qu’il a existé. Le silence tomba dans la pièce. Jean-Baptiste sentait sa gorge se serrer. Comment cet homme est-il arrivé au couvent ? Qui l’a amené là ? Marguerite feuilla le carnet jusqu’à une page marquée. Mon grand-père a essayé de reconstituer l’histoire.
Apparemment, l’homme était un esclave affranchi des colonies qui avaient été ramené en France par un capitaine de navire, le capitaine Lebrun. Ce dernier avait des liens avec la duchesse de Montpensier, la fondatrice du couvent.

Quand l’esclave est tombé malade à Lyon, le capitaine l’a confié temporairement aux sœurs de Sainte-Claire, pensant qu’elle pourrait le soigner. Mais au lieu de le soigner et de le renvoyer, la mère supérieure a vu une opportunité. Le couvent avait besoin de main d’œuvre pour des travaux lourds et cet homme était robuste et en bonne santé.
Elle a décidé de le garder en secret en le faisant passer pour un ouvrier temporaire. Elle l’a logé dans une cave aménagée et lui a donné des tâches quotidiennes. Selon mon grand-père, au début, tout se passait normalement. L’homme travaillait, les religieuses supervisaient.
Mais avec le temps, certaines sœurs, surtout les plus jeunes, qui n’avaient jamais eu de contact avec des hommes depuis leur entrée au couvent, ont commencé à développer une fascination pour lui. C’était le seul homme qu’elle voyait régulièrement, à part l’omonier lors des messes. La mère supérieure aurait dû agir mais elle ne l’a pas fait. Elle a fermé les yeux peut-être par lâcheté, peut-être par naïveté. Et quand la situation a dégénéré, il était trop tard.
Jean-Baptiste ferma le carnet submergé par l’horreur de ce qu’il venait d’apprendre. C’est monstrueux. Comment l’Église a-t-elle pu étouffer un tel scandale ? Vous devez comprendre le contexte, dit Marguerite. En 1749, l’Église catholique était encore très puissante en France.
Un scandale de cette ampleur aurait pu ébranler la foi de milliers de fidèles. L’évêque de Lyon de l’époque, Monseigneur de Tempin, était un homme pragmatique. Il a choisi de protéger l’institution plutôt que de chercher la justice. Les enfants ont été dispersés, l’esclave a été éliminé et les religieuses ont été forcées au silence sous peine d’excommunication.
Et les religieuses, qu”est-il advenue d’elles ? Elles ont continué à vivre au couvent, portant leur secret comme une croix. Mon grand-père les a vuir au fil des années. Certaines sont devenues folles de chagrin. D’autres se sont murées dans le silence. La mer supérieure est morte en 1760, rongée par le remord selon les rumeurs, mais le secret a été gardé.
Jean-Baptiste se leva et se mit à marcher de long en large dans la petite pièce. Son esprit bouillonnait. Je dois publier cette histoire. Le public a le droit de savoir. Attention, monsieur Morau, l’avertit Marguerite. Vous vous attaquez à des forces puissantes. L’église ne laissera pas cette histoire refaire surface sans combattre.
Et n’oubliez pas, vous n’avez que le journal de mon grand-père comme preuve. un tribunal ecclésiastique le rejetterait comme témoignage d’un simple jardinier. “Alors, je dois trouver d’autres preuves”, dit Jean-Baptiste avec détermination. “les enfants, si je peux retrouver ne serait-ce qu’un seul des 12 enfants ou leurs descendants, j’auraiis une preuve irréfutable.
” Les semaines suivantes, Jean-Baptiste se lança dans une quête obsessionnelle. Il copia méticuleusement tous les noms du registre de baptême de9 et commença à chercher des traces de ses 12 enfants dans les archives de différentes villes françaises. Son enquête le mena d’abord à Montpellier où selon le journal du grand-père de Marguerite certains enfants avaient été envoyés.
L’orphelina mentionné la maison de la Charité existait toujours, mais ces archives anciennes avaient été partiellement détruites lors d’un incendie en 1762. Néanmoins, Jean-Baptiste réussit à identifier deux noms qui correspondaient aux dates, un garçon prénommé Thomas et une fille nommée Jeanne, tous deux enregistrés comme enfant trouvés. En septembre, à Marseille, il découvrit la trace de trois autres enfants qui avaient été placés dans un hospice dirigé par des sœurs de charité.
L’un d’eux, un garçon nommé Antoine, était devenu plus tard Matelot et avait disparu en mer en 1770. Les deux autres, Marie et Louise, avaient été mariées à des artisans locaux dans les années 1760. Jean-Baptiste décida de se concentrer sur Marie dont il avait réussi à retrouver la trace jusqu’à Ex en Provence où elle vivait avec sa fille.
Le voyage depuis Lyon prenait trois jours en diligence mais Jean-Baptiste était déterminé. Exemp Provence l’accueillit avec son climat doux et ses rues ombragées. Marie du Bois, né Marie sans nom de famille en vivait dans une petite maison près du marché aux fleurs. C’était une femme d’une quarantaine d’années au visage marqué par les années mais aux yeux encore vifs. Sa peau portait cette teinte légèrement dorée qui trahissait ses origines métisses.
Jean-Baptiste se présenta comme un chercheur s’intéressant au parcours d’orphelin devenu citoyen respectable. Marie l’invita à entrer, intriguée mais méfiante. “Que voulez-vous savoir exactement, monsieur ?” demanda-t-elle en servant du thé à la bergamote. “Votre histoire, madame du Bois, je sais que vous êtes né à Lyon en août 1749 et que vous avez été placé à l’ospice de Marseille peu après.
Mais savez-vous quelque chose de vos parents biologiques ? Marie le regarda longuement avant de répondre. Toute ma vie, on m’a dit que j’étais une enfant trouvée, mais j’ai toujours su que c’était un mensonge. Regardez-moi, monsieur. Ma peau, mes trait. Je ne suis pas française de souche.
Les sœurs de l’hospice refusaient d’en parler, mais les autres enfants se moquaient de moi. Il disait que j’étais une bâard, fille d’une prostituée et d’un marin africain. Et si je vous disais que votre mère était une religieuse du couvent de Sainte-claire à Lyon, Marie laissa tomber sa tasse qui se brisa sur le sol carlé.
Quoi ? Jean-Baptiste sortit son carnet et lui montra les copies qu’il avait faites. 12 religieuses ont donné naissance à 12 enfants en août 1749. Vous êtes l’une d’entre elles. Votre mère était sœur Ellisabeth de la Sainte Trinité. Je peux vous montrer l’acte de baptême. Marie porta une main tremblante à sa bouche. Des larmes coulèrent sur ses joues. Ma mère était une religieuse.
Comment est-ce possible ? Jean-Baptiste lui raconta toute l’histoire depuis la découverte dans les archives jusqu’au journal du grand-père de Marguerit. Il lui parla de l’esclave, des naissances, de la conspiration pour étouffer le scandale. “Toute ma vie, j’ai cherché à comprendre qui j’étais”, dit Marie d’une voix brisée.
J’ai porté cette honte, cette différence. Et maintenant, vous me dites que ma mère était une sainte femme qui a trahi ses vœux. C’est encore pire que ce que j’imaginais. Ou peut-être pas. dit doucement Jean-Baptiste. Peut-être était-elle une femme piégée dans des circonstances qu’elle ne pouvait contrôler.

Peut-être a-t-elle été forcée ou manipulé ? Nous ne connaissons pas toute l’histoire. Marie se ressaisit lentement. Que voulez-vous de moi ? La vérité, je veux écrire cette histoire, la publié, mais j’ai besoin de témoignag de preuves vivantes. Accepteriez-vous de témoigner ? Et exposer ma honte au monde entier ? Faire de moi un objet de moquerie et de scandale ? ou bien révéler une injustice cachée pendant 40 ans.
Pensez aux autres enfants. Pensez à vos mères, forcez au silence toute leur vie. Pensez à l’homme qui a été tué pour protéger le secret de l’église. Marie resta silencieuse pendant un long moment. Puis elle ho la tête. Je témoignerai mais à une condition. Vous devez retrouver au moins un autre des enfants. Je ne veux pas être seul dans cette bataille.
Au cours des trois mois suivants, Jean-Baptiste multiplia les voyages à travers la France. Il retrouva quatre autres des 12 enfants, maintenant adultes et dispersés dans différentes régions. Chacun avait sa propre histoire, son propre parcours, mais tous portaient les stigmates de leur naissance illégitime et de leur origine métis.
Il y avait Pierre, devenu forgeron à Toulouse, qui avait appris son histoire par hasard lors d’une confession d’un vieux prêtre mourant. Il y avait Catherine qui vivait à Paris et travaillait comme couturière, marquée par le rejet et la discrimination toute sa vie.
Il y avait également Jacques, marin comme son demi-frère Antoine, qui avait lui aussi été en mer, mais avait survécu et était revenu en France. Chacun d’eux accepta de témoigner, poussé par un mélange de curiosité, de colère et de désir de justice. Jean-Baptiste les réunit tous à Lyon en janvier 1790 dans une auberge discrète du quartier Saint-Paul.
C’était la première fois qu’il se rencontrait, ses demi-frères et sœurs nés du même père mais de mères différentes. La rencontre fut chargée d’émotions. Ils se regardèrent, cherchant les ressemblances, les traits communs hérités de cet homme qu’aucun d’eux n’avait connu. Leur père, l’esclave sans nom qui avait été assassiné pour effacer les preuves de son existence.
Nous sommes la preuve vivante, dit Marie devenue la porte-parole du groupe. Nous existons. Notre père a existé. Nos mères ont souffert. L’église ne peut pas continuer à nier la vérité. Jean-Baptiste savait qu’il avait maintenant assez de preuves pour publier son article, mais il savait aussi que la bataille ne faisait que commencer. La publication de l’article de Jean-Baptiste dans la gazette de Lyon en février 1790 provoqua un séisme dans toute la France. L’histoire était explosive.
Scandale au couvent de Sainte-claire. 12 religieuses, un esclave et 40 ans de mensonge. L’article détaillait méticuleusement toutes les preuves. Les actes de baptême, le journal du jardinier, les témoignages des cinq descendants retrouvés. Jean-Baptiste avait écrit avec une précision journalistique irréprochable, laissant les faits parler d’eux-mêmes sans tomber dans le sensationnalisme.
La réaction fut immédiate et violente. L’Église catholique, déjà fragilisée par les bouleversements révolutionnaires qui secouaient la France depuis 1789, vit dans cette affaire une nouvelle attaque contre son autorité morale. L’évêque de Lyon, Monseigneur Marbuuf, convoqu une réunion d’urgence avec ses conseillers.
Le lendemain de la publication, Jean-Baptiste reçut une citation à comparaître devant un tribunal ecclésiastique. L’accusation, diffamation et atteinte à l’honneur de l’Église. Mais Jean-Baptiste était préparé. Il avait anticipé cette réaction et avait déjà contacté plusieurs avocats sympathiques à la cause révolutionnaire. Le procès eut lieu dans la grande salle du palais épiscopal transformé pour l’occasion en tribunal.
L’atmosphère était tendu d’un côté, les représentants de l’église dans leurs habits somptueux. De l’autre, Jean-Baptiste vêtu simplement, accompagné de Marguerite Dufour et des cinq descendants. Monseigneur Marbuf présidait personnellement, assisté de deux chanoines. L’accusation était menée par le père Augustin Lerou, un redoutable orateur connu pour sa défense, acharné des intérêts de l’église.
“Monsieur Morau, commença le père Lerou d’une voix tennante, “Vous osez salir la réputation de l’église avec des mensonges et des fabrications. prétendu, preuve ne sont que des documents falsifiés et des témoignages de personnes cherchant à nuire à notre sainte mère, l’Église.
“Ces documents ne sont pas falsifiés”, répondit calmement Jean-Baptiste. “Les actes de baptême sont authentiques et peuvent être vérifiés dans les archives de l’Église Saint-Nizier. Le journal du jardinier est un document contemporain des événements et ces cinq personnes présentes ici sont la preuve vivante ce que j’avance. Le père Lerou se tourna vers Marie et les autres.
Ces gens sont des opportunistes cherchant à extorquer de l’argent à l’église. Ils prétendent être les enfants de religieuses sans aucune preuve tangible de leur filiation. Alors, expliquez-nous, intervint l’avocat de Jean-Baptiste, maître Duch, un jeune républicain ardent, pourquoi deux enfants métises ont été baptisés au même moment en août 1749, tous avec des mères identifiées comme religieuses de Saint-Claire ? Il s’agit manifestement d’une erreur administrative, répondit le père Lerou sans conviction, un clair incompétent
qui a mal rempli les registre. Eu de douze fois avec la même erreur répétée systématiquement, le ton de maître du champ était sarcastique. Et je suppose que le journal détaillé d’un jardinier décrivant les événements est aussi une erreur. Le débat dura trois jours. L’église tenta de discréditer chaque preuve, chaque témoignage, mais Jean-Baptiste et son avocat ripostait avec des arguments solides et des faits vérifiables.
Le moment crucial arriva le 3è jour. Quand maître du champ demanda à interroger les religieuses encore vivantes du couvent de Sainte-claire, si ces accusations sont fausse, comme vous le prétendez, que les sœurs viennent témoigner sous serment, qu’elle nit avoir donné naissance à ses enfants. Un silence pesant tomba dans la salle.
Monseigneur Marbuf échangea un regard inquiet avec ses conseillers. Le piège était parfait. Si les religieuses témoignaaient et mentaient sous serment, elle commettraient un parjure. Si elle disait la vérité, elle confirmerait les accusations de Jean-Baptiste. “Les religieuses de Sainte-cler sont cloîrées, dit finalement le Perlerou. Elles ne peuvent comparaître dans une assemblée séculière.
Leur règle le leur interdit.” “Alors, faites venir le tribunal à elle”, suggéra maître du champ. Nous irons au couvent et elles pourront témoigner depuis derrière leur grille de clôture. L’évêque dû accepter. Ils n’avaient pas le choix sans admettre implicitement qu’il y avait quelque chose à cacher.
Le lendemain, un cortège inhabituel se dirigea vers le couvent de Sainte-claire. Les juges ecclésiastiques, Jean-Baptiste, son avocat, les cinq descendants et une foule de curieux qui s’étaient rassemblés malgré les efforts de l’église pour maintenir la discrétion. Dans le parloir du couvent, séparé par une grille de fer forgé, les membres du tribunal firent face à cinq religieuses âgées.
C’était les dernières survivantes des 12 qui avaient donné naissance en 1749. Elles avaient maintenant plus dexante ans. Leur visage ridit, portant les marques du temps et du secret qu’elles avaient gardé pendant 40 ans. La mère supérieure actuelle, sœur Thérèse de l’Immaculée Conception tenta de prendre la parole mais Monseigneur Marbuuf l’interrompit. C’est à ces cinq sœurs que nous voulons parler. Sœur Marie-thèse, approchez-vous.
Une vieille religieuse au dos courbé s’avança lentement vers la grille. Ses mains tremblaient. Sœur Marie Thérèse, dit Monseur Marbuf d’une voie ferme, on vous accuse d’avoir donné naissance à un enfant en août 1749, violant ainsi vos vœux de chasteté. Que répondez-vous à cette accusation ? Le silence qui suivit semblaité.
Tous les regards étaient fixés sur la vieille religieuse. Jean-Baptiste pouvait voir les larmes couleres sur ses joues rides. “Mon Seigneur”, dit-elle enfin d’une voix brisée. “Pendant 40 ans, j’ai porté ce secret comme une croix. J’ai prié pour le pardon. J’ai fait pénitence mais je ne peux plus mentir. Oui, j’ai donné naissance à un enfant. Nous étions 12.
Et que Dieu me pardonne, mais nous n’étions pas consentantes. Un murmure choqué parcourut l’assemblée. Mon seigneur Marbuf devint livide. Que voulez-vous dire ? L’homme continua sœur Marie- Thérèse d’une voix tremblante, l’esclave dont parle le journaliste. Il ne nous a pas forcé physiquement mais nous étions jeunes, naïves, coupé du monde.
La mère supérieure de l’époque, sœur Augustine, elle elle nous a dit que c’était notre devoir de civiliser cet homme, de lui enseigner les voix du Seigneur. Elle nous a encouragé à passer du temps avec lui seul. Nous ne comprenions pas ce qui se passait. Quand nous avons réalisé ce que nous faisions, il était trop tard. Une autre religieuse s’avança.
Je suis sœur Catherine de la Miséricorde. J’avais 17 ans en 1749. Sœur Augustine nous disait que si nous refusions, nous serions responsables de la danation de cet homme. Elle nous manipulait avec notre foi. Nous pensions servir Dieu, mais nous étions ses victimes. Jean-Baptiste sentit son cœur se serrer. L’histoire était encore plus sombre qu’il ne l’avait imaginé.
Ce n’était pas seulement un scandale sexuel, c’était une manipulation systématique de jeunes femmes vulnérables par une figure d’autorité. Les trois autres religieuses confirmèrent le témoignage, chacune ajoutant des détails qui peignaient le portrait d’une mère supérieure maiavélique qui avait orchestré toute l’affaire, peut-être dans un délire mystique, peut-être par pure perversité.
Et l’homme demanda maître du champ, qu”est-il devenu ? Ils l’ont tué, dit sœur Marie- Thérèse en sanglotant. Après la naissance des enfants, ils l’ont emmené dans la forêt et l’ont pendu. Nous les avons entendus en parler. Ils l’ont tué pour effacer les preuves. Monseigneur Marbuf se leva brusquement. Cette audience est terminée. Nous délibérerons. Mais c’était trop tard.
La vérité était sortie et elle était encore plus terrible que ce que quiconque avait imaginé. Le verdict du tribunal ecclésiastique fut rendu une semaine plus tard, mais il n’avait plus aucune importance. L’histoire s’était répandue comme une traînée de poudre à travers toute la France.
Les journaux de Paris, de Marseille, de Bordeaux reprirent l’affaire. L’opinion publique était scandalisée non seulement par les actes eux-mêmes, mais surtout par la dissimulation systématique qui avait duré 40 ans. Le tribunal acquitta Jean-Baptiste de toutes les charges, reconnaissant implicitement la véracité de ses accusations.
Mais l’église refusa de reconnaître officiellement sa responsabilité, se contentant de publier une déclaration affirmant que les événement de 1749 étaient le résultat d’actions individuelles qui ne reflétait pas les valeurs de l’institution. Pour Jean-Baptiste, ce n’était pas suffisant.

Il continua son enquête déterminé à retrouver la tombe de l’esclave assassiné. Avec l’aide de Marguerite et du vieux journal de son grand-père, ils se rendirent dans la forêt mentionnée à quelques kilomètres au nord du couvent. La recherche fut longue et difficile. La forêt avait changé en 40 ans. Des arbres étaient tombés, d’autres avaient poussé.
Mais finalement, guidé par les indications précises du jardinier, ils trouvèrent l’endroit. un vieux chaîne marqué d’une croix gravée dans les Corse. Ils creusèrent avec précaution et trouvèrent les restes. Le squelette était encore là avec les chaînes rouillées aux chevilles. Jean-Baptiste fit venir un médecin légiste pour examiner les restes.
L’expertise confirma qu’il s’agissait d’un homme d’origine africaine, mort par pendaison et enterré sommairement. Avec le soutien des cinq descendants et d’un groupe de citoyens lyonnais indignés par l’affaire, Jean-Baptiste organisa des funérailles dignes pour cet homme sans nom. Pour la première fois en 40 ans, quelqu’un pleurait publiquement sa mort.
Marie prit la parole lors de la cérémonie devant une foule de plusieurs centaines de personnes. Cet homme était notre père. Il n’était pas parfait. Il n’était pas un saint, mais il était humain et il méritait mieux que d’être utilisé puis jeté comme un animal. Aujourd’hui, nous lui rendons la dignité qu’on lui a refusé dans la vie et dans la mort.
Les cinq religieuses survivantes du scandale furent transférées dans un autre couvent loin de Lyon. L’Église les présenta comme des victimes plutôt que comme des coupables, ce qui était probablement la vérité. Le couvent de Saint-Claut fermé en 1791 dans le contexte de la Révolution française qui supprimait les ordres religieux. Jean-Baptiste continua à enquêter et réussit à retrouver la trace de trois autres des enfants, portant le total à 8 sur 12.
Les quatre autres restaient introuvables, probablement morts, jeunes ou ayant émigré à l’étranger. Ces huit descendants formèrent une association pour préserver la mémoire de leur histoire et aider d’autres personnes issues de naissances illégitimes à retrouver leurs origines.
L’affaire de Sainte-claire devint un symbole des abus de pouvoir de l’Église et fut fréquemment cité pendant les débats révolutionnaires sur la séparation de l’église et de l’État. Pour Jean-Baptiste, elle marqua le début d’une brillante carrière de journaliste d’investigation. Il continua à dénoncer les injustice et les secrets cachés, toujours guidé par sa quête de vérité.
En 1795, 5 ans après le scandale, la ville de Lyon érigea un monument à la mémoire de l’esclave assassiné. Ce n’était qu’une simple pierre tombale dans un coin du cimetière de la Croix- Rousse, mais elle portait une inscription qui disait tout à un homme sans nom, père de 12, victime de l’hypocrisie.
Que sa mémoire nous rappelle que la vérité finit toujours par triompher. Marguerite du vécut jusqu’à l’âge de cante-pinze ans, fierté d’avoir permis à la vérité d’éclater. Avant de mourir, elle lga le journal de son grand-père aux archives municipales de Lyon où il est conservé encore aujourd’hui comme témoignage d’une époque révolue.
Les cinq religieuses qui avaient témoigné passèrent leurs dernières années dans la prière et la pénitence. Sœur Marie- Thérèse écrivit ses mémoires peu avant sa mort en 1802. un document poignant qui racontait l’histoire du point de vue des victimes. Ces mémoires furent publiées de manière anonyme et devinrent un bestseller clandestin, circulant de main en main parmi les lecteurs avides de connaître les détails de l’affaire.
Marie du Bois, la descendante qui avait été la première à accepter de témoigner, devint une figure respectée de la communauté métisse de France. Elle passa le reste de sa vie à militer pour les droits des enfants illégitimes et contre l’esclavage encore pratiqué dans les colonies françaises. Son courage inspira d’autres personnes à sortir de l’ombre et à revendiquer leur identité.
L’histoire du couvent de Saint-Claire ne fut jamais oubliée. Elle fut transmise de génération en génération, d’abord comme un scandale, puis comme une leçon d’histoire sur les dangers du pouvoir absolu et du secret. institutionnel. Les historiens continuèrent à étudier l’affaire, découvrant au fil du temps de nouveaux détails et de nouvelles perspectives.
Jean-Baptiste Morau mourut en 1830 à l’âge de 69 ans, respecté comme l’un des pionniers du journalisme d’investigation en France. Dans son testament, il laissa une lettre adressée aux générations futures. J’ai passé ma vie à chercher la vérité. Même quand elle était dérangeante, même quand elle mettait en danger les institutions les plus puissantes, j’ai appris que la vérité n’est pas toujours belle, mais elle est toujours nécessaire.
Ne laissez jamais personne vous dire que certains secrets doivent rester cachés pour le bien commun. Les secrets protègent les puissants et condamnent les faibles. La lumière de la vérité est le seul désinfectant efficace contre la corruption et l’injustice. L’affaire de Sainte-claire marqua un tournant dans l’histoire de l’Église catholique en France.
Elle contribua à éroder la confiance aveugle que beaucoup de fidèles plaçaient dans l’institution, ouvrant la voie à une période de réforme et de remise en question. Elle servit également d’inspiration pour d’autres journalistes et chercheurs qui se mirent à fouiller les archives à la recherche d’autres scandales étouffés.
Aujourd’hui, plus de deux siècles après les événements, l’histoire est enseignée dans les écoles comme un exemple des dérives possibles quand le pouvoir religieux n’est pas contrôlé et quand la peur du scandale l’emporte sur la justice. Le site de l’ancien couvent de Sainte-claire est devenu un musée dédié à l’histoire des femmes victimes d’abus institutionnel, un lieu de mémoire et de réflexion.
Les descendants des enfants nés en se réunissent encore chaque année le 10 août pour commémorer leurs ancêtres et honorer la mémoire de leur père sans nom. Ils sont maintenant des centaines répartis à travers la France et au-delà unis par cette histoire tragique mais aussi par la fierté d’avoir survécu et prospéré malgré les circonstances difficiles de leur naissance.
L’histoire du couvent de Saint-Cla reste un rappel puissant que la vérité, aussi douloureuse soit-elle, doit toujours l’emporter sur le secret. Elle nous enseigne que derrière les façades respectables peuvent se cacher des horreurs et que c’est notre devoir de citoyen vigilant de questionner, d’enquêter et de ne jamais accepter les mensonges officiels sans preuve.
C’est aussi une histoire de résilience et de courage. Le courage de Jean-Baptiste qui a osé défier l’Église, le courage de Marie et des autres descendants qui ont accepté d’exposer leur histoire intime au jugement public. Le courage des cinq religieuses qui ont finalement choisi de dire la vérité malgré les décennies de silence imposé.
Dans le cimetière de la Croix Rousse, la pierre tombale de l’esclave sans nom est devenue un lieu de pèlerinage pour ceux qui croit en la justice et en la vérité. Des fleurs fraîches y sont déposées régulièrement, symbole du fait que même les vies les plus humbles et les plus tragiques méritent d’être remembré et honoré.

L’histoire se termine ainsi, non pas avec un happy ending hollywoodien, mais avec quelque chose de plus précieux, la reconnaissance de la vérité, la justice tardive pour les victimes et une leçon pour l’avenir. Car si l’histoire ne peut pas changer le passé, elle peut façonner le futur en nous enseignant à ne jamais répéter les erreurs de nos ancêtres. M.