Scandale religieux: le couvent des 15 silhouettes enceintes, personne ne sait à qui appartiennent…

Le couvent de Saint Lis se dressait au milieu des collines du sud-ouest de la France, à quelques kilomètres du village de Beaulieu sur vert. Construite au début du 19e siècle, il avait survécu aux guerres, aux révolutions, aux lois anticléricales. Ses murs de pierre blonde, son clocher modeste, ses fenêtres étroites donnaient l’impression d’un lieu hors du temps, figé dans une prière éternelle.
Les habitants du village le voyaient chaque jour depuis la route départementale, mais la plupart n’y avait jamais mis les pieds. On respectait la clôture, on saluait les religieuses quand elles venaient au marché et on ne posait pas de questions. Ce matin de novembre, la pluie tombait due sur les toits d’ardoise.


Les rigoles débordaient, les dalles de la cour intérieure brillaient sous l’eau et une brume grise montait des forêts alentours. Dans le réfectoire silencieux, une trentaine de sœurs prenaient le petit- déjeuner en écoutant la lectrice du jour réciter un passage des Évangile. La supérieure Mère Agnès, 63 ans. Le visage sévère encadré par un voile blanc impeccable parcourait la salle du regard.
Elle comptait machinalement les silhouettes assises, vérifiait que chacune était à sa place, mais son attention revenait toujours vers les même visage, ceux qu’elle avait convoqué la veille dans son bureau. Sœur Mathilde, 32 ans, assise au bout d’une table, gardait les yeux baissés sur son bol de chicoré. Sous son habit gris, son ventre arrondi se devinait malgré la ceinture de corde qu’elle avait serré au maximum.
Elle respirait lentement, essayant de calmer les battements de son cœur. À côté d’elle, sœur Élise, ans, mangeait à peine, les mains tremblantes. Plus loin, sœur Claire, 41 ans, fixait le mur devant elle avec une expression vide, comme si elle n’était plus vraiment là. Mère Agnès ferma brièvement les yeux. 15. Le chiffre lui revenait sans cesse comme une accusation.
quinze sœurs enceintes, quinzeqze ventres qui grossissaient malgré les vœux de chasteté, malgré les murs épais, malgré les portes verrouillé chaque soir à 21h. Une quinze femme qui jurait ne rien comprendre, ne se souvenir de rien, n’avoir jamais consenti à quoi que ce soit. La lectrice termina le passage. Mère Agnès se leva. Sœur Mathilde, sœur Élise, sœur Claire, vous resterez après le repas. Les autres peuvent regagner leur tâches. Que Dieu vous garde.
Un murmure de Amen parcourut l’assemblée. Les sœurs se levèrent en silence, débarrassèrent leur bol et quittèrent leur réfectoire en file indienne. Seules trois d’entre elles restèrent assises, les mains croisées sur la table, attendant que la porte se referme. Mère Agnès s’approcha lentement. Elle ne s’assit pas.
Elle les regarda l’une après l’autre longuement comme si elle cherchait une faille, un aveu qui n’était jamais venu. “Le père Laurent Dubreuil arrive cet après-midi”, dit-elle d’une voix neutre. “Il vient de Paris, envoyé par le diocèse. Il va vous interroger, chacune à votre tour. Je vous demande de coopérer pleinement. C’est notre dernière chance de comprendre ce qui se passe ici avant que avant que cela nous échappe.
Sœur Mathilde leva les yeux et Mère Agnès vit dans ce regard quelque chose qui la glaça, de la peur, mais aussi une incompréhension totale comme celle d’un enfant perdu. “Mère !” murmura Mathilde, “je vous jure que je ne sais pas. Je ne me souviens de rien.
Je me suis réveillé un matin avec des nausées et puis et puis je me suis dit que c’était la grippe mais ça ne partait pas. Et quand m’a examiné, sa voix se brisa. Élise posa une main sur son épaule. Moi non plus, je ne sais pas, ajouta Elise doucement. J’ai rêvé certaines nuits, des rêves étranges où quelqu’un entrait dans ma cellule, mais je pensais que c’était juste un cauchemar. Mère Agnès serra les points sous son scapulaire.
Et toi, Claire ? Sœur Claire ne répondit pas immédiatement. Son regard restait fixé sur le crucifi, accroché au mur du réfectoire. “Je me souviens d’une porte qui s’ouvrait”, finit-elle par dire, “ma ne voyais personne, juste une ombre et puis plus rien. Le silence qui suivit fut lourd, oppressant.
Dehors, la pluie continuait de marteler les vitres.” Ce prêtre va vous poser des questions difficiles, reprit mère Agnès. Il va chercher des incohérences dans vos récits. Il va vouloir savoir si vous avez quitté le couvent, si vous avez eu des contacts avec des hommes, si vous avez menti. Vous devez être honnête et complètement honnête, même si la vérité vous fait honte.
Mais nous sommes honnêtes protesta Mathilde, les larmes aux yeux. Nous ne savons pas, Mère. C’est ça la vérité. Nous ne savons pas. Mère Agnès détourna le regard. Elle avait entendu cette même phrase quinze fois dans quinze entretien différents. Et à chaque fois, elle avait eu envie de crier, de secouer ses femmes jusqu’à ce qu’elles avouent ce qu’elle cachait forcément.
Mais au fond d’elle-même, une voix lui disait que peut-être, peut-être, elle disait la vérité. Et cette pensée était encore plus terrifiante que l’idée d’un mensonge collectif. L’après-midi même, une voiture noire franchit le portail du couvent et s’arrêta dans la cour.
Un homme en descendit, la quarantaine, cheveux grisonnants, costume sombre sous un imperméable trempé. Le père Laurent Dubreuil portait une mallette en cuir usée et une expression fatiguée. Il avait déjà enquêté sur des affaires semblables dans d’autres diocèses, d’autres villes. Il connaissait les mécanismes du silence, les stratégies de protection institutionnelles, les mensonges pieux qu’on racontait pour éviter le scandale.
Mais 15 grossesses simultanées dans un couvent cloîré, c’était une première. Mère Agnès l’attendait sous l’arcade du cloître. Ils se serrèrent la main sans chaleur. Père du Breuil, bienvenue à Saint-Lis. Mère Agnès, merci de me recevoir. J’imagine que ce n’est facile pour personne. En effet, répondit-elle sèchement. Suivez-moi, j’ai préparé un bureau où vous pourrez travailler.
Ils traversèrent le cloître en silence, longeant les arcades de pierre où l’eau ruisselait en filet continu. Le couvent sentait l’enang froid, la cire d’abeille et quelque chose d’indéfinissable qu’on ne trouvait que dans les lieux de prière. Un mélange de renfermé et de recueillement. Le bureau était petit, meublé d’une table en bois, de deux chaises et d’une étagère chargée de livres de théologie.
Une fenêtre donnait sur le jardin potager où des rangées de légumes disparaissaient sous la pluie battante. “Voici, le registre des entrées est sorti depuis 2 ans”, dit Mère Agnès en posant un épé cahier sur la table. Voici également la liste des intervenants extérieurs. Le médecin, le prêtre qui dit la messe, les fournisseurs, les ouvriers qui ont fait des réparations l’an dernier. Laurent ouvrit le registre et parcourut les pages.
Chaque ligne était soigneusement remplie. Date, nom, motif de la visite, heure d’entrée, heure de sortie. Il nota mentalement les noms qui revenaient le plus souvent. Docteur Bertrand Moulin, le père Émile Vargass, Jean-Luc Ferrand électricien, Marc Dubois plombier. “Combien de sœurs vivent ici actuellement ?” demanda-t-il s’enlever les yeux.
“Tenteux, répondit Mère Agnè et quze d’entre elles sont enceintes.” Oui. “À quel stade ?” “Entre trois et 6 mois”. Selon les estimations de sœur Cécile, notre infirmière. Un médecin extérieur a-t-il confirmé ses diagnostics ? Mère Agnès hésita. Non, nous nous n’avons pas voulu alerter le docteur Moulin. Pas avant d’avoir compris. Laurent leva enfin les yeux vers elle.
Vous comprenez que c’est extrêmement problématique, n’est-ce pas ? Si ces grossesses résultent d’agression chaque jour sans examen médical effaceent des preuves potentielles ? “Je le sais”, murmura-t-elle. Mais si nous alertons les autorités civiles maintenant, ce couvent sera envahi par les journalistes, la police, les experts.
Nos sœurs seront exposées, humiliées. Et pourquoi ? Nous ne savons même pas ce qui s’est passé. Justement, mère, c’est pour savoir qu’il faut agir. Il referma le registre et croisa les mains sur la table. Je vais interroger chaque sœur concernée. Ensuite, je parlerai aux intervenants extérieurs et si nécessaire, je demanderai une expertise psychiatrique et médicale.
Mais je vous préviens, si je découvre que des crimes ont été commis et dissimulés, je serai obligé de les signaler, même si cela détruit ce couvent. Mère Agnès le regarda longuement, puis hoa la tête. Faites ce que vous devez faire, père. Nous sommes déjà détruits de toute façon. La première à entrer dans le bureau fut sœur Mathilde.
Elle s’assit sur la chaise face au père Laurent, les mains serrées sur ses genoux, le regard fuyant. Laurent la laissa s’installer en silence, observant sa respiration sacadée, la manière dont elle mordillait sa lèvre inférieure. “Bonjour, sœur Mathilde”, commença-t-il doucement.


Je sais que c’est difficile, mais j’ai besoin que tu me racontes tout ce dont tu te souviens. Prends ton temps. Mathilde aucha la tête. Elle inspira profondément. Je suis entré au couvent il y a 7 ans, dit-elle. J’avais 25 ans. Je venais d’un petit village près de Toulouse. Mes parents étaient contents que je choisisse cette vie. Ils sont croyants, très pratiquants. Ici, j’étais heureuse. Enfin, je croyais l’être.
Pourquoi dis-tu je croyais ? Parce que maintenant je ne sais plus si quelque chose comme ça a pu m’arriver sans que je m’en rende compte. Peut-être que je ne me connaissais pas moi-même. Laurent pris des notes dans un carnet. Raconte-moi la première fois où tu as soupçonné que quelque chose n’allait pas. Mathilde ferma les yeux.
C’était en août. Je me suis réveillé un matin avec des nausées terribles. J’ai vomi plusieurs fois. Je pensais que c’était une gastro. Mais ça a continué jour après jour. Et puis j’ai remarqué que mes seins étaient douloureux, que mon ventre gonflait. J’ai essayé de me convaincre que c’était hormonal, que ça allait passer. Mais quand j’ai raté mes règles pour la troisième fois, j’ai su.
Tu as consulté sœur Cécile à ce moment-là ? Non, j’avais trop peur. Je me disais que si je ne le disais à personne, peut-être que ce n’était pas réel. C’est stupide, je sais. Mais c’était plus fort que moi. Et quand l’as-tu finalement dit début septembre ? Sœur Jeanne, l’économe m’a vu dans le cloître. Elle a remarqué mon ventre.
Elle m’a emmené voir Mère Agnès et là tout est sorti. Laurent posa son stylo. Mathilde, je vais te poser une question directe et j’ai besoin que tu me répondes avec la plus grande honnêteté possible. As-tu eu à un moment quelconque au cours de l’année écoulée un rapport sexuel consenti avec quelqu’un ? Elle leva les yeux vers lui et il vit dans ce regard une telle détresse qui lutte un pincement au cœur.
Non, dit-elle d’une voix tremblante. Jamais. Je le jure sur ce que j’ai de plus cher. Alors, comment expliques-tu cette grossesse ? Je ne l’explique pas. C’est ça qui me rend folle. Je ne comprends pas. J’ai essayé de me souvenir. J’ai fouillé ma mémoire. J’ai prié pour que Dieu m’aide à comprendre, mais il n’y a rien, juste des morceaux de nuit flous.
Laurent se pencha légèrement en avant. Que veux-tu dire par des morceaux de nuit flous ? Mathilde baissa à nouveau les yeux. Sa voix se fit plus hésitante. Parfois, je me réveillais au milieu de la nuit avec l’impression que quelqu’un venait de sortir de ma cellule. Mais quand j’allumais la lampe, il n’y avait personne.
Et pourtant, j’avais j’avais cette sensation. comme si quelqu’un m’avait touché, comme si j’avais rêvé quelque chose, mais que je ne me souvenais plus de quoi, combien de fois cela t’est-il arrivé ? Je ne sais pas, peut-être quatre ou cinq fois, mais c’était espacé. Une fois en avril, une en mai, une en juin. Je pensais que c’était des cauchemars. Je ne les ai jamais pris au sérieux.
Laurent nota tout, mot pour mot. Puis il demanda : “As-tu déjà consommé des somnifères, des tranquillisants ou n’importe quel médicament que sœur Cécile t’aurait donné ?” Mathilde réfléchit. L’an dernier, j’avais des insomnies. Sœur Cécile m’a donné des tisanes à base de Valériane, mais rien de plus fort.
Et ces tisanes, tu les prenais régulièrement ? Pendant quelques mois ? Oui. De mars à juillet environ. Laurent encercla cette information dans son carnet, puis il changea de sujet. Parle-moi des hommes qui viennent ici. Le médecin, par exemple, le docteur Moulin. Tu as déjà eu des contacts avec lui ? Il vient une fois par mois pour les visites de routine, mais je ne le vois presque jamais.
Mère Agnès gère tout ça directement avec sœur Cécile. Et le père Vargas qui dit la messe, c’est un vieux prêtre, il doit avoir 80 ans. Il vient le dimanche matin, dit la messe, et repart aussitôt. Il ne parle à personne. Les ouvriers, les fournisseurs, il ne rentrent pas dans nos espaces de vie. Il restent dans la cour ou dans les parties communes.
On ne les croise jamais seul. Laurent hoa la tête. Il savait que ces témoignages allaient se répéter avec de légères variations dans les 14 autres entretiens. Mais il devait tout vérifier, tout recouper, chercher la faille. Mathilde, une dernière question. Est-ce que tu as peur de quelqu’un ici dans ce couvent ? Elle leva brusquement les yeux vers lui et pour la première fois, il vit passer quelque chose de différent dans son expression, de la surprise, de la réflexion, puis de la confusion.
Je je ne sais pas si c’est de la peur”, dit-elle lentement, mais parfois j’ai l’impression qu’on nous observe même quand on est seul. C’est idiot, je sais, mais c’est une sensation que plusieurs d’entre nous partagent. Qui exactement ? Sœur Élise, sœur Claire, sœur Madeleine, on en a parlé entre nous une fois à la cuisine.
On se sentait toutes un peu surveillé, mais on pensait que c’était juste la pression de la vie religieuse, vous savez, le fait qu’on soit toujours ensemble, qu’il n’y ait pas d’intimité. Laurent prit note puis remercia Mathilde et la laissa partir. L’entretien suivant fut avec sœur Élise. Plus jeune, plus fragile, elle pleurait avant même d’avoir commencé à parler.
Son récit ressemblait étrangement à celui de Mathilde. Des nuits floues, des sensations étranges, des tisanes données par l’infirmière, des absences de mémoire. Elle aussi mentionnait cette impression d’être observée même dans les moments les plus intimes. Puis ce fut le tour de sœur Claire, plus âgé, plus fermé.
Elle parlait peu, pesait chaque mot mais elle confirma l’essentiel : “Les nuits étranges, les trous de mémoire, les tisanes de sœur Cécile.” Et quand Laurent lui demanda si elle avait peur de quelqu’un, elle resta silencieuse un long moment avant de répondre. Je ne sais pas si c’est de la peur, mais je sais qu’il y a quelque chose de pourri dans ce couvent.
Quelque chose qu’on ne voit pas mais qui est là comme une ombre qui bouge quand on ne regarde pas. Laurent la fixa. Une ombre ? Que veux-tu dire ? “Je ne sais pas”, murmura-t-elle. “C’est juste une image, mais c’est ce que je ressens. Quelqu’un nous a fait quelque chose. Quelqu’un qui connaît les lieux, les horaires, les habitudes.
Quelqu’un en qui on avait confiance. À la fin de la journée, Laurent avait interrogé huit sœur et à chaque fois le même schéma se répétait : “Des nuits floues, des trous de mémoire, des tisanes, des sensations d’observation. Il ferma son carnet et se frotta les yeux. Il savait maintenant qu’il n’avait pas à faire à des mensonges.
Ses femmes disaient la vérité, ou du moins la vérité telle qu’elle l’apercevait. Mais cette vérité était incomplète, fragmentée comme si quelqu’un avait délibérément effacé des morceaux de leurs souvenirs. Il pensa aux tisanes, aux somnifères, aux substances qui pouvaient altérer la mémoire. Et il pensa aussi à sœur Cécile, l’infirmière qui les préparait.
Il allait devoir lui parler longuement. Le lendemain matin, Laurent convoqua sœur Cécile dans le bureau. Elle entra d’un pas assuré, une femme d’une cinquantaine d’années, au visage rond et aux yeux perçants derrière des lunettes cerclées de métal. Elle s’assit sans attendre qu’on l’y invite et croisa les bras. Bonjour mon père. Mère Agnè m’a dit que vous vouliez me voir.
Bonjour sœur Cécile. Oui, j’ai quelques questions à vous poser. Vous êtes l’infirmière de ce couvent depuis combien de temps ? 23 ans répondit-elle. J’ai suivi une formation d’infirmière avant d’entrer dans les ordres. Je gère tout ce qui concerne la santé des sœur sous la supervision du docteur Moulin. Parlez-moi de ces tisanes que vous préparez. Plusieurs sœurs m’ont dit que vous leur en donniez régulièrement.
Sœur Cécile haussa les sourcils. Des tisanes ? Oui, évidemment, c’est mon travail. Valériane pour l’insomnie. Camomille pour les mots de ventre. Tyuul pour l’anxiété. rien que des plantes médicinales classiques. Vous les préparez vous-même. Oui, j’ai un petit laboratoire dans l’infirmerie avec toutes les plantes séchées et les dosages nécessaires et vous tenez un registre de ce que vous donnez à chaque sœur. Elle hésita une fraction de seconde. Non, pas systématiquement.


Ce sont des remèdes légers, pas des médicaments. Je note seulement quand je donne quelque chose de plus fort prescrit par le docteur Moulin. Laurent ouvrit son carnet et feuilleta quelques pages. Sœur Mathilde m’a dit que vous lui aviez donné des tisanes de Valéiane pendant plusieurs mois, de mars à juillet.
Vous confirmez ? Oui, si elle le dit, c’est possible. Elle avait du mal à dormir. Sœur Élise aussi. Sœur Claire également. En fait, sur les huit sœurs que j’ai interrogé hier, sept ont mentionné ses tisanes. C’est étrange, non ? Sœur Cécile le regarda froidement. Pas du tout. La vie religieuse est difficile.
Beaucoup de sœurs souffrent d’insomnie, d’anxiété. C’est mon rôle de les soulager. Où vous procurez-vous ces plantes ? Certaines viennent de notre jardin. D’autres, je les commande chez un fournisseur spécialisé à Toulouse. Tout est parfaitement légal. Laurent se pencha en avant. Sœur Cécile, je vais être direct. Ces quinze sœurs enceintes ont tout un point commun.
Elles ont toutes consommé vos tisanes et elles ont toutes des trous de mémoire, des nuits floues, des sensations d’absence. Est-ce que vous voyez où je veux en venir ? Le visage de sœur Cécile se durcit. Vous m’accusez d’avoir drogué mes sœurs. C’est ridicule. Je n’accuse personne, je constate, et je vous demande si par erreur, par négligence ou par malveillance, quelque chose d’autre que de la Valéiane a pu se retrouver dans ses tisanes. Jamais, répliqua-t-elle sèchement.
Mes préparations sont irréprochables. Je suis infirmière, pas empoisonneuse. Laurent la fixa un long moment sans rien dire, puis il changea de tactique. Vous avez remarqué quelque chose d’inhabituel ces derniers mois ? des comportements étranges, des allées et venues nocturnes, des portes ouvertes qui auraient dû être fermées. Sœur Cécile détourna le regard vers la fenêtre.
Elle resta silencieuse comme si elle pesait chaque mot. Il y a une chose, finit-elle par dire, mais je ne sais pas si c’est important. Dites toujours. Il y a 3 mois, j’ai trouvé la porte de l’infirmerie entrouverte un matin. J’étais certaine de l’avoir fermé à clé la veille. J’ai pensé que j’avais oublié, mais ça m’a troublé.
Et puis une autre fois, j’ai remarqué qu’un flacon de sirop pour la toue avait disparu. Rien de grave, mais c’était bizarre. Vous en avez parlé à Mère Agnè ? Non, je me suis dit que j’avais dû me tromper. Laurent nota tout cela puis demanda, “Ce sirop pour la tou, il contenait quoi exactement ?” de la codéine, une faible dose mais suffisante pour calmer les tout sèches et la codéine peut avoir des effets sédatif, n’est-ce pas ? Sœur Cécile serra les lèvres. Oui, si on en prend trop, mais je contrôle toujours les doses. Laurent referma son carnet. Je
vais avoir besoin que vous me donniez la liste complète de tous les produits présents dans votre infirmerie, plantes, sirop, médicaments, tout. Et je veux aussi les noms de vos fournisseurs. Vous n’avez pas le droit, protesta-t-elle. Si j’ai le droit. Je suis mandaté par le diocèse et si vous refusez de coopérer, je transmettrai le dossier à la police.
C’est clair. Sœur Cécile se leva brusquement. Très clair, dit-elle d’une voix glaciale. Vous aurez votre liste d’ici ce soir. Elle sortit en claquant la porte. Laurent resta seul, les yeux fixés sur ses notes. Il sentait qu’il touchait quelque chose, pas encore la vérité, mais une piste. Les tisanes, l’infirmerie, les portes ouvertes.
Quelqu’un avait eu accès à des substances qui pouvaient altérer la conscience. Quelqu’un qui connaissait les habitudes des sœurs, leurs horaires, leurs faiblesses. Il pensa au docteur Moulin. Il allait devoir le voir. L’après-midi même, Laurent se rendit au village de Beaulieu sur vert. Le cabinet du docteur Bertrand Moulin se trouvait dans une vieille maison de pierre au centre du village.
Laurent entra sans rendez-vous et fut reçu par une secrétaire qui le fit patienter une dizaine de minutes avant de le conduire dans le bureau du médecin. Bertrand Moulin était un homme d’une soixantaine d’années, chauve, bedonnant, avec un sourire affable et des mains épaisses. Il serra chaleureusement la main de Laurent et l’invita à s’asseoir.
Mon père, quelle surprise ! Que puis-je faire pour vous ? Docte Moulin, je suis le père Laurent Dubreuil, envoyé par le diocèse pour enquêter sur une situation délicate au couvent de Saint Li. J’aurais quelques questions à vous poser. Le sourire du docteur se figea légèrement. Une situation délicate. De quoi s’agit-il ? Vous êtes le médecin référent du couvent, n’est-ce pas ? Oui, depuis une quinzaine d’années. Je m’occupe des visites de routine, des petits problèmes de santé.
Rien de bien compliqué en général. Quand êtes-vous allé au couvent pour la dernière fois ? Moulin réfléchit. Il y a environ trois semaines. Une visite de contrôle. Tout allait bien. Vous n’avez rien remarqué d’inhabituel comme quoi Laurent le fixa droit dans les yeux. Comme le fait que quinzeince sœurs soient enceintes. Le docteur Moulin écarquilla les yeux.
Sa bouche s’ouvrit puis se referma. Il resta un instant sans voix. Quoi ? Quinze vous ? Vous êtes sérieux ? Très sérieux ? Moulin se laissa tomber contre le dossier de sa chaise. Le visage blemme. Je ne savais pas. Je le jure, on ne me l’a pas dit. Mère Agnès ne m’a rien signalé. Vous ne les avez pas examiné ? Non. Si j’avais su, évidemment que je les aurais examiné.
Mais personne ne m’a appelé. Personne ne m’a rien demandé. Laurent observa attentivement la réaction du médecin. Elle semblait sincère, trop sincère peut-être. Docteur, vous êtes le seul homme à avoir un accès régulier à l’intérieur du couvent. Vous comprenez que je dois vous poser la question. Avez-vous eu à un moment quelconque un contact inapproprié avec l’une des sœurs ? Moulin devint écarlate ? Non, jamais. Je suis médecin bon sang et je suis marié.
J’ai trois enfants. Comment osez-vous suggérer une chose pareille ? Je ne suggère rien. Je vérifie. Moulin se leva tremblant de colère. Je veux bien coopérer, mon père, mais il y a des limites. Je n’ai rien à voir avec cette histoire. Et si vous continuez à m’accuser, je demanderai à mon avocat d’intervenir. Laurent resta calme. Je ne vous accuse pas.
Je fais mon travail, mais si vous n’avez rien à cacher, vous accepterez de me donner la liste de toutes vos visites au couvent au cours des deux dernières années avec les dates et les motifs. Moulin serra les points puis finit par hocher la tête. Très bien, ma secrétaire vous donnera tout ça.
Maintenant, sortez de mon cabinet. En quittant le cabinet médical, Laurent se sentait troublé. Le docteur Moulin semblait sincère, mais la sincérité ne prouvait rien. Il avait vu trop de menteurs convaincants dans sa carrière pour se fier aux apparences. Il devait continuer à creuser. Il décida de se rendre à l’église du village pour rencontrer le père Émile Vargas, le vieux prêtre qui disait la messe au couvent chaque dimanche.
L’église était petite, sombre, sentant l’enang et la pierre humide. Laurent trouva le père Vargas dans la sacristie en train de ranger des ornements liturgiques. C’était un homme voûté au visage creusé de rides profondes aux mains tremblantes. Père Vargas, je suis le père Laurent Dubreuil. Puis-je vous parler un instant ? Le vieil homme leva vers lui des yeux fatigués.
Bien sûr, mon fils. Asseyez-vous. Laurent s’assit sur un banc de bois et expliqua brièvement la situation. Le père Vargas s’écouta en silence, hohant parfois la tête, le regard perdu dans le vide. “C’est une terrible histoire”, murmura-t-il finalement. “Ces pauvres sœurs. Dieu seul sait ce qui leur est arrivé. Vous allez au couvent tous les dimanches ?” “Oui, depuis 20 ans.
” Je dis la messe à hesur puis je repars. Je ne reste jamais bien longtemps. “Vous avez remarqué quelque chose d’inhabituel ces derniers mois ?” Le père Vargas réfléchit longuement. Maintenant que vous le dites, oui, il y a quelques mois, j’ai croisé un homme dans la cour du couvent. Je ne l’avais jamais vu.
Il portait une salopette de travail. Il m’a dit qu’il était là pour réparer un tuyau. Mais ça m’a parut étrange parce que c’était un dimanche et d’habitude les ouvriers ne viennent pas le dimanche. Laurent se redressa. Vous vous souvenez de son visage ? vaguement un homme jeune, la trentaine, cheveux bruns, barbe courtes, il avait une mallette d’outils. Vous en avez parlé à Mère Agnè ? Non, je me suis dit que ce n’était pas mes affaires.
Laand nota tout cela dans son carnet, un homme inconnu un dimanche avec des outils. C’était peut-être un détail sans importance ou peut-être la clé de tout. De retour au couvent, Laurent convoqua Mère Agnès et lui parla de ce que le père Vargas avait mentionné. un homme inconnu un dimanche dans la cour. La supérieure fronça les sourcils. Un dimanche ? C’est impossible.
Nous ne faisons jamais venir d’ouvrier le dimanche. Et si quelqu’un était venu pour une urgence, j’aurais été prévenu. Vous êtes sûr que personne n’est venu ce jour-là ? Absolument. Je vérifie tout, père. Chaque entrée, chaque sortie. Laurent ouvrit le registre qu’elle lui avait fourni et parcourut les pages correspondantes au dimanche des six derniers mois.
Aucune mention d’un ouvrier, d’un plombier, d’aucun homme en dehors du père Vargas. Alors soit le père Vargas s’est trompé de jours, soit cet homme est entré sans être enregistré, dit Laurent lentement. Mère Agnès Pal, mais comment ? Le portail est toujours fermé à clé. Seules trois personnes ont les clés. Moi, sœur Jeanne et sœur Cécile, Laurent releva brusquement la tête. Sœur Cécile a une clé du portail. Oui.
En cas d’urgence médicale, elle doit pouvoir sortir rapidement pour appeler une ambulance. Et vous êtes certaine qu’elle n’a jamais prêté cette clé à personne. Je ne sais pas. Je ne peux pas surveiller tout le monde en permanence. Laurent se leva et se dirigea vers la porte. Où allez-vous ? demanda mère Agnèse. Parlez à sœur Cécile encore une fois.
Il la trouva dans l’infirmerie en train de ranger des flacons dans une armoire métallique. Quand elle le vit entrer, elle soupira. Encore vous ? Encore moi, confirma Laurent. J’ai une question simple, sœur Cécile. Avez-vous déjà prêté votre clé du portail à quelqu’un ? Elle serait dit : “Non, jamais. Vous en êtes sûr ? Oui.
Laurent s’approcha d’elle et baissa la voix. Sœur Cécile, je sais que vous cachez quelque chose. Je le sens. Et si vous ne me dites pas la vérité maintenant, je vais devoir transmettre ce dossier à la police et là ça sera beaucoup plus difficile pour tout le monde. Elle détourna le regard, les lèvres tremblantes.
Puis tout à coup, elle s’effondra sur une chaise et enfouit son visage dans ses mains. “Je ne voulais pas”, murmura-t-elle. “Je ne savais pas.” Laurent s’assit en face d’elle. Vous ne saviez pas quoi. Elle releva la tête, les yeux rouges. Il m’a dit qu’il avait besoin d’entrer pour réparer quelque chose, une urgence. Je l’ai cru. Il avait l’air honnête.
Il m’a promis que ce serait rapide, qu’il ne dérangerait personne. Alors, je lui ai prêté la clé. Juste une fois ou peut-être deux fois. Je ne me souviens plus exactement qui, sœur Cécile, qui était cet homme ? Marc. Marque Dubois. Le plombier Laurent sentit son cœur s’accélérer. Le plombier qui a fait des réparations l’an dernier.
Oui, il est venu plusieurs fois pour des fuites, des tuyaux bouchés. Il était gentil, toujours souriant. Il me parlait, me posait des questions sur la vie au couvent. Je me sentais moins seul quand il était là. Et vous lui avez prêté la clé ? Oui, sanglota-t-elle. Je sais que j’ai eu tort, mais je ne pensais pas qu’il qu’il ferait du mal. Laurent se leva et alla fenêtre.
Les pièces du puzzle commençaient à s’assembler. Un homme qui avait accès au couvent, une infirmière qui lui prêtait la clé, des tisanes qui endormaient les sœurs, des nuits flouses, des trous de mémoire. “Sœur Cécile”, dit-il sans se retourner, “je vais vous poser une dernière question et je veux que vous réfléchissiez bien avant de répondre.
Est-ce que Marc Dubois a jamais eu accès à votre infirmerie ? à vos plantes, à vos flacons, à vos médicaments. Elle resta silencieuse un long moment, puis d’une voix à peine audible. Oui, une fois il est venu réparer un robinet dans l’infirmerie. Il est resté seul quelques minutes pendant que j’allais chercher des serviettes.
Quand je suis revenu, il rangeait ses outils. Laurent ferma les yeux. Tout s’emboîit. Marc Dubois avait eu l’occasion de doper les tisanes. Il avait eu la clé pour rentrer la nuit. Il connaissait les lieux, les horaires, les habitudes et il avait profité de la confiance de Sœur Cécile pour orchestrer tout cela.
“Où habite-il ?” demanda Laurent. “Je ne sais pas, quelque part dans le village, je crois. Vous avez son numéro de téléphone ?” “Non, c’est Mire Agnès qui s’occupait de le contacter.” Laurent quitta l’infirmerie et retourna voir la supérieure. Il lui expliqua ce que sœur Cécile venait de lui révéler. Mère Agnès devint livide.
Marc Dubois, je ne peux pas croire qu’il il semblait si correct, si professionnel. Où puis-je le trouver ? Je vais chercher ses coordonnées. Elle fouilla dans ses dossiers et finit par sortir une feuille avec un nom, une adresse et un numéro de téléphone. Laurent nota tout et se prépara à partir. “Q’allez-vous faire ?” demanda Mère Agnès. Je vais le voir et ensuite, j’appelle la police.
L’adresse correspondait à une petite maison en bordure du village, isolée, entouré d’un jardin mal entretenu. La frappa à la porte, pas de réponse. Il frappa à nouveau, plus fort, toujours rien. Il fit le tour de la maison et regarda par les fenêtres. Tout semblait vide, abandonné. Il retourna à sa voiture et appela le commissariat de la ville la plus proche.
Il expliqua la situation à un officier qui promis d’envoyer une patrouille immédiatement. Puis il retourna au couvent pour attendre. 2 heures plus tard, un inspecteur de police arriva au couvent. Il s’appelait Thomas Renaud, la quarantaine. Regard fatigué, costume froissé. Laurent lui résuma tout. Les quinze grossesses, les trous de mémoire, les tisanes, la clé prêtée, marque du bois.
On va lancer un avis de recherche, dit Renault et on va interroger tout le monde au village. Quelqu’un doit savoir où il est parti. Vous pensez qu’il a fui ? C’est probable. S’il a compris qu’on le cherchait, il a dû prendre le large. La renit espéré confronter cet homme, le forcé à avouer, à expliquer, mais il avait disparu. Et pour les sœurs, demanda Renault, elles vont porter plainte ? Je ne sais pas encore. C’est compliqué.
Elles n’ont pas de souvenirs clair. Ça va être difficile de prouver quoi que ce soit. On va faire des analyses sur les tisanes, sur les produits de l’infirmerie. Si on trouve des traces de substances sédative, ça suffira peut-être. Le rend hocha la tête.


Mais au fond de lui, il savait que même si Marc du Bois était arrêté, même si tout était prouvé, rien ne pourrait effacer ce qui avait été fait à ses femmes. Rien ne pourrait leur rendre leur innocence perdue. Les jours suivants furent un chaos silencieux. La police investit le couvent, interrogea chaque sœur, fouilla l’infirmerie. envoya des échantillons de tisane au laboratoire.
Les analyses révélèrent des traces de benzodiazpine dans plusieurs préparation confirmant que quelqu’un avait bien drogué les sœurs. Marc Dubois fut localisé une semaine plus tard dans un petit hôtel myteux près de la frontière espagnole. Il fut arrêté et ramené en France. Lors de son interrogatoire, il finit par avouer une partie de ce qu’il avait fait.
Il avait emprunté la clé à Sœur Cécile sous de faux prétextes. Il avait drogué les tisanes avec des médicaments volés dans l’infirmerie et il était entré la nuit dans les cellules des sœurs endormies. Mais il n’y a jusqu’au bout avoir eu des relations sexuelles avec elle, affirmant qu’il voulait seulement les observer, les toucher.
Les analyses ADN confirmèrent pourtant qu’il était le père des quinze enfants. Le scandale éclata dans la presse. Couvent de l’horreur, prédateur en série, l’église encore accusée de silence. Les journalistes assiégèrent le village, harcelèrent les sœurs, exigèrent des interviews. Mère Agnès refusa de parler.
Elle se contenta de publier un communiqué bref rédigé avec l’aide de Laurent : “Nos sœurs sont des victimes. Nous demandons respect et compassion.” Mais le respect et la compassion étaient rare. Sur les réseaux sociaux, les commentaires fusaient “Comment elles n’ont rien remarqué ? Elles devaient bien s’en douter. C’est louche cette histoire.
Certains allèrent jusqu’à accuser les sœurs d’avoir menti, d’avoir été consentante, de vouloir couvrir une liaison. Laurent était révolté. Il passa des heures à répondre aux journalistes à expliquer que ses femmes avaient été droguées, violées, manipulées, mais rien n’y faisait. Le scandale avait pris une vie propre et la vérité se perdait dans le bruit. Tr mois plus tard, les quinze sœurs accouchèrent, presque toutes au même moment.
Certaines choisirent de garder leur enfant, d’autres de le confier à l’adoption. Aucune ne resta au couvent. Elles partirent une à une, cherchèrent ailleurs une vie qu’elle ne pourrait peut-être jamais retrouver. Sœur Mathilde fut l’une des dernières à partir. Laurent vint lui dire au revoir un matin de février sous un ciel gris et froid.
Elle portait des vêtements civils, un manteau bleu marine, un sac à dos sur l’épaule. Elle avait accouché d’une petite fille qu’elle avait appelé Marguerite et qu’elle avait confié à une famille d’accueil. Elle n’avait pas la force de l’élever. Vous allez où ? Demanda Laurent. Chez mes parents à Toulouse pour quelques mois. Ensuite, je ne sais pas. Peut-être que je retournerai à l’université.
Peut-être que je trouverai un travail. Peut-être que je resterai enfermé dans ma chambre pour le reste de ma vie. Laurent posa une main sur son épaule. Vous êtes forte, Mathilde, plus forte que vous ne le croyez. Elle le regarda avec un sourire triste. Je ne me sens pas forte, je me sens cassée, mais merci quand même. Elle monta dans le bus qu’il attendait devant le portail. Laurent la regarda partir.
Le cœur lourd. Le couvent de Saint Lit ferma ses portes six mois plus tard. Il ne restait que sept sœurs, trop peu pour maintenir la communauté. Mère Agnès démissionna de son poste et partit vivre dans un autre couvent dans le nord de la France. Sœur Cécile fut suspendue de ses fonctions et placé sous surveillance psychologique.
Elle n’avait pas voulu aider Marc Dubois, mais sa naïveté avait permis les crimes. Marc Dubois fut condamné à 20 ans de prison pour viol aggravé avec administration de substance. Lors de son procès, il resta impassible, répondant aux questions d’une voix monocorde, sans jamais exprimer le moindre remord.
Les psychiatres qui l’examinèrent conclurent qu’il était un psychopathe incapable d’empathie qui avait planifié ses actes avec une froide méthodologie. Laurent Dubreuil retourna à Paris, épuisé, marqué par cette enquête. Il avait vu beaucoup de choses dans sa carrière, mais jamais quelque chose d’aussi méthodique, d’aussi cruel. Il pensa souvent à Mathilde, à Élise, à Claire, à toutes ces femmes dont la vie avait été fracassée par un homme qui les avait réduite à des objets.
Il écrivit un rapport détaillé pour le Vatican, recommandant des mesures de sécurité plus strictes dans les couvents, des formations pour détecter les prédateurs, des protocoles pour protéger les victimes. Mais il savait que ces mesures viendraient trop tard pour les quinze sœurs de Saint-Lis. 10x ans plus tard, Laurent reçut une lettre.
L’enveloppe portait un timbre de Toulouse. À l’intérieur une carte postale avec une photo du canal du Midi. Au dos, quelques lignes écrites d’une main hésitante. Mon père, c’est Mathilde. Je voulais vous dire que je vais mieux. J’ai repris des études. Je travaille dans une bibliothèque. J’ai des amis. Je ne suis pas guéri. Je ne le serai jamais. Mais je vis et parfois je souris.
Merci de ne pas nous avoir abandonné. Merci d’avoir cherché la vérité. Mathilde. Laurent posa la carte sur son bureau et ferma les yeux. Il savait que la vérité n’avait pas suffi à réparer ce qui avait été détruit. Mais au moins, elle avait permis à ses femmes de ne pas porter seul le poids de la honte. Au moins, elle avait mis un nom sur l’horreur et peut-être avec le temps, elle leur permettrait de se reconstruire.
Il pensa aux quinze enfants nés de cette tragédie. Certains ne sauraient jamais la vérité sur leurs origines. D’autres la découvrirraient un jour et devraient apprendre à vivre avec. Il pensa aussi aux centaines d’autres victimes dans d’autres couvents, d’autres églises, d’autres institutions religieuses qui n’avaient jamais eu la chance d’être entendu.
Et il se promit de continuer à chercher, à écouter, à croire parce que c’était tout ce qu’il pouvait faire, tout ce qui restait à faire. M.

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